Bourdieu (III): l’universel. Par Dominique Thiébaut Lemaire

Cet article fait suite à deux articles précédents de Libres Feuillets, qu’il complète par la présentation d’une notion à laquelle Bourdieu a consacré des développements importants à partir de la fin des années 1980, lorsque après la sociologie de l’éducation puis celle de la production culturelle, il a entrepris sa sociologie de l’Etat (voir ses Méditations pascaliennes, chapitre 1, note 2, page 356).

En première approche, on peut définir l’universel selon Bourdieu de la manière suivante: quelque chose qui, bien que socialement produit, n’est pas réductible aux conditions sociales de sa production, dans le domaine de la science, mais aussi dans les domaines de l’éthique, de l’Etat et du droit, où il s’agit par exemple de l’universel des « valeurs » de la démocratie et des droits de l’homme, dans lesquelles il convient d’englober de grandes notions administratives trop négligées aujourd’hui : l’intérêt général, le service public….
A l’universel, Bourdieu associe notamment le désintéressement (voir infra : « L’intérêt au désintéressement »).

 L’EVOLUTION DE LA PENSEE DE BOURDIEU SUR L’UNIVERSEL

 Dans une première étape de sa démarche, l’étape de ce qu’il a appelé la « critique du soupçon », inspirée du marxisme, Bourdieu a considéré l’universel surtout comme un faux-semblant destiné à masquer, en même temps qu’à mieux faire prévaloir, les intérêts particuliers de ceux qui l’invoquent. Cette conception était en accord avec ses orientations de l’époque. Originaire d’une région caractérisée par un particularisme marqué s’opposant aux valeurs dominantes de la France centrale (voir à ce sujet les précédents articles de Libres Feuillets sur Bourdieu), il se consacrait alors à des sujets – l’ethnologie, la sociologie de l’éducation – où le pouvoir exercé sur les « agents sociaux » est au moins aussi important pour la compréhension sociologique que le savoir permettant à ces agents sociaux d’avoir prise sur la réalité (appelée ainsi faute d’un meilleur terme). L’époque était alors celle du « tout politique » et le poussait dans ce sens, d’où l’importance qu’il donnait (et qu’il a d’ailleurs continué à donner) à la distinction entre dominés et dominants, avec une prédilection pour la question des « dominés de la classe dominante », catégorie dans laquelle il place les intellectuels.

Par la suite, il a nuancé sa réflexion. Il y a été conduit par l’élargissement de ses sujets d’étude, qui se sont étendus à l’art, au droit, à la science. Il y a été conduit également par un retour à la philosophie, où l’universel est un thème majeur, l’un des exemples les plus célèbres étant l’impératif kantien: « je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. ». Bourdieu y a reconnu « la stratégie universelle de la critique logique des prétentions éthiques… » (voir dans Raisons pratiques les considérations finales intitulées « Un fondement paradoxal de la morale », pages 234-235).
Il a sans doute évolué également à la suite d’une réflexion sur les insuffisances fondamentales de ses positions de départ. Comment exprimer des vérités générales sur les phénomènes sociaux si on met par ailleurs en doute l’universel qui permet de fonder ces vérités ? Autre aporie, à un niveau plus pratique : comment étayer par des statistiques, comme il a cherché à le faire dans ses premiers ouvrages, un discours fondé sur les catégories sociales, alors même que les chiffres disponibles ne le permettaient pas, comme on le voit à propos des enseignants, par exemple, que les statisticiens ne savent pas dans quelle catégorie classer ou reclasser. De plus, l’évolution de ces catégories sociales au cours du temps a été, et reste, une des pierres d’achoppement de la sociologie de l’éducation grâce à laquelle Bourdieu a accédé à la notoriété. Peut-on encore juger de l’évolution du système éducatif à partir de pourcentages tels que ceux des fils d’agriculteurs, d’ouvriers ou d’instituteurs aux différents niveaux de ce système, alors que l’agriculteur, l’ouvrier ou l’instituteur (aujourd’hui professeur des écoles) ne correspondent plus à ceux que l’on désignait ainsi naguère ?

Après avoir stigmatisé l’idéologie – dans laquelle il englobait une grande part de la culture – comme universalisation de l’intérêt personnel, Bourdieu a été conduit à réviser sa conception des rapports entre le général et l’universel d’une part, le particulier et l’individuel d’autre part, en élaborant une pensée assez complexe visant à réconcilier entre elles l’idée que le monde social est un monde où l’universel est une illusion, et l’idée qu’il est possible d’énoncer à son sujet des vérités générales.

