Billet: l’Europe et la dette grecque

Elle a reçu la Grèce à bras ouverts
Et maintenant la tient à bout de bras
L’Europe a cru qu’un abracadabra
Résoudrait tout dans cette triste affaire

D’abord prodigue à tort et à travers
De trop d’argent mettant dans de beaux draps
Ses obligés fatalement ingrats
Elle a reçu la Grèce à bras ouverts

Puis quand la crise est devenue sévère
Elle a voulu se tirer d’embarras
Mais elle a vu le peuple grec lui faire
Un bras d’honneur après un bras de fer
Et maintenant le tient à bout de bras

L’Europe tient la Grèce à bout de bras, mais la Grèce aussi tient l’Europe. Celle-ci, en cette période de fragilité vis-à-vis des marchés financiers, ne peut se permettre un échec dans ce dossier.

En ce qui concerne la France, si l’on se réfère au projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017, l’endettement (au sens de Maastricht) imputable au soutien à la Grèce s’élèvera en 2012 à 36,1 milliards d’euros, dont 11,4 milliards de prêts bilatéraux et 24,6 milliards apportés au fonds de secours européen (FESF). Cette exposition au risque grec va croître dans les années à venir. Il n’est pas prévu d’augmenter le montant des prêts bilatéraux à Athènes, mais l’endettement via le FESF va s’élever jusqu’à 31,6 milliards d’euros en 2014. Ainsi, l’endettement français en faveur de la Grèce sera de 40 milliards en 2013 et de 43 milliards en 2014  (évaluations antérieures aux mesures décrites ci-dessous).

Après une énième réunion non conclusive, les ministres des finances de la zone euro et la directrice du Fonds Monétaire International (FMI) se sont à nouveau réunis les 20 et 21 novembre 2012, pour trouver un accord sur la reprise des crédits à Athènes, et sur le moyen d’alléger la dette grecque (qui menace d’atteindre 190 % du PIB en 2014 malgré les précédents plans de sauvetage européens, alors qu’elle ne dépassait pas 140 % du PIB fin 2010), afin qu’elle puisse revenir au niveau de 120 % en 2020, un objectif d’ailleurs jugé irréaliste en fin de compte. Au bout de 10 heures de discussion, ils ont quitté vers 5 heures du matin le bâtiment du Conseil européen à Bruxelles: sans avoir encore déterminé comment diminuer la dette publique grecque, ni débloqué les dizaines de milliards d’aides en suspens depuis le premier semestre 2012.

Que penser de ces tractations de l’Eurogroupe? Après la suppression de la moitié des créances privées il y a un an, la question se pose aujourd’hui d’une restructuration de la dette grecque détenue par les entités publiques. Le FMI a recommandé ce nouvel effacement, à la charge des Etats européens, mais ceux-ci y sont hostiles, car il en résulterait un gonflement de leurs déficits, et ils ont proposé d’autres mesures pour alléger le fardeau financier pesant sur ce pays en récession depuis plusieurs années.

Dans la nuit de lundi à mardi 27 novembre, après une nouvelle réunion interminable, les Etats de la zone euro et le FMI sont parvenus à mettre en sourdine leurs divergences. 34,4 milliards d’euros vont être versés en décembre 2012, et 12 milliards par tranches, en 2013, si Athènes respecte ses engagements en matière de réformes.
De plus, un compromis partiel a été élaboré pour tenter d’alléger le fardeau de la dette grecque. Il a été convenu que cette dette serait ramenée à 124 % du PIB d’ici à 2020, ce qui représente un allégement de 40 milliards d’euros, par une combinaison de mesures dans lesquelles beaucoup voient un « bricolage »: moratoire sur des remboursements d’intérêts, allongements de prêts, baisse de taux, rachat de dette par la Grèce « à prix cassés », affectation des gains réalisés par les banques centrales européennes sur leurs obligations d’Etat grecques, à un compte bloqué consacré au désendettement de la Grèce…
Les ministres sont également convenus de prendre, si nécessaire, les mesures permettant de ramener sous 110 % du PIB la dette grecque d’ici 2022.

Le 13 décembre 2012, à l’issue d’une réunion exceptionnellement brève, l’Eurogroupe a formellement approuvé le déblocage de l’aide financière pour la Grèce, qui n’avait rien reçu depuis avril 2012, et qui évite par ce versement la faillite.
La zone euro va verser 49,1 milliards d’euros d’ici fin mars 2013 : 34,3 milliards dans la seconde quinzaine de décembre 2012, via le Fonds européen de stabilité (FESF), plus 14,8 milliards par tranches dans le courant du premier trimestre 2013. Le déblocage par le FMI de sa propre tranche de prêts, 3,4 milliards, devrait donc porter au total à 52,5 milliards d’euros les fonds versés à la Grèce d’ici le printemps 2013.
11,2 milliards d’euros ont été prévus pour le rachat de dettes par la Grèce, au tiers de leur valeur. Le pays doit consacrer le reste à recapitaliser ses banques en deux fois (16 milliards en décembre, et 7 milliards entre janvier et mars 2013), et à s’acquitter de ses dépenses courantes et arriérés auprès de ses fournisseurs (7 milliards en décembre 2012 et 11 milliards entre janvier et mars 2013).

Contre l’avis du FMI, plusieurs pays tels que l’Allemagne, les Pays-Bas,la Finlande, ont refusé d’effacer une partie de la dette publique grecque, mesure électoralement délicate, notamment en Allemagne, dont on craint qu’elle ne constitue un précédent.
Ironiquement, l’Allemagne, qui avait le plus insisté pour obtenir la collaboration du FMI lors du premier plan de sauvetage grec en 2010, est désormais la plus opposée aux demandes de cette institution.
Mais la zone euro échappera-t-elle finalement à un nouvel effacement pur et simple d’une partie de la dette grecque? On peut en douter.
(mis à jour le 15 décembre 2012)

Dominique Thiébaut Lemaire

P.S. Voir au sujet des effacements de dette, dans Libres Feuillets, l’article de Maryvonne Lemaire intitulé La remise des dettes en Grèce au temps de Solon (VIe siècle av.J.-C.).

Billet: le prix Goncourt 2012

C’est un roman qui parle de la Corse
Et qui n’est pas fleuri comme un corso
L’homme sauvage y charcute les bourses
De ses verrats comme d’autres pourceaux

Le philosophe y a cru au commerce
D’un bar plus vrai que les universaux
L’ami lecteur se sent devant ces mœurs
Plus étranger que le nommé Meursault

En Algérie la sœur archéologue
Cherche à Hippone un résidu romain
Qui ennoblit le niveau du discours

Noir mais flatteur par le bel épilogue
De son succès premier à l’examen
Ce roman corse a gagné le Goncourt

Le prix Goncourt 2012 a été attribué le 7 novembre 2012 à Jérôme Ferrari pour son roman intitulé Sermon sur le chute de Rome, dont le titre fait référence à Saint Augustin, évêque de la cité d’Hippone aujourd’hui en Algérie.

Cette œuvre a fait l’objet d’une présentation de Martine Delrue publiée dans Libres Feuillets le 18 septembre 2012, de même que Martine Delrue avait pressenti l’attribution du Goncourt 2011 à L’art français de la guerre (aussi long que le Goncourt de cette année est court), présenté par elle le 17 octobre 2011.

Entre la chute de l’empire romain et le village corse dont nous parle ce roman, l’écart paraît énorme de prime abord, mais il n’est plus infranchissable si l’on passe par le détour de « l’empire colonial » français dans l’organisation duquel, précisément, les Corses ont joué un rôle important, comme le montre le personnage de Marcel, administrateur des colonies, grand-père du philosophe défroqué revenu au pays, Matthieu, protagoniste du roman.
Dans un article du journal Le Monde daté du 9 novembre 2012 et dont le titre commence par: « Vu de Corse », Ariane Chemin a écrit: « Aucun juré sans doute ne sait que Ferrari est assez corse pour tenir, il y a quelques mois encore avec l’écrivain Marc Biancarelli un site satirique où, singeant les vieux insulaires revenus des colonies, ils appelaient à la reconquête de l’Indochine et l’Algérie. »

« L’empire » de la France a changé de nature. On pourrait dire, en s’inspirant des exemples donnés par Jérôme Ferrari, qu’il est représenté dans de nombreux pays par des archéologues tels que la sœur de son personnage Matthieu, ou par des enseignants, tels que lui-même, qui a enseigné en Algérie, et qui enseigne aujourd’hui à Abu Dhabi.

En ce qui concerne la Corse proprement dite, où Matthieu et l’un de ses amis ont repris la gérance d’un bar, le roman en donne une image sombre. Comme l’a écrit Martine Delrue: «l’atmosphère dans le village corse est en effet nettement brutale, voire brute; le lecteur est transporté dans un roman noir et violent ».

Mais, paradoxalement, bien que ce roman soit très critique, il est possible que l’Ile de Beauté soit flattée de son succès, comme nous l’indique l’article du journal Le Monde mentionné plus haut, qui donne ces informations: « Jour de Goncourt, titre jeudi 8 novembre Corse-Matin sur cinq colonnes à la lune. Avant de la combler d’aise, Jérôme Ferrari a pourtant longtemps dérangé dans son île. Dans les chroniques culturelles acerbes qu’il a tenues, deux ans durant, dans le journal nationaliste Paese, le prof de philo formé à Paris s’est fait très jeune pas mal d’ennemis. »

Le livre aurait déjà été vendu à 90.000 exemplaires à la date où le prix a été décerné. D’après un article des Echos du 18 novembre 2012 (intitulé: « Le Goncourt force la croissance de l’éditeur arlésien Actes Sud »), la présidente du directoire d’Actes Sud caractérise ainsi quelques-unes des qualités du livre, dont elle espère vendre 600.000 exemplaires: « abordable, rapide et pas cher ». Heureusement, ce roman ne se réduit pas à ces adjectifs.

 

Dominique Thiébaut Lemaire

L’Impressionnisme et la mode: exposition au Musée d’Orsay. Auteur de l’article: Annie Birga

 Le Musée d’Orsay présente, jusqu’au 26 janvier, une exposition consacrée à « L’Impressionnisme et la Mode ». Elle se prolongera au Museum of Modern Art de New-York et à l’Art Institute de Chicago, mais sous le titre « Impressionnism, Fashion and Modernity », ajout qui a son importance.

Les principaux artisans en sont le commissaire, Guy Cogeval, et le scénographe, Robert Carsen. L’un n’hésite pas à mélanger les genres et privilégie les expositions pluridisciplinaires. L’autre imagine une théâtralisation de l’espace qui donne lieu à la surprise. C’est de leur accord et de la cohésion de leurs points de vue que provient la parfaite réussite de l’exposition. On citera ici Baudelaire, imaginant un drame où les acteurs porteraient des costumes d’autrefois : « Le passé, tout en gardant le piquant du fantôme, reprendra la lumière et le mouvement de la vie et se fera présent ». Ajoutons que les  deux  musées américains ont apporté leur concours par des prêts de tableaux prestigieux et la collaboration de conservateurs, et que différents Musées de la Mode (Galliera en tête) ont restauré vêtements et accessoires.

La première salle s’ouvre sur deux portraits de femmes (Manet et Renoir), lisant des journaux de mode. Estampes, affiches, publicités attestent de la diffusion de la mode dans la vie brillante et mondaine du Paris de l’époque. Les romanciers en témoignent.  Et bien sûr les peintres qui se veulent témoins de la vie moderne. Les artisans font preuve d’un savoir-faire exceptionnel. En témoignent  les vêtements très raffinés qui sont groupés dans cette salle. Citons encore Baudelaire : «  Les costumes qui font rire bien des gens irréfléchis, de ces gens graves sans vraie gravité, présentent un charme d’une nature double, artistique et historique »

Place ensuite au parcours théâtralisé. Décor rouge, papiers peints d’époque, chaises Napoléon III, marquées d’étiquettes portant les noms de personnes illustres, miroirs qui font mirage et dédoublent les tableaux. Comme pour deux défilés, les grandes toiles reposent sur des podiums. Elles représentent des femmes portant des robes à la mode. La première, « La Femme au perroquet », fait surgir le beau personnage énigmatique de Victorine Meurent, Olympia, dans un déshabillé rose superbement peint. Plus loin, « La Dame au gant » de Carolus Duran, avec un jeu sur les deux gants et des couleurs à la Velasquez.  La notion de modernité rassemble ces peintres appartenant à des écoles différentes .Faut-il toujours classifier ? « Octobre » de James Tissot, proche des Préraphaélites,  est confronté à « La Parisienne » de Manet, «  Rolla » de Gervex est exposé avec le « Nana » de Manet.