Pour essayer de caractériser en quelques propositions cette pensée de Bourdieu dans sa dernière période, on peut dire que:
– L’universalisation y est une réalité à double face, à la fois monopolisation dominatrice et évolution positive;
– Il existe un « intérêt au désintéressement » ;
– Il est possible à la fois de lutter contre l’hypocrisie de l’universalisme abstrait et pour l’accès aux conditions de l’universel.

S’agissant de la conception de l’universel comme réalité à double face, on voit bien l’évolution du sociologue-philosophe qui, sans abandonner l’analyse de la domination, reconnaît que l’universel peut constituer un progrès.
De même, admettre que l’on peut avoir intérêt au désintéressement,  c’est concilier la vision pessimiste du désintéressement comme arme dans un rapport de force avec la constatation que celui qui prône cette valeur sans y croire est finalement obligé de s’y conformer tant soit peu.
Enfin, Bourdieu a déplacé sa critique de l’universalisme en s’attaquant non plus à l’universel lui-même, mais à l’hypocrisie consistant à valoriser l’universel sans donner les moyens d’y accéder. Parmi ces moyens, il place au premier plan « l’état scolastique » bien compris, caractéristique des champs de l’enseignement et de la production intellectuelle.
En suivant cette dernière voie, sa pensée s’est orientée plus nettement vers l’action visant à rendre les hommes moins dépendants des contraintes économiques et sociales.

L’UNIVERSALISATION : MONOPOLISATION IMPERIALISTE MAIS AUSSI PROGRES

« l’Etat, dont fait partie le système scolaire, est une réalité à double face. On peut dire que le développement de l’Etat moderne peut être décrit comme un progrès vers un degré d’universalisation supérieure (délocalisation, dé-particularisation, etc.) et, dans le même mouvement, comme un progrès vers la monopolisation, la concentration du pouvoir, donc vers le constitution des conditions d’une domination centrale…
Cette thèse marque une rupture radicale avec Weber – et son processus de rationalisation – et Elias – et son processus de civilisation. « Je peux faire un bout de chemin avec ces deux auteurs qui sont les plus importants s’agissant de l’Etat, mais ils manquent un aspect du processus d’universalisation; ils masquent – ou se masquent – le fait que l’unification est en même temps monopolisation » (Sur l’Etat, cours du Collège de France, 14 mars 1991, pages 351-352).

 Mais « la répudiation sceptique ou cynique de toute forme de croyance dans l’universel, dans les valeurs de vérité, d’émancipation… et de toute affirmation de vérités et de valeurs universelles, au nom d’une forme élémentaire de relativisme qui tient toutes les professions de foi universalistes pour des leurres pharisiens destinés à perpétuer une hégémonie, est une manière, en un sens plus dangereuse, parce qu’elle peut se donner des airs de radicalisme, d’accepter les choses comme elles sont… » (Méditations pascaliennes, chapitre 2 : « Les trois formes de l’erreur scolastique », fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé: « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 103-105).

L’Etat, « comme tous les acquis historiques liés à l’histoire relativement autonome des champs scolastiques, est marqué d’une profonde ambiguïté : il peut être décrit et traité simultanément comme un relais, sans doute relativement autonome, de pouvoirs économiques et politiques qui ne s’inquiètent guère d’intérêts universels, et comme une instance neutre qui, du fait qu’elle conserve, dans sa structure même, les traces des luttes antérieures, dont elle enregistre et garantit les acquis, est capable d’exercer une sorte d’arbitrage, sans doute toujours un peu biaisé, mais moins défavorable, en définitive, aux intérêts des dominés, et à ce qu’on peut appeler la justice, que ce qu’exaltent, sous les fausses couleurs de la liberté et du libéralisme, les partisans du « laisser-faire », c’est-dire l’exercice brutal et tyrannique de la force économique » (Méditations pascaliennes, chapitre 3 : « Les fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 182-184).

« L’avènement de la raison est inséparable de l’autonomisation progressive de microcosmes sociaux fondés sur le privilège, où se sont peu à peu inventés des modes de pensée et d’action théoriquement universels mais pratiquement monopolisés par quelques-uns…
La même ambiguïté s’observe dans la relation entre les nations dominantes et les nations dominées – ou les provinces et les régions annexées à l’Etat central, à sa langue, à sa culture, etc. C’est ainsi que ceux qui ont porté l’Etat (français) à un degré d’universalité supérieur à celui de la plupart des nations contemporaines (avec le code civil, le système métrique, la monnaie décimale et tant d’autres inventions « rationnelles »), les révolutionnaires de 1989, ont immédiatement investi leur foi universaliste dans un impérialisme de l’universel placé au service d’un Etat national (ou nationaliste) et de ses dignitaires » (Méditations pascaliennes, chapitre 2 : « Les trois formes de l’erreur scolastique », sous-chapitre intitulé : « L’ambiguïté de la raison », page 113).

« Si l’universel avance, c’est parce qu’il existe des microcosmes sociaux qui, en dépit de leur ambiguïté intrinsèque, liée à leur enfermement dans le privilège et l’égoïsme satisfait d’une séparation statutaire, sont le lieu de luttes qui ont pour enjeu l’universel et dans lequel des agents ayant, à des degrés différents selon leur position et leur trajectoire, un intérêt particulier à l’universel, à la raison, à la vérité, à la vertu, s’engagent avec des armes qui ne sont autre chose que les conquêtes les plus universelles des luttes antérieures…
…L’ascension lumineuse de la raison et l’épopée libératrice couronnée par la Révolution française qu’exalte la vision jacobine a un envers obscur, à savoir la montée progressive des détenteurs de capital culturel, et en particulier des robins, qui, des canonistes médiévaux jusqu’aux avocats et aux professeurs du 19ème siècle ou aux technocrates contemporains, sont parvenus, à la faveur notamment de la Révolution, simple épisode dans une longue lutte continue, à prendre la place de l’ancienne noblesse pour s’instituer en noblesse d’Etat… » (Méditations pascaliennes, chapitre 3 : « les fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 178-179).

 En ce qui concerne la région d’origine de Bourdieu qui a été confrontée à l’universalisme de l’Etat central, notons cette remarque : « Le code civil a posé des tas de problèmes aux Béarnais qui ont eu beaucoup de mal à perpétuer la famille fondée sur le droit d’aînesse dans les limites d’un code juridique qui leur demandait le partage à parts égales, et qui ont dû inventer toutes sortes d’astuces pour tourner le droit et perpétuer la maison contre les forces de disruption introduites par le droit » (Raisons pratiques, chapitre « L’économie des biens symboliques », page 195).

L’INTERET AU DESINTERESSEMENT

Bourdieu parle d’intérêt au désintéressement, ou encore d’intérêt particulier à l’universel.

On peut tenir « pour une loi anthropologique universelle qu’il y a du profit (symbolique et parfois matériel) à se soumettre à l’universel… », écrit-il encore dans Raisons pratiques (considérations finales intitulées « Un fondement paradoxal de la morale », pages 234-235).
Et: « la sociologie des intellectuels fait découvrir cette forme particulière d’intérêt qu’est l’intérêt au désintéressement » (Science de la science et réflexivité, pages 183-184).

La sociologie, dit-il, doit expliquer la constitution d’univers sociaux où s’engendre « du transhistorique comme la science, le droit, de l’universel, c’est-à-dire quelque chose qui, bien que socialement produit, n’est pas réductible à ses conditions sociales de reproduction. Ce n’est pas parce que certains agents ont intérêt socialement à s’approprier cet universel que cet universel n’est pas universel » (thème développé dans Raisons pratiques, chapitre 5 : « Un acte désintéressé est-il possible ? », transcription de deux cours du collège de France donnés à Lyon en décembre 1988 ; dans le cours du Collège de France en 1988-1989 ; et dans le cours Sur l’Etat du 15 février 1990, page 159).

« Comment se fait-il que l’on observe à peu près universellement qu’il y a des profits à se soumettre à l’universel ? Je crois qu’une anthropologie comparée permettrait de dire qu’il y a une reconnaissance universelle de la reconnaissance de l’universel…
… S’il est vrai que toute société offre la possibilité d’un profit universel, les conduites à prétention universelle seront universellement exposées au soupçon. C’est le fondement anthropologique de la critique marxiste de l’idéologie comme universalisation de l’intérêt particulier. Cela dit, le fait qu’il y ait des profits d’universel et d’universalisation, le fait qu’on obtienne des profits en rendant hommage, fût-ce hypocritement, à l’universel, en habillant d’universel une conduite déterminée en fait par l’intérêt particulier… le fait donc qu’il puisse y avoir des profits de vertu et de raison est sans doute un des grands moteurs de la vertu et de la raison dans l’histoire » (Raisons pratiques, chapitre 5: « Un acte désintéressé est-il possible? », pages 164-165)