Des podiums, l’exposition suit la femme dans les scènes intimes, puis dans les spectacles. Le vêtement, en accord avec la psychologie et le milieu social, renforce la véracité et la force de l’expression. Peut-on imaginer plus de dissemblance qu’entre la tenue brillante de l’intellectuelle Nina de Callias (Manet) et la discrétion de  la robe noire de la grande bourgeoise, femme de l’éditeur, Madame Charpentier, peinte par  Renoir ?  Quant aux tenues de théâtre ou robes de bal, ce sont les trois femmes peintres impressionnistes, Eva Gonzalès, Berthe Morisot, Mary Cassatt,  qui en rendent le mieux  l’éclat et l’audace. Un seul nu dans l’exposition (on peut  le concevoir !) mais, au pied du lit,  un amas de sous-vêtements (ce fut Degas qui le conseilla à Gervex) dans ce tableau inspiré de Musset, au contenu dramatique, « Rolla », en face d’une naturaliste « Nana », mutine en corset bleu.

Pour que la revue soit complète, restent à présenter les accessoires de mode, chapeaux, ombrelles, éventails. En voici rassemblés dans de délicieuses vitrines  qui accompagnent des tableaux de petit format, dont on retiendra le délicat profil d’Irma Brunner, un pastel de Manet, et des « Souliers roses » d’Eva Gonzalès. Quant aux vendeuses de mode,  elles ont peu de place dans  l’inspiration des peintres, Degas étant plus intéressé par les chapeaux que par la modiste, et Tissot plus préoccupé par le cadrage de « la demoiselle de magasin » que par la jeune fille elle-même.

Dans cette débauche de femmes, on n’a pas manqué de saisir le contraste entre la  sophistication du vêtement féminin et la sobriété de la tenue masculine. Vestes, redingotes, hauts-de-forme sont irrémédiablement noirs. « Une immense défilade de croque-morts », écrit Baudelaire. Degas suggère les attitudes des joueurs à la Bourse ou celles  d’amis se rencontrant dans les coulisses de l’Opéra.  Cette section est aussi riche en beaux portraits : peintres entre eux, Renoir par Bazille, Manet par Fantin-Latour (un Manet très élégant) et portraits de groupe, toujours de Fantin-Latour, un classique « Atelier aux Batignolles », montrant, autour de Manet, des peintres et amis bourgeoisement vêtus.  Et d’une remarquable précision  de détails, «  Le cercle de la Rue Royale », décrit par Tissot, formé de jeunes aristocrates très chics, qui semblent s’ennuyer (pour les lecteurs de Proust, fait partie du cercle le modèle de Swann, Charles Haas).

La vaste dernière salle rassemble hommes et femmes dans le « pleinairisme », typique de l’Impressionnisme. Robert Carsen, qui  voulait un crescendo, l’a rendue spectaculaire: gazon, chants d’oiseaux, bancs publics où l’on s’arrêterait volontiers pour rêver à ces temps révolus. On y voit « Les demoiselles du bord de Seine » (1857), prostituées légèrement vêtues, de Courbet, le précurseur, la « Réunion de famille » de Bazille, image sereine de bourgeois élégants rassemblés sous les ombres er reflets d’une terrasse. De Tissot, des portraits en plein air, comme dans la peinture anglaise. De beaux Renoir inspirés par les jeux de lumière, « Lise », « La Balançoire », la jeune fille ayant abandonné pouf et tournure pour la liberté d’une robe droite près du corps, blanche aux rubans bleus. Et surtout le merveilleux Monet qui fait danser les mousselines dans les sous-bois des « Femmes au jardin » et promène le soleil sur les cheveux  et les tissus.

On ne s’étonne pas que, par goût du contraste, les organisateurs terminent l’exposition sur  le tableau de Caillebotte « Rue de Paris, temps de pluie », vêtements stricts, parapluies, perspectives vides, couleurs douces et mélancoliques.

Annie Birga

 

 

14, de Jean Echenoz. Auteur de l’article: Martine Delrue

Jean Echenoz, 14 , Editions de Minuit, 2012

 S’attaquer à la guerre de 14, considérer la masse des documents, témoignages, livres d’histoire, récits et romans déjà parus sur ce sujet, c’est être d’emblée assommé, harassé, épouvanté. Tant a déjà été dit, analysé, examiné, filmé. Bientôt cent ans! Néanmoins subsiste, selon Echenoz, le sentiment de quelque chose d’encore très proche.

Pour conjurer cette kyrielle envahissante d’informations, le romancier a décidé de faire court. Cent-vingt pages, gros caractères, marges conséquentes. Court et dense. Dense et rythmé. Cinq jeunes gens s’en vont à la guerre. Une femme les attend.

Composé de quinze chapitres d’environ huit pages chacun, ce roman réussit à évoquer, c’est-à-dire à faire surgir quatre années de guerre, en commençant par la journée si ensoleillée du 1er août 1914. Le personnage principal, Anthime – prénom relevé sur un monument aux morts, a déclaré l’auteur – est comptable. Il quitte, avec quatre proches, son bourg de Vendée pour gagner les Ardennes. Du conflit, des batailles, aucune vue d’ensemble, aucune explication des causes ou des enchaînements. En revanche, on voit très précisément la vie quotidienne des soldats, leurs mouvements aussi bien que leurs émotions. Tout est incarné, fait de chair, de réactions sensorielles: poids du sac, par exemple par temps sec, avant les pluies d’automne, manoeuvres et marches, corvées et moments de détente. Echenoz est un écrivain sensualiste qui aime le détail et cumule les notations concrètes; ce sont les sensations qui l’intéressent d’abord, tour à vélo en danseuse ce dimanche d’août, tocsin visible des volets des clochers, plus tard canonnades, terre et éboulements dans les tranchées, lumière dans les clairières, orchestre du régiment, odeurs « effluves de rance, de moisi, de vieux » ou à la fin sentiment du membre fantôme. Cette recherche du concret contribue naturellement à mettre le corps des personnages en avant.

Tout dire de la guerre? A la place du désir de totalité, Echenoz choisit l’énumération. Il a peut-être pensé aux poèmes homériques, premiers exemples de guerre relatée en littérature. Son énumération à lui est rythmée, concentrée. Innombrables sont ses listes : de ce qu’on trouve par terre, de ce dont le sac est rempli, de ce que doit accomplir chaque jour le soldat, des types de chaussures produites dans l’usine du père de Blanche, des animaux en déshérence, des insectes, des rats ou des poux « habités d’un seul but comme des monosyllabes », car c’est bien un écrivain qui regarde. Il sait aussi varier la focale. Chaque chapitre se clôt d’une manière inattendue. La surprise fait partie du plaisir de lire.

Echenoz a choisi d’écrire son roman au passé composé. C’est, dit-il lorsqu’on lui pose la question, le temps le plus rapide, celui qu’utilise la presse pour relater les faits divers. Le passé composé n’a pas la solennité, ni la lenteur panoramique de l’imparfait. Et de fait, le lecteur que cet emploi peut faire sursauter au départ, constate bien que c’est le temps parfait pour évoquer le quotidien des soldats.

Ce qui frappe ensuite, c’est la magnifique ironie du narrateur. Un ton moqueur, qui tient les  événements à distance, lui permet de ne pas rester écrasé par l’épouvante et le malheur. Elle éclate tantôt dans des formules comme : « Va savoir au juste » ou dans quelque chose de stendhalien. «  Notre héros était fort peu héros en ce moment » dit le narrateur de La Chartreuse de Parme. Et Echenoz d’ajouter par exemple à propos de l’alcool que les soldats ne trouvent pas dans les villages qu’ils traversent: « ça n’allait pas durer, l’état-major discernant bientôt l’avantage présenté par des hommes dûment abreuvés ». De même que Fabrice voit à Waterloo les mottes de terre qui volent sous le souffle des canons, le narrateur relate d’une manière détachée: « Le bras du baryton s’est vu traversé par une balle ». C’est la forme  du verbe qui dit combien les hommes sont agis plus qu’ils n’agissent. Le lecteur est frappé de l’abondance des formes passives ou impersonnelles comme « il lui est apparu ». De cette ironie terriblement efficace, de ce détachement naît l’émotion.

Les traits de causticité abondent. L’auteur a son point de vue sur la guerre : un mot de ci, de là  nous en avertit subtilement. Parfois pourtant l’artillerie lourde est de mise, quand l’auteur évoque un opéra sordide et puant. Mais: « Tout cela ayant été écrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra ».

                                                                                                 Martine Delrue

Une famille alsacienne dans les guerres des 19e et 20e siècles. Par Dominique Thiébaut Lemaire

Depuis le 15e siècle au moins, et jusqu’à la fin du 20e siècle, la famille Hillenweck (dont le nom s’est écrit de plusieurs manières : Hylweck, Hilweg, Hillweg, Hülweck, Hülweg, Hilleweck, Hilleweckh…), a été présente à Thann, cité d’Alsace du sud, peuplée aujourd’hui d’environ 8000 habitants pour la commune proprement dite, et de 30 000 habitants pour l’agglomération qui englobe aussi la commune de Cernay.
Le présent article a été complété par la Généalogie d’Emma Greder (Hégenheim 1902-Thann 1991), épouse de Thiébaut Hillenweck (Thann 1894-Mulhouse 1971).

 PRESENTATION GENERALE

 Thann

 Thann, à une vingtaine de km à l’ouest de Mulhouse, à l’extrémité aval de la vallée de la Thur, a gardé jusqu’à nos jours les signes d’une richesse découlant au Moyen Age et à la Renaissance de trois sources de revenus : le péage à l’entrée de cette vallée faisant communiquer l’Alsace et la Lorraine; le pèlerinage de Saint-Thiébaut, qui attirait les foules; la culture de la vigne…
Ses habitants ont fait édifier à la fin du Moyen-âge l’église Saint Thiébaut (Theobaldus en latin, Ubaldo en italien, Diebold en allemand), édifice gothique dont on dit que: « le clocher de Strasbourg est le plus haut, celui de Fribourg le plus gros, mais celui de Thann est le plus beau. » En 1442 (le 30 juin), Thann est devenu le siège d’un chapitre de chanoines dépendant précédemment de l’abbaye de Murbach et transféré de Saint-Amarin. D’où la promotion de l’église thannoise au rang de collégiale, achevée en 1516 par la flèche, œuvre du bâlois Remy Faesch.
Le fait que nul ne pouvait exercer de haute fonction à Thann s’il n’avait été « bangard » c’est-à-dire garde-vignes (voir l’annexe II) donne une idée de l’importance qu’avait cette culture dans la cité. Le vignoble de Thann a inspiré des appréciations élogieuses à Montaigne, de passage dans la région en 1580. On peut lire sur internet le Journal du voyage de Michel de Montaigne rédigé par son secrétaire : « Tane…ville d’Allemagne, sujette à l’Empereur, très belle. Lendemain au matin, trouvâmes une belle et grande plaine flanquée à main gauche de coteaux pleins de vignes, les plus belles et les mieux cultivées, et en telle étendue, que les Gascons qui étaient là disaient n’en avoir jamais vu tant de suite. » Après une période de déclin, ce qu’il en reste sur les pentes d’un coteau escarpé appelé « Rangen » produit aujourd’hui un vin classé parmi les grands crus d’Alsace.