 « La critique du soupçon rappelle que toutes les valeurs universelles sont en fait des valeurs particulières universalisées, donc sujettes à suspicion (la culture universelle, c’est la culture des dominants, etc.). Premier moment, inévitable, de la connaissance du monde social, cette critique ne doit pas faire oublier que toutes ces choses que les dominants célèbrent, et dans lesquelles ils se célèbrent en les célébrant (la culture, le désintéressement, le pur, la morale kantienne, etc., tout ce que j’ai objectivé, parfois un peu rudement, à la fin de La Distinction) ne peuvent remplir leur fonction symbolique de légitimation que parce que, précisément, elles bénéficient en principe d’une reconnaissance universelle – aucun homme ne pouvant les nier ouvertement sans nier en lui-même son humanité – ; mais, à ce titre, les conduites qui leur rendent un hommage, sincère ou non, peu importe, sont assurées d’une forme de profit symbolique (de conformité et de distinction notamment), qui, même s’il n’est pas recherché comme tel, suffit à les fonder en raison sociologique et, en leur donnant une raison d’être, à leur assurer une probabilité raisonnable d’exister…
Les groupes sociaux qui ont construit la bureaucratie prussienne ou la bureaucratie française avaient intérêt à l’universel et ils ont dû inventer l’universel (le droit, l’idée de service public, l’idée d’intérêt général, etc.) et, si l’on peut dire, la domination au nom de l’universel pour accéder à la domination » (Raisons pratiques, chapitre 5, pages 166-167).

Dans ses analyses de l’intérêt et du désintéressement, Bourdieu s’élève au niveau des philosophes et moralistes du 17e siècle, par exemple dans ce passage où il évoque la maxime 218 de La Rochefoucauld en faisant d’elle un proverbe :  « Lorsqu’on dit, avec le proverbe, que « l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu », on peut être attentif plutôt à l’hypocrisie, négative et universellement stigmatisée, ou, de manière plus réaliste, à l’hommage à la vertu, positif et universellement reconnu. Et comment ignorer que la critique du soupçon constitue elle-même une manière de participer aux profits d’universel ? Comment ne pas voir en tout cas que, dans son apparent nihilisme, elle enferme en réalité la reconnaissance de principes universels, logiques ou éthiques, qu’elle doit invoquer, au moins tacitement, pour énoncer ou dénoncer la logique égoïste, intéressée, ou partielle, subjective, des stratégies d’universalisation ? » (Raisons pratiques: « Un fondement paradoxal de la morale », page 236).

« Cette idée que certaines catégories sociales ont intérêt à l’universel est un matérialisme qui n’enlève rien à l’universel. Je pense que c’est une forme de naïveté idéaliste de vouloir à tout prix que les choses pures soient le produit d’actes purs ».
« La logique des univers purs, de ces jeux purs, est une sorte d’alchimie qui fait du pur avec de l’impur, qui fait du désintéressé avec de l’intérêt, parce qu’il y a des gens qui ont intérêt au désintéressement : un savant est quelqu’un qui a intérêt au désintéressement» (Sur l’Etat, cours du 5 décembre 1991, pages 538 et 539).
Les exemples d’ « univers purs » donnés par Bourdieu sont notamment: la poésie, la musique, la philosophie (Sur l’Etat, page 556), la science….
« Ce n’est pas parce que l’on pourrait découvrir que celui qui a découvert la vérité avait intérêt à le faire que cette découverte s’en trouverait tant soit peu diminuée» (Méditations pascaliennes, introduction, page 12).

« Pour comprendre l’apparition d’institutions universelles, ou formellement universelles, ou formellement référées au respect de l’universel, comme l’Etat, la justice, la science, on peut supposer qu’il y a un intérêt à l’universel, que des gens ont pour intérêt particulier de faire avancer l’universel. Les juristes avaient évidemment intérêt à l’unification du droit, en tant que producteurs de traités de droit, en tant que vendeurs de services juridiques…
« Parallèlement à la constitution d’un corps, on assiste à une codification et à une formalisation des procédures : l’unification s’accompagne d’une standardisation, d’une homogénéisation, comme on le voit à propos des poids et mesures, la limite étant la création de l’étalon universel. Des étalons universels juridiques et des procédures juridiques formelles très analogues à des procédures algébriques sont créés. La loi juridique doit être valable pour tout X sur l’ensemble d’un ressort, à des spécifications près qui sont elles-mêmes formellement définies » (Sur l’Etat, cours au Collège de France du 7 mars 1991, pages 333 et 335).

« L’unification et l’universalisation relative qui est associée à l’émergence de l’Etat sont inséparables de la monopolisation par quelques-uns des ressources universelles qu’il produit et procure… Mais ce monopole de l’universel ne peut être obtenu qu’au prix d’une soumission (au moins apparente) de ceux qui le détiennent aux raisons de l’universalité… Ceux qui, comme Marx, inversent l’image officielle que la bureaucratie d’Etat entend donner d’elle-même et décrivent les bureaucrates comme des usurpateurs de l’universel, agissant en propriétaires privés des ressources publiques, n’ont pas tort. Mais ils ignorent les effets bien réels de la référence obligée aux valeurs de neutralité et de dévouement désintéressé au bien public qui s’impose avec une force croissante aux fonctionnaires d’Etat à mesure qu’avance l’histoire du long travail de construction symbolique au terme duquel s’invente et s’impose la représentation officielle de l’Etat comme lieu de l’universalité et du service de l’intérêt général » (Méditations pascaliennes, chapitre 3 : « les fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 178-179).

Bourdieu précise que la règle du dévouement à l’intérêt général s’applique non seulement aux fonctionnaires au sens habituel du terme, mais à tous les personnages désignés pour être l’incarnation officielle du groupe. Le privilège d’incarner la chose publique a pour contrepartie, « à des degrés différents selon les traditions juridiques », la divulgation d’informations privées sur les hommes publics, notamment lorsqu’il ont transgressé eux-mêmes la frontière entre le privé et le public, en mettant par exemple des moyens publics au service de fins privées, le secret sur le privé ayant en fait servi à cacher un usage privé du public…
« L’universel est l’objet d’une reconnaissance universelle et la reconnaissance universellement accordée au sacrifice des intérêts égoïstes (tout spécialement économiques) favorise universellement, à travers les profits symboliques indiscutables qu’elle assure, les stratégies d’universalisation. Il n’est rien que les groupes reconnaissent et récompensent plus inconditionnellement et qu’ils exigent plus impérativement que la manifestation inconditionnelle du respect à l’égard du groupe en tant que groupe… et ils accordent une reconnaissance sociale à la reconnaissance, même feinte et hypocrite, de la règle qu’impliquent les stratégies d’universalisation…
Plus personne ne peut croire que l’histoire a la raison pour principe; et si la raison avance tant soit peu, et aussi l’universel, c’est peut-être parce qu’il y a des profits de rationalité et d’universalité et que les actions qui font avancer la raison et l’universel font avancer du même pas les intérêts de ceux qui les accomplissent » (Méditations pascaliennes, chapitre 3 : « les fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 180-181).

L’ACCES AUX CONDITIONS DE L’UNIVERSEL

« Il n’y a pas de contradiction, en dépit des apparences, à lutter à la fois contre l’hypocrisie mystificatrice de l’universalisme abstrait et pour l’accès universel aux conditions d’accès à l’universel » (Méditations pascaliennes, chapitre 2, page 104).

La condition scolastique

Bourdieu s’est interrogé sur ce qui rend possibles les champs de l’enseignement et de la production intellectuelle dans lesquels s’est développé l’universel. Ce qui les rend possibles, c’est ce qu’il appelle l’état « scolastique », suffisamment délivré des urgences, dont bénéficiaient déjà les philosophes de l’antiquité, et dont les caractéristiques permettent « ce regard indifférent au contexte et aux fins pratiques, ce rapport distinct et distinctif aux mots et aux choses, (qui) n’est autre que la skholè. Ce temps libéré des occupations et des préoccupations pratiques, dont l’école… aménage une forme privilégiée, le loisir studieux, est la condition de l’exercice scolaire et des activités arrachées à la nécessité immédiate, comme le sport, le jeu, la production et la contemplation des œuvres d’art et toutes les formes de spéculation gratuite, sans autre fin qu’elles-mêmes » (Méditations pascaliennes, page 28).

« L’ambiguïté fondamentale des univers scolastiques et de toutes leurs productions -acquisitions rendues accessibles par un privilège exclusif- repose sur le fait que la coupure scolastique avec le monde de la production est à la fois rupture libératrice et séparation, déconnection, qui enferme la virtualité d’une mutilation: si la mise en suspens de la nécessité économique et sociale est ce qui autorise l’émergence de champs autonomes… ne connaissant et ne reconnaissant que la loi qui leur est propre, elle est aussi ce qui… menace d’enfermer la pensée scolastique dans les limites ou présupposés ignorés ou refoulés, qu’implique le retrait hors du monde » (Méditations pascaliennes, « L’ambiguïté de la disposition scolastique », sous-chapitre du chapitre 1 « Critique de la raison scolastique », pages 30-31).

« Nombre de professions de foi universalistes ou de prescriptions universelles ne sont que le produit de l’universalisation (inconsciente) du cas particulier, c’est-à-dire du privilège constitutif de la condition scolastique. Cette universalisation purement théorique conduit à un universalisme fictif aussi longtemps qu’elle ne s’accompagne d’aucun rappel des conditions économiques et sociales refoulées de l’accès à l’universel et d’aucune action (politique) visant à universaliser pratiquement ces conditions. Accorder à tous, mais de manière purement formelle, l’humanité, c’est en exclure, sous les dehors de l’humanisme, tous ceux qui sont dépossédés des moyens de la réaliser » (Méditations pascaliennes, chapitre 2 : « Les trois formes de l’erreur scolastique », fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », page 97).