Jusqu’alors possession des Habsbourg, Thann est devenue ville française en 1648 à l’issue de la Guerre de Trente Ans (1618-1648), avec Mazarin pour seigneur.
Nommés par le seigneur et remplissant des fonctions conférées par l’intendant représentant l’autorité royale, trois fonctionnaires –le bailli, le greffier, le procureur fiscal- géraient les affaires de la ville comme de la seigneurie, de concert avec le « Magistrat » de la ville. Celui-ci était formé d’un tribunal et surtout d’un conseil (désigné sous le nom de « senatus » dans les registres paroissiaux écrits en latin) composé de deux bourgmestres et de plusieurs conseillers, recrutés par cooptation.

A partir de la fin du 18ème siècle, cette ville de pèlerinage et de vignoble est devenue un centre industriel important, dans le textile (spécialisé dans les « indiennes », à l’origine importées des Indes, toiles de coton peintes, puis imprimées), la chimie (notamment celle des colorants), la mécanique (notamment celle des machines textiles)…
Après 150 ans d’une activité industrielle souvent perturbée par les crises et les guerres, Thann a été fortement touché par la désindustrialisation à partir de la seconde moitié du 20ème siècle.

Cette ville a été à plusieurs reprises, comme le reste de l’Alsace, un enjeu entre l’Allemagne et la France: française à partir de 1648; allemande de 1871 à 1914; française de fait en 1914, et de droit après la guerre de 1914-1918; allemande de fait de 1940 à 1944.

 La « trajectoire » de la famille Hillenweck

De la fin du Moyen-âge au milieu du 18ème siècle

 Durant cette période, malgré les ravages de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) à laquelle elle a survécu contrairement à beaucoup d’autres, cette famille a manifestement connu un destin brillant, puisqu’elle a produit:
–          Thiébaut Hylweck, abbé du monastère de Lucelle dans le Jura, de 1494 à 1532 ;
–       Du 16e siècle au milieu du 18e siècle, de nombreux notables, parfois très aisés (comme Hans Hillweck décédé en 1601): maîtres de bains, drapiers, charron, boucher, marchand, fratries entières ayant pignon sur rue ;
–          Un artiste peintre, François Hillenweck (1673-1748), « sénateur », dont les tableaux sont présentés sur le site internet culture.gouv.fr.

 Du milieu du 18ème siècle à 1870

 On constate l’adhésion des Hillenweck au nouveau monde politique et économique, mais en même temps leur déclin :
–          Du point de vue démographique : Georges Thiébaut Hillenweck (1716-1766) et son épouse ont eu dix enfants, mais un seul a survécu ; par la suite, Thiébaut Hillenweck (1832-1893) n’a eu qu’un seul enfant ;
–          Au temps de la Révolution industrielle, les Hillenweck ont vécu dans le milieu des ouvriers qualifiés (notamment dans le textile comme imprimeur d’indiennes);
–          Thiébaut Hillenweck (1832-1893), fondeur, a émigré à New York en 1865, avant de revenir en Alsace.

De 1870 à la fin du 20ème siècle

Cette famille, qui a alors quitté l’industrie, s’est fortement impliquée du côté français dans les enjeux des trois guerres franco-allemandes:
–          En 1872, après la guerre franco-allemande de 1870-1871, Thiébaut Hillenweck (1832-1893) a déclaré opter pour la nationalité française, mais il est resté en Alsace. Son fils Jean Hillenweck (1862-1948), menuisier, et l’épouse de celle-ci, ont élevé leurs trois fils Thiébaut, Léon et Clément dans le souvenir de la France ;
–        Pendant la guerre de 1914-1918, Thiébaut et Léon Hillenweck, bien que nés Allemands, se sont engagés dans l’armée française ; ils ont été envoyés en Indochine où Léon a trouvé la mort ;
–          Pendant la guerre de 1939-1945, Thiébaut et sa famille ont été expulsés d’Alsace par les Allemands; Clément s’est engagé dans la Résistance, a été torturé et a failli y perdre la vie.

LES GUERRES FRANCO-ALLEMANDES

La principale caractéristique de l’attitude des Hillenweck dans ces guerres a été une francophilie qui s’est manifestée sur plusieurs générations.

 La guerre de 1870-1871 et ses suites

D’après la base de données « migrations » du CDHF (Centre d’histoire des familles du Haut-Rhin), Thiébaut (dit Jean) Hillenweck, âgé de 33 ans, ouvrier fondeur, est arrivé à New York en décembre 1865 « pour s’y fixer » (mais il est revenu à Thann).

Après la guerre de 1870-1871, l’Alsace est annexée par l’Allemagne. Fils de Jean Thiébaut Hillenweck, imprimeur d’indiennes, Thiébaut Hillenweck (1832-1893), ouvrier fondeur, domicilié à Thann, a déclaré opter pour la nationalité française, déclaration faite le 30 juillet 1872 à Thann au « kaiserliche Kreis-Director » (ou à son représentant), et le 4 août 1872 devant le maire de Bussang (département des Vosges), en son nom personnel et comme représentant légal de sa famille composée de son fils Jean (né à Thann en 1862), et de sa femme Catherine Eichert (qui, notons-le, est née à Bussang : voir l’annexe I).

Fils de Thiébaut et de Catherine Eichert, Jean Hillenweck est devenu menuisier, comme son grand-père maternel Thiébaut Eichert.
Jean Hillenweck et sa femme Catherine Bruckert envoient leur fils Thiébaut Hillenweck (Thann 2 août 1894-Thann 16 septembre 1991), élève au collège de Thann de 1908 à 1911, se perfectionner en français dans les Vosges, et aborder la littérature française en lisant Les voyages de Télémaque, de Fénelon.

 La guerre de 1914-1918

Les vallées de Thann et de Masevaux sont les seules reconquêtes territoriales françaises de la guerre de 1914-1918. L’armée française réussit à garder définitivement Thann à partir du 14 août 1914. Thiébaut Hillenweck et son frère Léon s’engagent dans l’armée française.
Le capitaine Pierre Saint Girons, maire militaire de Thann pendant la guerre de 1914-1918, avocat dans le civil, a consacré à cette période la première partie de son livre intitulé La « geste » de Thann, édité juste après la guerre de 1939-1945. Ce livre est dédié à la mémoire de quatre personnes: Jules Scheurer (1852-1942), engagé volontaire en 1914, expulsé en 1940; René Ortlieb (1908-1945), résistant, ami de Clément Hillenweck (voir plus loin); Emile Ehlinger (1898-1946), résistant; et Léon Hillenweck (1895-1917).
A propos des deux frères Thiébaut et Léon Hillenweck, Pierre Saint Girons écrit:
« Ceux-ci, munis chacun d’un louis d’or par la main maternelle, franchissent le 29 août 1914 le col de Bussang, mêlés aux chasseurs à cheval, et s’engagent au 1er zouaves, en souvenir du grand-oncle Thiébaut, le « Turco » tombé sous Paris en 1871.
« La nuit de Noël suivante, baptême du feu dans la boue de l’Yser, entre Nieuport et Lombartsyde.
« Puis la Champagne, puis le renvoi des Alsaciens qui, prisonniers des Allemands, sont fusillés comme traîtres, en Afrique du Nord, d’où, en 1916, leur bataillon est envoyé en Indochine et prend terre à Hai-Phong  le 19 août 1916. »
L’auteur évoque ensuite la mort de Léon Hillenweck, zouave mitrailleur de 2ème classe au « bataillon formant corps du 3è Zouaves », « mort pour la France » le 25 septembre 1917 à l’hôpital militaire de Hanoï, après avoir été blessé au ventre pendant la répression de Thai-Nguyen. En 1920, la médaille militaire lui a été décernée à titre posthume.
Thiébaut Hillenweck, nommé caporal-fourrier le 2 janvier 1915, sergent-fourrier le 20 juillet 1916, sergent-major le 1er octobre 1918, est revenu en Alsace en 1919, rapportant entre autres comme souvenirs de l’Indochine des éléments de mobilier et de décoration qu’il a gardés toute sa vie.

Le 19 août 1951, il a écrit un article dans le journal local pour commémorer le débarquement 35 ans auparavant (le 19 août 1916), au port de Haïphong, du Dumbéa, paquebot des Messageries Maritimes, à bord duquel se trouvait le 3ème Zouaves (rapatrié en 1919), unité composée d’Alsaciens et de Lorrains engagés volontaires pour la durée de la guerre. Deux douzaines de Thannois, dont Thiébaut et Léon Hillenweck, étaient parmi ceux qui, durant trois ans, ont gardé une partie de la haute région tonkinoise. Vieux-Thann, commune limitrophe de Thann, était également bien représentée. En pensant à la mort de son frère et à l’actualité du début des années 1950, alors que la guerre d’Indochine – on ne le savait pas encore, mais sans doute pouvait-on le pressentir- allait tourner au désastre pour la France, Thiébaut Hillenweck termine cet article en exprimant sa tristesse: « …Nous ressentons l’amertume des efforts, de la sueur, du sang dépensé en vain. »

Les deux engagés volontaires Thiébaut (derrière son père) et Léon Hillenweck  en tenue de Zouaves. Au premier plan, leurs parents et leur jeune frère Clément:

 

La période 1919-1945

Thiébaut Hillenweck

Thiébaut Hillenweck a exercé plusieurs métiers de 1919 à 1940: journaliste à Colmar, comptable chez Muller-Fichter à Thann (entreprise de fonderie-chaudronnerie mécanique), papetier libraire à Thann à partir du début des années 1930.
Il s’est marié en 1923 avec Emma Greder (voir l’annexe I). A la naissance de leur premier enfant en 1924 (ils ont eu trois filles), ces époux demeuraient à Thann 18 rue de la Halle, maison acquise par les Hillenweck en 1900, située au bord de la Thur à l’emplacement des anciens remparts. A la fin des années 1920, ils habitaient 37 rue Curiale à Thann. Par la suite, ils ont résidé jusqu’à la fin de leur vie 18 rue de la Halle (à côté de l’ancienne halle aux blés devenue musée).

 En 1939-1940, de nouveau sous l’uniforme, Thiébaut Hillenweck est sous-lieutenant, commandant d’une compagnie de mitrailleuses à Vesoul. Au début de juillet 1940, après la débâcle, il se trouve dans le sud-ouest. Le 8 juillet, il écrit depuis Muret à sa femme restée à Thann.
Les Allemands le considèrent comme indésirable en raison son engagement volontaire pro-français de 1914-1918. Sa femme Emma refuse d’exposer Mein Kampf dans la librairie. Sa fille Monique refuse de faire le salut nazi au collège. La famille est chassée d’Alsace le 11 décembre 1940, journée d’expulsions massives, et s’installe provisoirement à Muret.
Après la suppression de la zone libre, les époux Hillenweck-Greder s’installent à Ovanches en Haute-Saône pour se rapprocher de l’Alsace où ils sont toujours interdits de séjour.
Après le débarquement du 6 juin 1944, la famille (en particulier la fille aînée) est pressée de regagner Thann, et s’y trouve prise, heureusement sans blessure, sous les bombardements allemands meurtriers de la dernière heure.

Clément Hillenweck

Clément Hillenweck (Thann 24 mars 1907-Thann 22 mai 1977), frère cadet de Thiébaut, a été mobilisé comme sergent-chef en 1939-1940.
D’après la Fondation pour la mémoire de la déportation (voir internet), il a été déporté le 10 juillet 1943. Il est passé par les prisons de Saarbruck, Trèves, Cologne, Bruxelles, Douai, Francfort, Karlsruhe, avant d’être libéré, de retour à Mulhouse le 21 novembre 1944. Il a été fait chevalier puis officier de la légion d’honneur pour ses actes de résistance.