« …Il y a des conditions économiques et culturelles de l’accès à la conduite économique tenue pour rationnelle. Faute de poser simplement la question, pourtant typiquement économique, de ces conditions, la science économique traite comme un donné naturel, un don universel de la nature, la disposition prospective et calculatrice à l’égard du monde et du temps, dont on sait qu’elle est le produit d’une histoire individuelle et collective tout à fait particulière.
…Et toute représentation, à prétention scientifique ou non, qui repose sur l’oubli ou l’occultation délibérée de ces conditions tend à légitimer le plus injustifiable des monopoles, c’est-à-dire le monopole de l’universel … » (Méditations pascaliennes, chapitre 2 : « Les trois formes de l’erreur scolastique », fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 103 et 105).

Ambivalent à l’égard de la condition scolastique, Bourdieu, tout en lui reprochant de mener à un universalisme fictif, attend pourtant d’elle d’elle la sublimation du désir de dominer en désir de savoir:
« L’affrontement anarchique des investissements et des intérêts individuels ne se transforme en dialogue rationnel que dans la mesure et dans la mesure seulement où le champ est assez autonome (donc doté de barrières à l’entrée assez élevées) pour exclure l’importation d’armes non spécifiques, politiques et économiques notamment, dans les luttes internes; dans la mesure où les participants sont contraints à ne recourir qu’à des instruments de discussion ou de preuve conformes aux exigences scientifiques en la matière…, donc obligés de sublimer leur libido dominandi en une libido sciendi qui ne peut triompher qu’en opposant une réfutation à une démonstration, un fait scientifique à un autre fait scientifique » (Méditations pascaliennes, page 16).
Pour mieux faire comprendre la notion de barrière à l’entrée, empruntée sans doute au philosophe et logicien Edmond Goblot qui a écrit en 1925 un livre devenu célèbre sur La Barrière et le niveau, la critique de Bourdieu contre la télévision est éclairante: « elle abaisse le droit d’entrée dans un certain nombre de champs, philosophique, juridique, etc. : elle peut consacrer comme sociologue, écrivain, ou philosophe, etc., des gens qui n’ont pas payé le droit d’entrée du point de vue de la définition interne de la profession. D’autre part, elle est en mesure d’atteindre le plus grand nombre. Ce qui me paraît difficile à justifier, c’est que l’on s’autorise de l’extension de l’audience pour abaisser le droit d’entrée dans le champ » (Sur la télévision, page 76).

La lutte pour l’accès à l’universel

« …L’impérialisme de l’universel qui est impliqué dans l’annexion assimilatrice de l’universalisme verbal peut s’exercer dans les rapports de domination au sein d’une même nation, à travers une universalisation des exigences scolastiques qui ne s’accompagne pas d’une semblable universalisation des moyens d’y parvenir ».
A ce sujet, Bourdieu pense principalement à « l’institution scolaire, dans la mesure où elle est capable d’imposer la reconnaissance à peu près universelle de la loi culturelle tout en étant très loin d’être capable de distribuer de manière aussi large la connaissance des acquis qui lui est nécessaire pour lui obéir…» (Méditations pascaliennes, chapitre 2 : « Les trois formes de l’erreur scolastique », fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 103 et 105).

« Il faudra sans doute mobiliser toujours plus de ressources et de justifications techniques et rationnelles pour dominer, et les dominés devront se servir toujours davantage de la raison pour se défendre contre des formes de plus en plus rationalisées de domination (je pense par exemple à l’usage politique des sondages comme instruments de démagogie rationnelle). Les sciences sociales… devront plus clairement que jamais choisir entre deux partis : mettre leur instruments rationnels de connaissance au service d’une domination toujours plus rationalisée, ou analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance rationnelle peut apporter à la monopolisation de fait des profits de la raison universelle. La conscience et la connaissance des conditions sociales de cette sorte de scandale logique et politique qu’est la monopolisation de l’universel indiquent sans équivoque les fins et les moyens d’une lutte politique permanente pour l’universalisation des conditions d’accès à l’universel » (Méditations pascaliennes, chapitre 3, page 121).