Dans son livre mentionné plus haut, Pierre Saint Girons, après avoir évoqué la mort de Léon Hillenweck en 1917, parle de Thiébaut et Clément Hillenweck en 1940-1945 (p. 8):
« Thiébaut, libraire à Thann, expulsé en 1940, Clément, pâtissier-confiseur, à l’ombre de la cathédrale, un résistant de la première heure, arrêté en octobre 1940, relâché, arrêté en juillet 1943, 17 mois de prison, torturé, sans que les coups lui arrachent un mot, délivré à Mulhouse en novembre 1944, pour participer activement à la libération de Thann. »

Il donne ensuite davantage de détails sur Clément Hillenweck et sur un ami de celui-ci, le résistant René Ortlieb (1908-1945), hôtelier de l’hôtel du Parc à Thann, président de l’Amicale des sous-officiers de la vallée de la Thur, revenu en août 1940 avec la croix de guerre après sa démobilisation. Pierre Saint Girons écrit à ce sujet (p.94):
« L’hôtel du Parc constitue un observatoire de premier ordre, et certains agents, sous des prétextes professionnels, y fréquentent ; en particulier Clément Hillenweck …y apporte des renseignements complémentaires, et des recoupements. Des moyens variés permettent de les acheminer sur Londres. »
La frontière suisse était ouverte aux réfractaires au service du travail obligatoire (STO) et à l’incorporation dans l’armée allemande, à condition de pouvoir être atteinte. Le dernier gîte était le presbytère de Liebsdorf, dont le curé était le père Stamm, originaire de Thann. Pour justifier ses déplacements dans cette région frontalière, René Ortlieb y avait loué une chasse. Les clients ou occupants allemands de l’hôtel du Parc, friands de gibier, facilitaient ces expéditions cynégétiques dont ils ne percevaient pas tous les aspects.
En avril 1942, le groupe de René Ortlieb a fait passer en Suisse, par Liebsdorf, le général Giraud. Quelques mois après, son chef a été arrêté et emprisonné, de même que le père Stamm, avant que ces deux hommes ne soient fusillés le 17 avril 1945.

APRES 1945

Thiébaut Hillenweck, Clément Hillenweck, et leurs familles

Clément Hillenweck, pâtissier-confiseur, est resté un homme jovial malgré les épreuves de la guerre. Il a gardé le goût de la chasse, qui avait servi de couverture pour ses activités de résistant. Suivant la trace de son frère aîné, il a écrit des articles (de généalogie et d’histoire) dans le journal local. Il a eu quatre filles, qui n’ont pas eu d’enfants.
Gaulliste, il a essayé sans succès d’entrer au conseil municipal dans les années 1950. Les antagonismes mêlés aux habituelles jalousies locales restaient vifs, entre gaullistes et démocrates-chrétiens, et plus secrètement entre germanophiles et francophiles, dans des inimitiés dont on ne parlait guère. Malgré le désir de réconciliation, le passé silencieux passait mal.

Thiébaut Hillenweck est devenu président du « Syndicat d’initiative » (équivalent, à l’époque, de l’office du tourisme). Comme son gendre Jean Lemaire, il était souvent coiffé d’un béret basque, couvre-chef interdit par les Allemands pendant la guerre de 1939-1945. Sa famille et lui avaient bien des motifs de ne pas aimer les « Boches ». Mais il aimait la langue allemande qu’il continuait à lire en particulier dans un journal suisse.
Une de ses filles a épousé après la guerre un Alsacien incorporé de force à 17 ou 18 ans dans l’armée allemande qui commençait à flancher sur le front de l’est. Ce destin de « malgré nous » a été un secret de famille au point que l’auteur du présent article, pourtant proche des protagonistes de cette histoire, n’en a jamais entendu parler avant 2012.
L’aînée des filles, Monique (Monique Catherine Marguerite) Hillenweck (Thann 23 avril 1924-Thann 27 janvier 1983), dont le parrain était Clément Hillenweck, a épousé à Thann le 20 mai 1947 Jean (Jean Paul) Lemaire (La Bresse dans les Vosges 29 septembre 1912-Paris 5 décembre 1991), officier de l’armée française en 1940, prisonnier pendant cinq ans en Allemagne, professeur de sciences physiques au collège puis lycée de Thann, fils d’Eugène, comptable agréé, maire de La Bresse de 1945 à 1953 (voir l’article de Libres Feuillets intitulé : « Une famille vosgienne dans les guerres des 19e et 20e siècles ») Du mariage Lemaire-Hillenweck sont nés quatre enfants, dont l’auteur du présent article.

 La question de la continuation du nom

Dans cette lignée, ce n’est pas seulement le patronyme (Hillenweck) qui a été transmis de génération en génération, mais aussi le prénom (Thiébaut, alias Théobald, Diebold…).

Thiébaut Hillenweck et son frère Clément n’ayant pas eu de fils, leur nom de famille s’est éteint dans la descendance de leurs enfants.
Ils ont vécu cette situation de manière assez douloureuse, car à Thann, comme l’ont noté les historiens de cette ville, on reconnaissait une sorte de noblesse aux noms les plus anciens et à ceux qui continuaient à les porter.

 Ces patronymes anciens faisaient partie de la citoyenneté. On a du mal à comprendre aujourd’hui l’importance qu’avait prise la notion de cité dans une ville telle que Thann, avec tout ce qu’elle impliquait pour leurs citoyens, en matière de libertés communales (plus ou moins réelles), mais aussi de devoirs, d’attachement à des institutions, à des monuments publics, à une mentalité faite de goût du travail bien fait et d’acceptation des responsabilités: une conception étendue par les Hillenweck à la patrie française, et qui a sans doute inspiré leurs choix cruciaux lors des conflits européens et mondiaux du 20ème siècle ayant déchiré l’Alsace.

ANNEXE I : GENEALOGIE

Les prénoms sont mentionnés en français, mais ils sont en latin dans les registres paroissiaux, et en allemand dans  beaucoup d’autres documents.
En ce qui concerne l’Ancien régime, où l’état civil était tenu par l’Eglise, les dates biographiques indiquées sont celles des baptêmes et des sépultures.

La filiation des Hillenweck de père en fils depuis la fin du 16ème siècle est la suivante, sur neuf générations.

1) Nicolas Hillenweck, dont les parents ne sont pas connus avec certitude, s’est marié avec Cunégonde Hürt ou Hirt. De ce mariage sont nés au moins sept enfants de 1611 à 1630. Il est question ci-après de trois d’entre eux : Jean Guillaume, Jean Gaspard, Michel:
– Jean Guillaume Hillenweck (Thann 13 avril 1611-Thann 19 octobre 1685) drapier, bangard en 1650, s’est marié à Thann en 1644 avec Catherine Köbler, Kubler ou Kibler (inhumée à Thann le 17 septembre 1662), fille de Sebastien, bangard en 1590. L’un des témoins des mariés Hillenweck-Kibler a été Simon Rauch bangard en 1621. De cette union est né Jean Georges Hillenweck (Thann 8 octobre 1647-Thann 17 juin 1709), marchand, bangard en 1676, sénateur (membre du « Magistrat »), qui s’est marié à Thann en 1675 avec Marie Madeleine Guggenberger. Les témoins des mariés Hillenweck-Guggenberger ont été Sigismond (ou Sigmund) Gobel (bangard en 1659, sénateur, bourgmestre dans les années 1680, mari d’Anna Barbara Guggenberger) et François Barth, greffier de la cité.
–  Jean Gaspard Hillenweck (Thann 23 janvier ou février 1623-Thann 13 janvier 1695), bangard en 1665, est présenté au point 2 ci-dessous.
– Michel Hillenweck (baptisé à Thann le 30 septembre 1625), charron (« carpentarius »), bangard en 1669, s’est marié à Thann le 17 novembre 1659 avec Anne Barbe Werner. Les témoins des mariés ont été Jacques Bösch, mercier, bangard en 1649, sénateur, et Jean Jacques Schnöbelen, charcutier, bangard en 1632.

2) Fils de Nicolas et de Cunégonde Hirt, Gaspar (Jean Gaspard) Hillenweck (Thann 23 janvier ou février 1623-Thann 13 janvier 1695) s’est marié à Thann le 24 novembre 1659 avec Ursule Seelmann (née à Thann en 1639), fille de Jean Thiébaut et de Marguerite Hillenweck. Les témoins des mariés ont été Jacques Bösch (cf.ci-dessus) et Sigismond Gobel (cf. ci-dessus).
Gaspard Hillenweck a été bangard en 1665. Il s’est marié en secondes noces avec Anne Marie Miller (baptisée à Thann le 5 juin 1655), fille de Jean Jacques et d’Elisabeth Landsperger.
Gaspard Hillenweck et Ursule Seelman(n) sont les parents de plusieurs enfants dont Jean, François, Mathieu.
– Jean Hillenweck (Thann 10 juillet 1664-Thann 8 juin 1742) s’est marié à Thann (donc avant la naissance de son fils Thiébaut Antoine le 15 août 1703) avec Marie Cunégonde Bechler (Thann 16 juillet 1681-Thann 8 mars 1760). De ce mariage sont nés François Thiébaut Hillenweck (Thann 13 janvier 1711-Thann 15 avril 1754), boucher, bangard en 1752, qui s’est marié à Thann le 11 janvier 1740 avec Jeanne Rumersch, fille de Jean; et Georges Louis Hillenweck (Thann 19 août 1718-Thann 31 janvier 1800), marchand, qui s’est marié à Thann le 6 mai 1743 avec Elisabeth Rumersch (inhumée le 9 mars 1757).
– François Hillenweck (Thann 22 mai 1673-Thann 11 octobre 1748) a été artiste peintre : voir l’annexe II ;
–  Matthias ou Mathieu Hillenweck (Thann 15 février 1682-Thann 15 novembre 1752) est présenté au 3 ci-dessous.

3) Fils de Caspar et d’Ursule Seelmann, Mattias ou Mathieu Hillenweck (Thann 15 février 1682-Thann 15 novembre 1752) s’est marié à Thann le 22 novembre 1706 avec Anne Marie Bich, Büch ou Buch (Thann 23 septembre 1678-Thann 1er octobre 1744). Il a été bangard en 1723. Son blason représentait un cœur percé de trois clous, d’après une dalle commémorative conservée dans la cabane des bangards.

4) Fils de Mathieu et d’Anne Marie Buch, Georges Thiébaut Hillenweck (Thann 31 décembre 1716-Thann 2 mars 1768), dont le parrain était Jean Georges Mäyer, « physicus » à Oderen, et la marraine Catherine Jung, qui ont signé l’acte de baptême, s’est marié le 15 août 1748 avec Elisabeth Baur ou Bur, fille de Romain (bangard en 1722) et de Marie Agathe Rauch. Les mariés et les témoins ont signé le registre de mariage. Georges Thiébaut Hillenweck était tanneur (coriator). Les époux Hillenweck-Baur ont eu dix enfants dont l’aîné seul a survécu.

5) Fils de Georges Thiébaut et d’Elisabeth Baur, Thiébaut (Jean Thiébaut) Hillenweck (Thann 15 mai 1749/acte du 16-Thann 10 mai 1825), filleul de François Thiébaut Hillenweck et d’Anne Marie Liethart, qui ont signé l’acte de baptême, s’est marié à Sausheim le 15 juillet 1783 avec Elisabeth Gittler ou Kittler (Sausheim 10 avril 1756-Thann 13 avril 1832).
Vigneron à son mariage et à son décès, il est qualifié de chapelier en 1786 (« pileorum opifex ») et à la date de la naissance de son fils Jean Thiébaut en l’an 3.
Son décès a été déclaré par son gendre Gaspard Müller, âgé de 38 ans, imprimeur d’indiennes, et par son fils Thiébaut Hillenweck âgé de 30 ans, imprimeur d’indiennes, qui ont signé l’acte de décès.
Thiébaut Hillenweck et Elisabeth Kittler sont les parents de plusieurs enfants, dont Jean Thiébaut Louis, Marie Elisabeth et Jean Thiébaut :
–     Jean Thiébaut Louis Hillenweck (Thann 7 juillet 1786-Thann 12 mars 1848), qui s’est marié deux fois, était imprimeur d’indiennes;
–     Marie Elisabeth Hillenweck (Thann 7 juillet 1788-Thann 5 avril 1823) a épousé à Thann le 6 février 1816 Gaspard Muller (Thann 15 août 1788-Thann 17 mars 1837), imprimeur d’indiennes, qui s’est marié en secondes noces à Thann le 7 janvier 1824 avec Madeleine Rosengarten;
–      Jean Thiébaut Hillenweck est présenté au point 6 qui suit.

6) Fils de Thiébaut et d’Elisabeth Kittler, Thiébaut (Jean Thiébaut) Hillenweck (Thann 16 ventôse an 3-Thann 6 août 1847) est né à Thann le 16 ventôse an 3. Sa naissance a été déclarée par son père, chapelier (le père et les témoins ont signé l’acte de naissance).
Imprimeur d’indiennes, il s’est marié à Thann le 18 janvier 1826 avec Madelaine (Marie Madelaine) Bitschi (Issenheim 27 février 1791-Thann 1er décembre 1850), propriétaire, fille de Jean et de Madelaine Kiené, qui vivaient à Issenheim.
Lors de leur mariage, Jean Thiébaut Hillenweck et Madelaine Bitschi ont reconnu et légitimé leur enfant Françoise Bitschi (née à Issenheim le 9 mars 1819/acte du 10, décédée à Thann le 10 mai 1855).
Les mariés, la mère du marié et les témoins ont signé l’acte de mariage. L’un des témoins a été Gaspar Muller, imprimeur d’indiennes, beau-frère du marié (voir ci-dessus).
Le décès de Jean Thiébaut Hillenweck, toujours imprimeur d’indiennes à cette date, a été déclaré notamment par son futur gendre Thiébaut Ruppé, âgé de 33 ans, originaire d’Issenheim, imprimeur d’indiennes, puis « ouvrier raboteur » à son mariage à Thann le 27 novembre 1854 avec Françoise Hillenweck (Issenheim 9 mars 1819-Thann 10 mai 1855), propriétaire, fille de Jean Thiébaut et de Marie Madeleine Bitschi.

7) Fils de Thiébaut et de Madelaine Bitschi, Thiébaut Hillenweck (Thann 2 janvier 1832-Thann 24 janvier 1893), ouvrier fondeur, s’est marié à Thann le 12 août 1861 avec Catherine Eichert (née à Bussang le 14 septembre 1829), imprimeuse d’indiennes, domiciliée à Thann, fille de Thiébaut (Thann 23 juillet 1799-Thann 9 septembre 1856), menuisier fils de menuisier, et de Marie Anne Herzog (Thann 28 octobre 1795-Thann 9 avril 1854) fille de vigneron.
Un contrat de mariage entre les futurs époux a été reçu par Me Baffrey, notaire à Thann, le 11 août 1861. Les époux et les témoins ont signé l’acte de mariage.
Les témoins des mariés ont été Joseph Eichert, âgé de 29 ans, serrurier, frère de la mariée; Pantaléon Schwab, âgé de 29 ans, cordier, non parent ; Joseph Bihler, âgé de 34 ans, graveur sur bois, cousin issus de germain de l’épouse ; Charles Ritter (né à Thann le 4 avril 1827), âgé de 34 ans, serrurier, qui s’est marié à Thann le 7 juin 1855 avec Madeleine Catherine Hillenweck (Thann 25 novembre 1833-Thann 28 octobre 1885), sœur du marié.

8)  Fils de Jean Thiébaut et de Catherine Eichert, Jean Hillenweck (Thann 22 septembre 1862-Thann 24 mai 1948), menuisier, a été déclaré à la mairie le jour de sa naissance par son père, qui, de même que les deux témoins, a signé l’acte de naissance.
Jean Hillenweck s’est marié à Vieux-Thann le 8 septembre 1893 avec Catherine (Joséphine Catherine) Bruckert (Vieux-Thann 23 novembre 1867-Thann 8 octobre 1958), dont les parents sont Thiébaut Bruckert (contremaître blanchisseur, fils de Thiébaut, vigneron) et Catherine Walter, de Willer.

9) Jean Hillenweck et Catherine Bruckert ont eu trois enfants :  Thiébaut, Léon, Clément.
–   Thiébaut (César Jean Thiébaut Marie) Hillenweck (Thann 3 août 1894-Mulhouse/87 rue d’Altkirch 16 septembre 1971), alors rédacteur, s’est marié à Hégenheim le 11 mai 1923 avec Emma Greder (Hégenheim 29 mars 1902-Thann 22 juillet 1991), fille d’Emile, commerçant, et de sa seconde femme Rosalie (Rose) Monique Wanner (née à Wentzwiller le 4 mai 1876, décédée en 1918).
–   Léon (Léon Joseph) Hillenweck (Thann 23 novembre 1895-Hanoï 25 septembre 1917), est « mort pour la France » en Indochine.
–   Clément (Clément Guy Antoine Marie) Hillenweck (Thann 24 mars 1907-Thann 22 mai 1977), pâtissier, s’est marié à Thann le 28 mai 1936 avec Germaine (Germaine Pauline) Venier (Thann 19 septembre 1909-Mulhouse 24 ou 29 janvier 1986), sœur d’Achille (Jean Achille) Venier (né à Thann le 12 juin 1904), décoré de la légion d’honneur.

ANNEXE II : QUELQUES PERSONNALITES DE CETTE FAMILLE

L’abbé Thiébaut Hylweck

Thiébaut (Théobald) Hylweck, né à Thann en 1450, fait ses études à l’abbaye de Lucelle, de l’ordre de Citeaux, fondée au début du 12e siècle dans le nord du Jura, et, une fois prêtre et moine, en devient cellérier et prieur.
En octobre 1494, il est élu abbé, et sacré à Bâle le 21 décembre 1494. En 1499, les Confédérés pillent Lucelle qui avait pris le parti de leur ennemi l’empereur Maximilien 1er. En 1524, les paysans révoltés, les « rustauds », dévastent l’abbaye.
L’abbé Hylweck entreprend des restaurations, et construit un nouveau clocher. Il étend même les possessions de l’abbaye.
Quand en 1529, les iconoclastes de Bâle dévastent les églises de cette ville, il sauve des statues et les porte à travers Bâle jusqu’à Lucelle.
En 1532, il se retire, et meurt le 25 avril 1535.

Bangards et sénateurs

Aucun citoyen de Thann (les « bourgeois » y étaient dénommés en latin « cives ») ne pouvait occuper de haute fonction, notamment celle de membre du « sénat », s’il n’avait pas été bangard, c’est-à-dire garde-vignes, « Banwarte » en allemand, « Bangert » en alsacien, premier niveau du « cursus honorum » de la cité. Ces bangards, au nombre de quatre, ils étaient nommés pour un an par le « Magistrat », et choisis parmi les bourgeois solvables et honorables.

Il subsiste aujourd’hui, près de la sous-préfecture, à proximité de l’actuel centre culturel, une cabane des bangards, autrefois située au milieu des vignes. On trouve dans cette cabane 27 bas-reliefs sculptés (dont le plus ancien date de 1560) et 15 tableaux en bois, par lesquels les bangards « s’immortalisaient » à la fin de leur mandat. On y lit leurs noms, les emblèmes de leur métier, des renseignements météorologiques, etc. D’autres tableaux de la série sont conservés au musée de Thann.

D’après les annales, ont été bangards (aux dates indiquées ci-dessous entre parenthèses) de nombreux Hillenweck qui faisaient tous partie de la même famille :
–          Hermann Hillenweck (bangard en 1537) est le père de Hans (1590) et le grand-père de Hans le jeune (1603) ;
–         Nicolas Hillenweck (1634), drapier, est le père de Jean Guillaume (1650), drapier, de Jean Gaspard (1665) et de Michel (1669), charron;
–         Jean Guillaume Hillenweck (1650) est le père de Jean Georges (1676), marchand, sénateur;
–       Jean Gaspard Hillenweck (1665) est le père de François (1714), artiste peintre, sénateur, de Jean (1715), et de Mathieu (1723) ;
–          Jean Hillenweck (1715) est le père de François Thiébaut (1752), boucher…

 L’artiste peintre François Hillenweck

Frère de Mathieu Hillenweck dont descend du côté maternel l’auteur de ces lignes (voir l’annexe I), François Hillenweck (Thann 22 mai 1673-Thann 11 octobre 1748), artiste peintre, bangard en 1714, s’est marié à Thann le 30 janvier 1704 avec Marie Catherine Jung (décédée à Thann 7 mai 1743). Dans son acte de sépulture en 1748, il est mentionné comme sénateur (membre du conseil de la ville).

Dans le chœur de la collégiale de Thann, un tableau représentant la décollation de saint Jacques le Majeur, datant peut-être de 1719, est attribué à François Hillenweck, qui a aussi peint en 1733 le Triomphe de l’Eglise, d’après Rubens. Il s’agit de deux des trois tableaux de ce peintre exposés dans la collégiale.

On trouve des œuvres de François Hillenweck ailleurs dans le Haut-Rhin, dans les églises paroissiales de Kintzheim et de Widensolen, et dans la chapelle Notre-Dame-du-Sehring à Guebwiller.

SOURCES

Thann Inventaire topographique, inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, ministère de la culture et de la communication, Imprimerie nationale, 1980

Actes d’état civil, archives départementales du Haut-Rhin (internet)

–         Baumann (Joseph) : Histoire de Thann, Editions SAEP, Colmar, 1981
–     Drouot (Marc) : « Thann aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans : Thann 1161-1961 Regards sur 8 siècles d’histoire locale, Imprimerie du journal « l’Alsace », 1961
–       Drouot (Marc) : « esquisse de l’essor industriel à Thann de 1786 à 1826 », dans: Thann 1161-1961 Regards sur 8 siècles d’histoire locale, Imprimerie du journal « l’Alsace », 1961
–        Heider (Christine) : Le livre d’or des Thannois (1525-1630), Société d’Histoire « Les Amis de Thann, 2003
–        Rohmer (André) : Thann mariages 1623-1810 baptêmes 1609-1792, cahier Sairepa n° 38, Fédération généalogique de Haute-Alsace, 1999
–        Rohmer (André) : Les mariages de Thann 1801-1898, Société d’Histoire « Les Amis de Thann » et Fédération généalogique de Haute-Alsace, 1999
–      Saint Girons (Pierre) : La « geste » de Thann, éditions Alsatia, Thann, vers 1946-1947
–    Seiler (Bernard), auteur d’une généalogie des Hillenweck : chez l’auteur 2 rue d’Huxelles, 68120 Richwiller, 2003
–       Stintzi (Paul) : « Un grand Thannois ; Thiébaut II Hylweck, abbé de Lucelle », dans: Thann 1161-1961 Regards sur 8 siècles d’histoire locale, Imprimerie du journal « l’Alsace », 1961

Une famille vosgienne dans les guerres des 19e et 20e siècles. Par Dominique Thiébaut Lemaire

Cet article a été repris au chapitre premier du livre de Dominique Thiébaut Lemaire intitulé Quatre familles dans les guerres, publié aux éditions Le Scribe L’Harmattan (Paris 2014).
Il évoque les répercussions des guerres des XIXe et XXe siècles sur l’histoire des Lemaire de La Bresse (Vosges), originaires de la même commune que les ascendants paternels de la sculptrice Camille Claudel et de l’écrivain Paul Claudel.
Les liens entre les Lemaire et les Claudel ont été présentés en annexe de l’article de Libres Feuillets intitulé : « Camille et Paul Claudel : leurs attaches vosgiennes ».

Le lecteur qui ne souhaite pas entrer dans les détails pourra se contenter de lire le résumé suivant en italiques.