« Dès que, cessant de nier l’évidence historique, on accepte de reconnaître que la raison n’est pas enracinée dans une nature anhistorique et que, invention humaine, elle ne peut s’affirmer qu’en relation avec des jeux sociaux propres à en favoriser l’apparition et l’exercice, on peut s’armer d’une science historique des conditions historiques de son émergence pour tenter de renforcer tout ce qui, dans chacun des différents champs, est de nature à favoriser le règne sans partage de sa logique spécifique, c’est-à-dire l’indépendance à l’égard de toute espèce de pouvoir ou d’autorité extrinsèque – tradition, religion, Etat, forces du marché. On pourrait ainsi, dans cet esprit, traiter la description réaliste du champ scientifique comme une sorte d’utopie raisonnable de ce que pourrait être un champ politique conforme à la raison démocratique…
…Dès que des principes prétendant à la validité universelle (ceux de la démocratie par exemple) sont énoncés et officiellement professés, il n’est plus de situation sociale où ils ne puissent servir au moins comme des armes symboliques dans les luttes d’intérêt ou comme des instruments de critique pour ceux qui ont intérêt à la vérité ou à la vertu (comme aujourd’hui tous ceux qui, notamment dans la petite noblesse d’Etat, ont partie liée avec les acquis universels associées à l’Etat et au droit) ». Ce qui est dit là s’applique en priorité à l’Etat qui, comme tous les acquis liés à l’histoire des champs scolastiques, est marqué d’une profonde ambiguïté (voir supra l’universalisation comme impérialisme mais aussi progrès), ambiguïté toutefois moins défavorable à ce qu’on peut appeler la justice, que ce qui est exalté, sous les  couleurs de la liberté et du libéralisme, par les partisans du « laisser-faire » économique (Méditations pascaliennes, chapitre 3 : « les fondements historiques de la raison », sous-chapitre intitulé : « L’universalité des stratégies d’universalisation », pages 182-184).

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Dans un texte sur Bourdieu écrit en 2002 après le décès de celui-ci (Hommage à Pierre Bourdieu, sur le site internet du Collège de France), le philosophe Jacques Bouveresse, alors professeur en exercice dans cette institution, a rappelé à quel point Bourdieu, à la fin de son enseignement, insistait sur l’autonomie de la science, mais aussi sur la nécessité de mettre le savoir au service de tous:
« Bourdieu était avant tout un savant, qui se méfiait particulièrement, dans son travail, des réactions de légitime indignation et des emportements de la juste colère, et il ne confondait pas les exigences de la connaissance objective et même, si possible, scientifique, avec celles de la morale et de l’action. Il a toujours insisté sur le fait que, pour être capable d’exercer une action libératrice, la science doit commencer par exiger le droit de se diriger uniquement selon ses propres règles. Le dernier cours qu’il a donné au Collège de France peut être considéré, à bien des égards, comme un plaidoyer en faveur de l’autonomie de la science et de la cité savante, et un appel à la défendre contre les dangers qui la menacent de plus en plus. Il y a une singulière ironie dans le fait que lui, qui a été accusé régulièrement de pratiquer une forme de réductionnisme sociologisant et même sociologiste, ait terminé son enseignement par une réaffirmation de la croyance, qui a toujours été la sienne, à la capacité qu’a le monde de la science de s’autoréguler selon des principes qui lui sont propres et qui ne sont pas réductibles à des déterminations économiques, sociales et culturelles qui s’imposent à lui de l’extérieur.
« Mais il est important pour nous, me semble-t-il, ajoute Jacques Bouveresse, de nous rappeler également la deuxième partie de son message. Si la science doit être autonome, ce n’est pas pour rester enfermée dans sa propre maison, mais pour pouvoir être réellement au service de tout le monde ».

Il faut appuyer cet éloge du savant au service de tous en ajoutant que Bourdieu s’est référé non sans raison aux grands esprits du 17e siècle, car il a été un penseur à leur manière. Dans Esquisse pour une auto-analyse (page 58), il exprime son intérêt pour Leibniz. Et surtout, ce n’est pas pour rien que dans ses Méditations pascaliennes, l’un de ses derniers ouvrages, abondamment cité dans le  présent article, il se place sous l’égide de Pascal (en paraissant aussi faire allusion aux méditations cartésiennes).
On peut également évoquer son goût de la formule bien frappée, qui, malgré les lourdeurs du style sociologique dues en grande partie au souci de s’exprimer clairement, fait de lui, dans une certaine mesure, un auteur de maximes.
Quant au fond, en dépit des critiques et parfois des irritations – voir les deux précédents articles de Libres Feuillets à son sujet – le lecteur qui fait l’effort de suivre Bourdieu dans ses différentes étapes ne peut manquer d’être impressionné par le parcours de sa pensée, qui réussit finalement à articuler entre eux l’intérêt particulier et le désintéressement rendant possible l’universel.