 RESUME GEOGRAPHIQUE, ECONOMIQUE ET HISTORIQUE

 L’environnement vosgien (géographie et économie)

La commune de La Bresse (5655 habitants en 1911, 4728 habitants en 2006) est située dans la partie amont de la vallée de la Moselotte qui rejoint la Moselle à Remiremont. Sur son territoire se trouve le Hohneck (1363 m), point culminant de la Lorraine. Le plus haut sommet du massif des Vosges étant le Grand Ballon (1424 m) dans le département du Haut-Rhin.

Jusqu’à la fin du 18ème siècle, La Bresse, qui avait réussi à garder ses anciennes institutions de « petite république » (élection annuelle du maire, tribunal…), avait pour ressources l’élevage sur les hautes prairies de la montagne vosgienne appelées chaumes; la production et la vente des fromages (les fromagers étaient appelés « marcaires »); et l’exploitation des forêts. Les notables locaux, occupant les postes des institutions communales de l’Ancien Régime puis des institutions créées par la Révolution, étaient principalement les marchands qui avaient prospéré grâce à une exonération de droits octroyée depuis le Moyen-Age, faisant de ce lieu une sorte de zone franche entre la Lorraine, l’Alsace et la Bourgogne. Les marchands, catégorie à laquelle appartenait la lignée des Lemaire, avaient développé un commerce qui assurait à cette communauté comme à celle de Gérardmer un niveau de richesse appréciable dans cet environnement montagneux. Par des chemins difficiles mais fréquentés, ils allaient vendre dans les régions voisines (y compris à la fin du 19ème siècle en Alsace devenue allemande) les produits vosgiens – tissus, bois et articles de bois, fromages en gros du genre Géromé ou Munster – et en rapportaient ce que les hautes Vosges ne produisaient pas, vin, eau-de-vie, céréales…

A la fin du 18ème siècle l’activité de filature et de tissage a commencé à se développer  à grande échelle, à partir d’une matière première qui n’était plus le lin, mais le coton importé du « Levant » et d’Amérique, transformé par la main d’œuvre paysanne qui avait l’habitude de cette activité en hiver. Puis l’emploi de machines textiles dès 1825-1830, installées par des habitants entreprenants disposant d’un minimum de capitaux complétés par des apports financiers et techniques alsaciens et même suisses, a été favorisé par l’abondante force motrice des cours d’eau sur lesquels étaient installés depuis longtemps de nombreux moulins assez facilement reconvertis en moteurs hydrauliques pour les usines. Les Vosges sont ainsi devenus un centre important de l’industrie cotonnière, de 1850 à 2000.

A la fin du 20e siècle, le déclin du textile a été compensé par le développement des sports d’hiver à La Bresse, qui est ainsi devenue, avec Gérardmer, la principale station touristique des Vosges.

Les guerres des 19ème et 20ème siècles, du point de vue de cette famille

Les Lemaire ont subi les effets des guerres en tant que combattants, mais aussi en tant que responsables locaux obligés de faire face à des situations parfois dramatiques pour la population et pour eux-mêmes.

Leur région, comme d’autres, a connu les enrôlements en masse lors des guerres napoléoniennes, mais il ne semble pas que les Lemaire en aient gravement souffert dans la mesure où ils n’y ont pas été tués ni blessés. A la chute du Premier Empire, le maire de La Bresse était Etienne Aubert, et l’adjoint du maire était Laurent Aubert, frère d’Etienne: Laurent Aubert étant le beau-père de Dominique Lemaire (1784-1850) : voir plus loin.

55 ans après la chute du Premier Empire, la chute du Second Empire a été marquée par la guerre de 1870, par l’annexion allemande de l’Alsace-Lorraine (ou Alsace-Moselle), et par l’occupation prussienne temporaire de la partie de la Lorraine restée française, dont les Vosges. Au cours de cette occupation, le maire de La Bresse, Joseph Lemaire, fils de Dominique Lemaire (1784-1850), a pu échapper à l’occupant qui le recherchait. De son côté, Constant Lemaire, fils de Joseph, a pris part à la guerre où il a reçu une blessure qui l’a laissé partiellement invalide.

Fils de Constant, Eugène Lemaire a fait la guerre de 1914-1918, qui a eu pour résultat, comme on le sait, la réintégration en France de l’Alsace-Lorraine. Il n’a eu « ni blessure, ni citation, ni décoration », selon ses propres termes, dans une réponse à une demande de renseignements envoyée par les autorités militaires dans les années 1920.
Mais un de ses cousins germains, Paulin Lemaire, sergent d’infanterie, atteint de nombreux éclats d’obus, est mort le 14 septembre 1918 à l’hôpital de Beauvais.

En 1939-1940, deux fils d’Eugène Lemaire ont été mobilisés: Jean, sous-lieutenant d’artillerie, fait prisonnier par un char allemand, et Michel, adjudant-chef des Chasseurs alpins, qui a pu regagner La Bresse par la suite. Michel Lemaire a été fusillé par les Allemands en 1944 comme maquisard, dans cette région des hautes Vosges qui a beaucoup plus souffert à l’extrême fin de la guerre que pendant les années précédentes.

Eugène Lemaire, maire de La Bresse de 1945 à 1953, a dû faire face aux graves difficultés de l’après-guerre comme son aïeul Joseph Lemaire, maire de 1870 à 1876, avait dû gérer les conséquences de la guerre franco-allemande de 1870-1871.

LES GENERATIONS SUCCESSIVES ET LEUR RAPPORT A LA GUERRE

S’agissant d’une histoire centrée sur les aspects masculins de la guerre, il est question ici principalement d’une filiation de père en fils. L’abréviation LB désigne La Bresse.

Dominique Lemaire (1784-1850)

Fils de Dominique Lemaire, marchand, et de Barbe Perrin, Dominique Lemaire (LB 26 mai 1784-LB 2 février 1850), cultivateur, boucher, négociant, frère de négociants, s’est marié à La Bresse le 20 septembre 1809 avec Jeanne Hélène Aubert (LB 11 janvier 1786-LB 12 juillet 1839). L’un des témoins de la mariée a été son grand-père maternel Joseph Chalon, âgé de 76 ans, rentier, par ailleurs arrière-grand-père du père de l’écrivain Paul Claudel.

Cette famille Aubert (voir l’annexe) est issue de Nicolas Aubert, marchand, maire de La Bresse en 1776, qui s’est marié en 1745 avec Anne Marion. De ce mariage sont nés les frères:
–   Laurent Aubert, beau-père de Dominique Lemaire (1784-1850), et grand-père maternel de Joseph Lemaire, négociant, maire de La Bresse de 1870 à 1876;
–   Etienne Aubert, maire de La Bresse de 1811 à 1815, grand-père paternel de Marie Anne Aubert, épouse de Joseph Lemaire.
Nicolas Aubert est donc un arrière-grand-père à la fois de Joseph Lemaire (par Laurent Aubert) et de l’épouse de Joseph Lemaire (par Etienne Aubert).
Comme leur père Dominique, Joseph Lemaire et son frère Louis se sont mariés avec une Aubert. Ils ont épousé deux sœurs qui étaient en même temps leurs cousines (issues de germains).

Les Aubert étaient, semble-t-il, des partisans convaincus de Napoléon, comme tendent à le montrer:
–         Le mandat de maire d’Etienne Aubert à une époque où l’empereur perdait le soutien de ses partisans les plus  tièdes ;
–         la médaille de Sainte-Hélène décernée à Joseph Aubert (1791-1870), fils de Laurent Aubert et d’Hélène Chalon; cette décoration a été donnée en 1857 aux 390.000 soldats encore vivants de Napoléon 1er ; Joseph Aubert l’a reçue en tant que fourrier (sous-officier chargé de l’intendance) au 13ème bataillon des Vosges ;
–         En ce qui concerne la descendance de Laurent Aubert: le nom de « Laurent Joseph Napoléon » donné en 1813 au fils de son fils Laurent Aubert (LB 1787-LB 1823); par la suite, le nom de « Charles Louis Napoléon » Lemaire donné en 1848 à son arrière-petit-fils, neveu de Joseph Lemaire qui suit.

Joseph Lemaire (1818-1898)

Dominique Lemaire et Jeanne Hélène Aubert ont eu huit enfants, dont trois fils :
– Dominique (LB 7 novembre 1810-Remiremont 16 octobre 1871), cafetier et débitant en 1842, négociant à son décès, qui a rendu hommage à sa manière au futur Napoléon III en donnant les prénoms de « Charles Louis Napoléon » à son fils né à La Bresse le 26 décembre 1848, décédé à Lyon le 20 novembre 1870 (l’acte de décès, transcrit sur les registres d’état-civil de La Bresse à la date du 24 décembre 1873, indique qu’il était sergent major);
–   Joseph (LB 5 mai 1818-LB 16 octobre 1898) : voir ci-dessous ;
–   Louis (LB 26 avril 1821-LB 12 août 1892) qui s’est marié à La Bresse en 1858 avec Marie Anne Aubert (LB 9 mai 1827-LB 1899), sœur de l’épouse de Joseph Lemaire; Louis Lemaire a été boulanger, cafetier, négociant.

Joseph Lemaire s’est marié à La Bresse le 25 janvier 1842 devant le maire de La Bresse qui était alors le manufacturier du textile Valentin Abel, avec sa petite-cousine Marie Anne Aubert (LB 16 août 1820/acte du 17 août-LB 15 septembre 1883), fromagère à la date de son mariage.

D’après les actes d’état civil, il a été cultivateur, marchand, négociant; et (dans les années 1880) fabricant de tuiles sans succès financier.
Il a acquis en 1855 une brasserie créée à La Bresse (Grande  rue) par Nicolas Abel en l’an III.
C’est probablement lui qui a fondé la société « Lemaire père et fils à La Bresse, liquides et fromages » dont la création en 1878 a été enregistrée au greffe de la justice de paix (canton de Saulxures-sur-Moselotte).
Marchand, fils et petit-fils de marchands, il s’inscrit dans la tradition des négociants de cette commune située au point de jonction entre la Lorraine, l’Alsace et la Bourgogne. L’une des stratégies de ces marchands consistait à unir la production et le commerce, notamment en s’alliant par mariage avec des familles de fromagers.
Ils ajoutaient à leurs activités le transport pour le compte de tiers, encore qu’au 19ème siècle les manufacturiers du textile aient développé leurs propres moyens de transport.

Joseph Lemaire a été maire de La Bresse, du 13 octobre 1870 au 7 octobre 1876. Son épouse et lui avaient derrière eux une succession d’ascendants ayant été maires de cette commune, y compris sous l’Ancien Régime.
Devenu maire après le désastre de Sedan le 2 septembre 1870 et la proclamation de la République le 4 septembre, il ne semble pas avoir été suspecté de collusion avec le régime du Second Empire, malgré :
–          les antécédents napoléoniens de sa famille;
–       le bonapartisme affiché de son frère aîné, qui a donné à son fils les prénoms de « Charles Louis Napoléon »;
–      la fonction d’adjoint au maire exercée sous le Second Empire par Jean Nicolas Aubert, frère de son épouse Marie Anne Aubert…
Joseph Lemaire a vécu des moments difficiles lors de l’occupation allemande, qui a duré jusqu’à la mi-1873 dans les Vosges. Dans un article intitulé « Saint-Laurent de La Bresse », paru dans la revue Le Pays lorrain (4ème année, 1907, page 18), que l’on peut consulter sur le site internet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, Ch. Pierfitte raconte à ce sujet l’anecdote suivante :
«  Pendant la guerre, les maires n’étaient pas à la noce; c’était à eux de pourvoir aux réquisitions prussiennes, et souvent ils répondaient sur leur tête des faits et gestes de leurs subordonnés.
« C’est pour échapper à une responsabilité de cette sorte que le maire de la Bresse s’était caché dans son grenier, au beau milieu du tas de foin, de sorte que les Prussiens pouvaient à leur aise larder le « tessou » sans que les baïonnettes atteignent Joseph Lemaire, plus connu sous le nom de Dèdè Minique (note de l’auteur du présent article : Dédè Minique signifie Joseph fils de Dominique).
« Tous les jours on lui portait à manger dans sa cachette, dont on refermait l’orifice. Sa réclusion durait depuis 15 à 20 jours quand on vint lui annoncer le départ des Prussiens. »

Les fils de Joseph Lemaire, dont Constant Lemaire (1842-1898)

Joseph Lemaire a eu cinq filles, et quatre fils, dont le dernier est mort presque à la naissance. Les trois autres fils sont : Stanislas, Constant et Ernest.

Stanislas (Joseph Stanislas) Lemaire (LB 29 octobre 1842-LB 2 août 1899/acte du 3), voiturier, fromager, cultivateur, négociant, marchand de fromages en gros, a suivi les traces de son père en devenant premier adjoint au maire à partir de 1892 au moins, et jusqu’à son décès à 56 ans. Son épouse Marie Agathe Vaxelaire (LB 10 février 1841-LB 1905) avec laquelle il s’est marié le 24 février 1867 était cultivatrice et fromagère, fille et sœur de fromagers, par la suite négociante.

Constant (Joseph Louis Constant) Lemaire (LB 15 avril 1845-LB 15 janvier 1898) est présenté plus loin après son frère Ernest.

Ernest (Joseph Louis Ernest) Lemaire (LB 22 septembre 1850-LB 26 avril 1908), voiturier, négociant, cultivateur, s’est marié à La Bresse le 19 août 1879 avec Clémentine (Marie Justine Clémentine) Aubert (LB 15 janvier 1851-LB 19 juillet 1897), marchande (sœur de Nicolas Ernest Aubert, boulanger, et de Just(e) Laurent Aubert, débitant de boissons).
Comme son grand-père Dominique et son père Joseph, Ernest Lemaire a épousé une Aubert : sa femme et lui ayant comme ancêtres communs les époux Nicolas Aubert et Marie Anne Marion (voir l’annexe).
Ernest Lemaire et Clémentine Aubert ont eu trois enfants. L’aîné, Paulin (Joseph Constant Paulin) Lemaire (LB 19 septembre 1879-Beauvais 14 septembre 1918), contremaître de filature, s’est marié à La Bresse le 4 juin 1906 avec Marie Amélie Caël (Saint-Etienne-lès-Remiremont 8 novembre 1881-Cornimont 16 novembre 1953), tisserande puis employée communale.
Paulin Lemaire, père de deux enfants, sergent au 171ème régiment d’infanterie pendant la guerre de 1914-1918, atteint de nombreux éclats d’obus sur la Somme le 4 septembre 1918, est mort de ses blessures le 14 septembre 1918 à l’hôpital militaire de Beauvais.

Revenons à Constant Lemaire (LB 15 avril 1845-LB 15 janvier 1898). Celui-ci, deuxième enfant et deuxième fils de Joseph Lemaire, a participé à la guerre de 1870 comme soldat de la garde nationale mobile des Vosges. Blessé au bras à la bataille de Villersexel, il a bénéficié après un an de services d’une pension de l’Etat à vie pour cause de blessure.
Voiturier, marchand en famille, négociant, il faisait commerce de fromages qu’il allait livrer notamment en Alsace en grands chariots attelés. D’après son fils Eugène, ce métier lui pesait. Il redoutait les incidents qui pouvaient survenir sur les routes (comme celui qui s’est produit près de l’asile de Rouffach en Alsace lorsqu’il a été agressé par un fou). Toujours selon son fils, il faisait des cauchemars: peut-être une séquelle de la guerre de 1870, ou du choc causé par les décès de ses épouses, la première morte à 37 ans, la seconde à 32 ans.
Il s’est marié à La Bresse en secondes noces le 29 décembre 1885 avec Pauline (Marie Pauline Virginie) Jeangeorge (LB 16 octobre 1858-LB 3 mars 1891), deuxième des onze enfants nés du mariage à La Bresse le 3 septembre 1856 des manufacturiers du textile Eugène Jeangeorge (LB 15 mars 1824-LB 5 novembre 1885) et Agathe Pierrel (LB 3 août 1833-LB 14 septembre 1903).
La famille Jeangeorge a fondé à La Bresse deux entreprises textiles, dont l’une existe encore en 2012 sous le nom de « Tissus Gisèle », devenue filiale de l’un des derniers groupes textiles des Vosges, dirigé par la famille Vandamme qui possède aussi la société « Filatures et tissages de Saulxures » en aval de La Bresse à Saulxures-sur-Moselotte.

Eugène Lemaire (1888-1968)

Fils de Constant Lemaire et de Pauline Jeangeorge, Eugène Lemaire (LB 19 juillet 1888-LB 4 août 1968), orphelin de mère à 3 ans, et de père à 9 ans, a eu pour tuteur son oncle maternel Romary Jeangeorge (fondateur des « Etablissements Romary Jeangeorge », tissage aujourd’hui disparu).  Il a fait ses études notamment à l’école industrielle du collège de Schwyz en Suisse, et obtenu le diplôme de l’école pratique de commerce d’Epinal. Petit-fils d’industriels, il a épousé la fille d’un ancien ouvrier. Après son service militaire effectué de 1908 à 1911, il s’est marié à La Bresse le 9 janvier 1912 avec Marie Angèle Ehlinger (LB 8 février 1893-LB 18 janvier 1959), fille de Félicien Ehlinger, cafetier-épicier, d’une famille d’ouvriers du textile originaires de la vallée de Thann ayant épousé des filles de cultivateurs et fromagers des chaumes de La Bresse.

En 1914, Eugène Lemaire était père de deux enfants, et bientôt d’un troisième, mais cette situation familiale ne lui donnait pas droit à un régime spécial. Comme le rappelait son livret militaire, les dispositions de la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l’armée, et notamment celles de l’article 48, ne privilégiaient que les pères de plus de trois enfants : les réservistes pères d’au moins quatre enfants vivants passaient de l’armée active dans l’armée territoriale, et les pères d’au moins six enfants vivants dans la réserve de l’armée territoriale.
Mobilisé dans la nuit du 31 juillet 1914, il rejoint le 1er août au matin la caserne de Remiremont comme commis au service de la sous-intendance militaire de la 41ème division jusqu’en février 1917. Puis il est versé au 130ème régiment d’infanterie 37ème compagnie (camp d’instruction de Lirey près de Troyes), et envoyé en renfort fin mai 1917 à la 123ème division (403ème régiment d’infanterie 6ème compagnie commandée par le lieutenant Huet) jusqu’en décembre 1918. Il a participé, semble-t-il, aux combats du Chemin des Dames et aux batailles de la Somme. C’est probablement de cette époque que datent des expressions ironiques reprises par son fils Jean: « Attaquons comme la lune » et : « C’est le chien de Jean de Nivelle qui s’enfuit quand on l’appelle » (allusion à un personnage qui, sommé par son père de venir servir Louis XI contre le duc de Bourgogne, n’en tint aucun compte et fut traité de chien par son père. Les soldats de 1914-1918 durent se faire un plaisir d’appliquer cette expression au général Nivelle relevé de ses fonctions pour avoir lancé en avril 1917 l’offensive malheureuse du Chemin des Dames). Au moment de l’armistice, le 11 novembre 1918, Eugène Lemaire, d’après le discours prononcé à son enterrement, se trouvait avec son unité à quelques kilomètres de Mézières et aurait fait alors partie de la 151ème D.I. sous le commandement du général Biesse (époux d’une « héritière de Georges Perrin », de la famille des industriels du textile établis à Cornimont). Mais les documents militaires retrouvés par l’auteur du présent article ne font référence qu’à la 123ème division. En décembre 1918, Eugène Lemaire est affecté comme commis à la sous-intendance militaire de cette 123ème division à Vittel. Atteint par la grippe au début de 1919, il est hospitalisé trois semaines à l’hôpital de Luxeuil les Bains pour une broncho-pneumonie grippale, et passe un mois en convalescence à La Bresse. Il est enfin renvoyé dans ses foyers par anticipation au début d’avril 1919 comme père de trois enfants.

Après cette guerre de 1914-1918, pendant laquelle il est resté soldat de 2ème classe, Eugène Lemaire est devenu chef comptable et fondé de pouvoirs à la banque « Les neveux d’Abraham Lévy » à Sarrebourg. En 1940, expulsé de Moselle par les Allemands, il a résidé en « zone libre » à Chambéry, avant de pouvoir revenir dans les Vosges. En 1940, son fils Jean a été fait prisonnier. En septembre 1944, Michel son deuxième fils a été fusillé par les Allemands après avoir participé à un maquis près de La Bresse.
Les Allemands ayant décidé de préserver seulement quelques maisons de la commune au lieudit où habitait Eugène Lemaire dans la vallée du Chajoux, pour y rassembler des habitants non évacués, Eugène Lemaire, qui parlait allemand, a pu négocier un élargissement du périmètre sauvegardé, et s’est impliqué dans le ravitaillement des habitants, tandis que le reste de la commune était détruit.
Les 9 et 10 novembre 1944, la population évacuée par la montagne enneigée a pu gagner péniblement les lignes françaises à Cornimont. Mais 400 hommes – dont Gérard Ehlinger (1927-2009), cousin germain de Jean et Michel Lemaire – ont été déportés en Allemagne, à Pforzheim, où une vingtaine d’entre eux ont été tués sous les bombes incendiaires lors d’un bombardement allié dévastateur le 23 février 1945. Gérard Ehlinger en a réchappé, en sortant d’une cave dont une partie de l’escalier dégoulinait de phosphore en feu quand il est sorti pour se plonger dans l’eau.

A la suite des élections municipales de la Libération, Eugène Lemaire est devenu maire de La Bresse le 27 mai 1945, et il a assumé cette fonction jusqu’en 1953, gérant les graves difficultés de l’après-guerre comme son grand-père Joseph Lemaire avait géré celles des années suivant la guerre de 1870.

Les fils d’Eugène Lemaire

Eugène Lemaire et sa femme Angèle Ehlinger ont eu deux filles et trois fils, dont deux (Michel et Jean) ont été impliqués dans la guerre de 1939-1945, et sont présentés ci-dessous dans l’ordre inverse des naissances.

Michel (Michel Marcel) Lemaire est né le 10 mai 1919 à La Bresse. Il a été baptisé le 15 mai 1919. Adjudant-chef des Chasseurs alpins en 1939-1940, il était agent vérificateur à l’Office des céréales à la date de son mariage à La Bresse, le 19 janvier 1944, avec Isabelle (Isabelle Marie Ernestine) Arnould (LB 16 avril 1922-LB ou Remiremont 2007). Fusillé par les Allemands le 21 septembre 1944 à La Bresse pour avoir participé au maquis de la Piquante Pierre, dont le monument aux morts porte 83 noms, il a été fait chevalier de la légion d’honneur à titre posthume.

Jean (Jean Paul) Lemaire (LB 29 septembre 1912-Paris 13ème 5 décembre 1991) a été baptisé le 3 octobre 1912. D’après le peu qu’il a écrit sur lui-même, ses parents, dans son enfance, n’étaient pas pratiquants. Selon lui, c’est à la mort de son frère Claude (1921-1934) qu’ils seraient revenus à la foi.
Il a vécu jusqu’à l’âge de 9 ans à La Bresse, où il fréquentait l’école laïque (alors que son grand-père Constant avait contribué au financement de l’école catholique). A l’époque, la guerre des écoles sévissait à La Bresse. D’après Michel Ehlinger, cousin germain de Jean Lemaire et par la suite directeur de l’école publique communale, les élèves de celle-ci, encore minoritaires après 1945, ne pouvaient passer devant l’école privée sans risquer d’être atteints par des jets de pierres. Jean Lemaire a passé le reste de son enfance et son adolescence à Sarrebourg où était employé son père. Il a poursuivi ses études au collège de cette ville jusqu’au baccalauréat de mathématiques élémentaires obtenu à la suite de l’année scolaire 1930-1931. Entré en mathématiques supérieures au lycée de Metz, où la bourse d’études sollicitée ne lui a pas été accordée, il a été découragé par la sévérité de la notation et n’a pas voulu continuer dans la filière des classes préparatoires.
Etudiant à l’université de Strasbourg à partir de l’année universitaire novembre 1932-juillet 1933, logé au Foyer des étudiants catholiques, il a été dispensé de droits universitaires cette année-là. Admis dans un peloton d’élèves sous-officiers de réserve, il a été nommé brigadier-chef après 5 mois de services (Journal Officiel du 14.9.1934). Son sursis pour études ayant été renouvelé trois fois pour un an d’octobre 1934 à octobre 1937, il a obtenu la licence de sciences physiques en 1937.
Incorporé en novembre 1937, il a suivi les cours de l’Ecole Militaire d’Artillerie de Poitiers. Promu sous-lieutenant de réserve, renvoyé dans ses foyers en octobre 1938, il a enseigné de novembre 1938 à février 1939 au lycée de garçons de Metz comme professeur adjoint, délégué rectoral, mais l’armée l’a re-convoqué rapidement, le 22 mars 1939, au 73ème RA stationné à Lunéville.
C’est alors la guerre, et l’expérience dramatique d’un régiment d’artillerie à cheval contre des divisions blindées. Le 14 juin 1940, Jean Lemaire est pris par un char allemand à Saint-Saturnin (Haute-Marne). Prisonnier cinq ans dans le camp d’officiers Oflag II D-II B (sur la couverture d’un Don Quichotte qu’il a commandé en France et rapporté en 1945, il est indiqué: Oflag II B, Bloc 2, Stube 226), il a subi la rudesse du climat de Poméranie et une captivité devenue beaucoup plus contraignante lorsqu’un capitaine futur général s’est évadé au début de 1941, à l’occasion d’une sortie dont pouvaient bénéficier ceux qui avaient donné leur parole d’honneur de ne pas s’enfuir. A la fin de la guerre, cet Oflag (dont Jean Lemaire indiqué la situation géographique à sa famille en parlant des « pommes de la mère Annie » dans son courrier soumis à la censure) est évacué par les Allemands devant l’avance russe. Les prisonniers doivent effectuer quarante jours de marches épuisantes à travers l’Allemagne aux abois, jusqu’à l’Oflag VI A de Soest en Westphalie. Jean Lemaire y est libéré par l’armée américaine. Sorti du camp le 6 avril 1945, il est démobilisé le 26 avril 1945. Décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze, cité à l’ordre du régiment (n°1552/C du 10.6.1943), lieutenant de réserve le 1.7.1942, il a été promu capitaine de réserve à partir du 1.4.1953 par décret du 11.8.1953 (Journal Officiel du 15.8.1953), puis rayé des cadres à compter du 15 octobre 1961.

Nommé à partir du 1er octobre 1945 professeur de sciences physiques à une quarantaine de km de La Bresse au collège de Thann (Haut-Rhin), devenu par la suite lycée, décoré des palmes académiques, il est resté dans cet établissement jusqu’à sa retraite en 1973. Il a obtenu ensuite, de même que sa femme, une licence de théologie à l’université de Strasbourg. Il s’est marié à Thann le 20 mai 1947 avec Monique (Monique Catherine Marguerite) Hillenweck (Thann 23 avril 1924-Thann 27 janvier 1983), fille de Thiébaut Hillenweck (Thann 2 août 1894-Thann 16 septembre 1971) et d’Emma Greder (Hégenheim 29 mars 1902-Thann 22 juillet 1991), papetiers-libraires et débitants de tabac. Le mariage religieux a été célébré dans la collégiale de Thann par André Bontems (Plombières 14 mai 1910-Saint-Dié 3 mars 1988), futur archevêque de Chambéry, cousin germain d’Eugène Lemaire, petit-fils comme lui des industriels du textile Eugène Jeangeorge et Agathe Pierrel.
Du mariage entre Jean Lemaire et Monique Hillenweck est né à Thann le 22 février 1948 l’auteur du présent article.

 ***

Peut-on donner une conclusion à cette histoire, qui a été faite de bruit et de fureur bien que ceux qui l’ont vécue aient profondément aspiré à la paix?
Disons seulement que, sur une très longue durée, ces guerres, qu’il ne faut pas considérer chacune isolément, n’ont été que les épisodes d’une série, où l’expérience  militaire des pères a influé sur celle des fils.
Les générations successives de cette famille, comme de beaucoup d’autres, se sont trouvées impliquées dans un enchaînement destructeur qu’elles ont été contraintes d’affronter et de prendre au tragique par la force des choses, en dépit des exclamations futiles du genre : « Quelle connerie la guerre » (Prévert).
Aujourd’hui, espérons que les affrontements économiques ne deviendront pas, de manière croissante, la continuation ou la reprise de la guerre par d’autres moyens.

Dominique Thiébaut Lemaire

 

ANNEXE : QUELQUES DONNEES DETAILLEES SUR LES LEMAIRE-AUBERT

La généalogie connue des Lemaire commence à Cornimont où ils s’appelaient Didierlemaire avant que leur nom ne soit abrégé au 18e siècle (le signe x désignant le mariage, et LB désignant La Bresse):
–   Jacques Didierlemaire x Marie Thimont (de Cornimont, commune voisine de La Bresse), parents de :
–    Claude Didierlemaire (Cornimont 1709-LB 1765) x Marie Anne Claudel (LB 1716-LB 1781), parents de :
–     Dominique Lemaire (LB 1747-LB 1792) x Barbe Perrin (LB1747-LB 1816), parents de :
–     Dominique Lemaire (LB 1784-LB 1850) x LB 1809 Jeanne Hélène Aubert (LB 1786-LB 1839).

Toutes les personnes suivantes mentionnées dans cette annexe sont nées, se sont mariées et sont mortes à La Bresse.

Les frères Laurent et Etienne Aubert

Nicolas Aubert (17 mai 1723-4 novembre 1791), marchand, a été maire de La Bresse en 1776. Il s’est marié le 22 février 1745 avec Anne Marion (29 juin 1725-26 janvier 1797). De ce mariage sont nés les frères Laurent et Etienne Aubert, grands-pères respectivement:
–  de Joseph Lemaire, négociant, maire de La Bresse de 1870 à 1876;
–  et de Marie Anne Aubert, épouse de Joseph Lemaire.

Au mariage en 1809 de Dominique Lemaire (père de Joseph Lemaire) avec Jeanne Hélène Aubert, l’officier d’état civil, adjoint au maire, a été le père de l’épouse, Laurent Aubert (19 septembre 1762-3 octobre 1834/acte du 4 octobre), qui s’est marié le 31 janvier 1785 avec Hélène Chalon (31 mai 1761-30 janvier 1825), fille de Joseph Chalon et de Marie Anne Claudel. Laurent Aubert, débitant de boissons vers 1790, négociant en 1792, agent municipal chargé de la gestion de la commune de l’an IV à l’an V, a été adjoint au maire sous le Consulat et l’Empire de 1802 à 1815. Dans les trente premières années du 19e siècle, les actes d’état civil le présentent comme marchand, propriétaire, marcaire, et enfin rentier.

Frère de Laurent Aubert, le marchand Etienne Aubert (22 décembre 1764-30 janvier 1831) a été maire de La Bresse du 2 décembre 1811 à 1815. Il s’est marié le 13 février 1792 avec Anne Claudel (25 juillet 1773-21 avril 1827) petite-fille de Dominique Nicolas Claudel (1693-1783), maire de La Bresse en 1734-1735, ascendant de Camille et Paul Claudel.
Etienne Aubert et Anne Claudel sont les grands-parents de l’épouse de Joseph Lemaire, Marie Anne Aubert. Les parents de celle-ci, qui se sont mariés le 23 novembre 1819, sont :
–   Joseph Aubert (3 novembre 1797-1er février 1864), fromager et marchand, puis rentier, fils d’Etienne Aubert,
–   et Marie Vaxelaire (1er juin 1794-18 janvier 1864), d’une famille de fromagers, fille de Claude François Vaxelaire, marcaire

Les Lemaire et leurs épouses Aubert

Comme leur père Dominique, Joseph Lemaire et son frère Louis se sont mariés avec une Aubert. Ils ont épousé deux sœurs qui étaient en même temps leurs cousines (issues de germains).
Et comme eux, Ernest Lemaire, troisième fils de Joseph, s’est marié avec une Aubert: sa femme et lui ayant comme ancêtres communs les époux Nicolas Aubert et Marie Anne Marion. Ceux-ci, ascendants d’Ernest Lemaire par la filiation décrite plus haut, sont aussi les ascendants de Marie Justine Clémentine Aubert par la filiation suivante:
–     Leur fille Barbe Aubert, sœur de Laurent et d’Etienne Aubert, a épousé en 1781 Elophe Aubert, propriétaire, négociant, fils d’Elophe, issu d’une autre branche Aubert; de ce mariage est né Joseph ;
–     Joseph Aubert, cultivateur, s’est marié le 14 novembre 1818 avec Marie Barbe Antoine, marcaire; de ce mariage est né Marie Justine ;
–     Marie Justine Aubert a épousé en 1850 Laurent Aubert ; ces époux, cousins issus de germains appartenant à la « branche Elophe », étaient boulangers et cultivateurs ; de leur mariage est née Marie Justine Clémentine, épouse d’Ernest Lemaire.

Les Aubert, les Lemaire et les Claudel

Il est à noter que les liens de parenté des Lemaire avec les Claudel passent par la famille Aubert, c’est-à-dire :
–  par Laurent Aubert mari d’Hélène Chalon fille de Joseph Chalon ;
–  et par Etienne Aubert, mari d’Anne Claudel petite-fille de Dominique Nicolas Claudel.
Joseph Chalon est un arrière-grand-père de Joseph Lemaire, ainsi que de Louis (Louis Prosper) Claudel, père de Camille et Paul Claudel.
Par ailleurs, Camille et Paul Claudel descendent à la fois de deux fils de Dominique Nicolas Claudel : Blaise Claudel (1732-1784) et Jacques Claudel (1735-1816), tandis que les Lemaire descendent d’un autre fils de Dominique Nicolas Claudel: Dominique Claudel (né en 1734), négociant.

Les Aubert, les Lemaire et les industriels Perrin de Cornimont

Dominique Lemaire a été témoin de l’épouse au mariage à La Bresse, le 19 juin 1849, du négociant et manufacturier du textile Constant Perrin (frère de Georges Perrin) avec Marie Virginie Aubert, en tant qu’oncle paternel par alliance: en effet, sa femme Jeanne Hélène Aubert, décédée 10 ans plus tôt, était une sœur du père de l’épouse.
Constant Perrin et Marie Virginie Aubert sont à l’origine de la branche Perrin des dirigeants de la plus importante entreprise textile de cette partie de Vosges, entreprise dénommée « Les Héritiers de Georges Perrin » (HGP), dirigée par la même famille depuis le milieu du 19ème siècle jusqu’à la fin des années 1980.
Les ascendants communs aux Lemaire et à la branche Perrin des industriels « héritiers de Georges Perrin » sont Laurent Aubert et son épouse Hélène Chalon, parents de:
–          Jeanne Hélène Aubert épouse de Dominique Lemaire (1784-1850) ;
–      et Alexandre Aubert, lui-même père de Marie Virginie Aubert ; Alexandre Aubert, débitant de boissons, s’est marié à La Bresse en 1821 avec Marie Anne Claudel, sœur du manufacturier du textile François Claudel, maire de 1830 à 1835 (voir l’article de Libres Feuillets consacré aux Claudel).

 

 SOURCES

–          Registres et état civil sur internet (archives départementales des Vosges)
–          Fichiers de l’Union des cercles généalogiques lorrains (UGCL)
–          Perrin (Laurent) : base de données généalogiques (sur internet)
–          Wintzer (Nicolas) : généalogie 88 sud-est (sur internet)
–          Remy (Gabriel) : Histoire de La Bresse et des Bressauds, 1987