Dominique Thiébaut Lemaire

Oeuvres de Bourdieu sur lesquelles se fonde le présent article

1994  Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Editions du Seuil, collection Points
1996  Sur la télévision, Paris, Liber/Raisons d’agir
1997  Méditations pascaliennes, Paris, Editions du Seuil, collection Points
2002  Science de la science et réflexivité, Paris, Liber/Raisons d’agir.
2004  Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Raisons d’agir Editions
2012  Sur l’Etat, Paris, Raisons d’agir/Seuil

Billet: déclarations de patrimoine

Comme Villon dénombrant sa fortune
Faite surtout de mots qu’il n’a pas tus
Je me déclare à sa façon nanti
Voici mes biens sous forme de comptine

Je fais entrer d’une manière franche
Dans cette liste en tête au premier rang
L’amour toujours les beautés de l’esprit
Les vers sonnant avec des rimes riches

Il y faut plus que l’amour et l’eau fraîche
Ajoutons donc pour qu’on nous en dédouane
L’immobilier le compte à intérêts

Mais cet argent de valeur incertaine
Dans nos cheveux est-ce du patrimoine
Ou  le contraire ignorant je me tais

 ***

La parodie des documents juridiques tels que les donations et testaments a été un genre poétique florissant au Moyen-âge. Eustache Deschamps, grand poète, a parodié à la fin du XIVe siècle toutes sortes de documents légaux. Dans ce genre, le Lais (legs) de François Villon et son Testament sont bien connus.

Villon a écrit Le Lais en 1456, date indiquée dans la première strophe. C’est un  poème formé de quarante huitains d’octosyllabes, où le poète égrène une suite de « dons » ou de « legs » plus ou moins loufoques, cruels et humoristiques, par exemple dans la strophe XXXI :
« Item, je laisse à mon barbier
Les rognures de mes cheveux… »
Et, au savetier et au fripier, souliers et habits :
« Pour moins qu’ils ne coutèrent neufs
Charitablement je leur laisse. »
Il reprend dans ce poème d’autres thèmes littéraires. Vu les circonstances (un départ pour Angers) et l’utilisation de motifs de l’amour courtois, ce pourrait être aussi un congé, où le poète quitte sa dame qui l’a trop fait souffrir. Le lais se termine par la strophe XXXV que voici :
« Finalement, en écrivant,
Ce soir, seulet, étant en bonne,
Dictant ces legs et décrivant,
J’ouïs la cloche de Sorbonne,
Qui tous jours à neuf heures sonne
Le salut que l’ange prédit… »

Villon est aussi et surtout l’auteur du Testament, écrit en 1461 d’après la strophe X (« Ecrit l’ai l’an soixante et un »), poème de 186 strophes de 8 vers (1488 octosyllabes) auquel s’ajoutent 16 ballades et 3 rondeaux (535 vers). Dans une première partie, il se décrit seul, pauvre, prématurément vieilli. Puis il imagine nombre de legs, par exemple dans les strophes suivantes :
LXXV
« Premier, je donne ma pauvre âme
A la benoîte Trinité… »
LXXVI
« Item, mon corps j’ordonne et laisse
A notre grand mère la terre ;
Les vers n’y trouveront grand graisse :
Trop lui a fait faim dure guerre. »
LXXVII
« Item, et à mon plus que père,
Maître Guillaume de Villon
Qui m’a été plus doux que mère… »
LXXIX
« Item, donne à ma bonne mère
… Qui pour moi eut douleur amère,
Dieu le sait, et mainte tristesse… »
C’est à nouveau une parodie d’acte juridique, sur laquelle viennent se greffer des digressions sur l’injustice, la fuite du temps, la mort, la sagesse… ainsi que des poèmes autonomes, tels que la célèbre ballade des dames du temps jadis (Le Testament, vers 329-356) dont le titre est de Clément Marot, où Villon associe deux motifs traditionnels, l’ « ubi sunt » (mais où sont-elles ?) et le « tempus fugax » (le temps qui fuit).

De nos jours se sont ajoutés aux legs et aux testaments d’autres documents tels que la déclaration d’impôt sur la fortune, ou encore la déclaration de patrimoine des ministres, rendue publique pour la première fois en France le 15 avril 2013, actualisation de la déclaration transmise à la Commission pour la transparence financière de la vie politique à leur entrée en fonctions, conformément à l’article 4 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 modifiée. Cette déclaration était jusqu’ici confidentielle.
D’après les explications fournies sur le site internet du premier ministre, certaines informations demandées par cette Commission n’ont pas été rendues publiques pour des raisons de sécurité (adresses personnelles des membres du Gouvernement, numéros de leurs comptes bancaires et agences bancaires) ou pour ne pas porter atteinte à la vie privée de tiers (noms des personnes qui ont vendu des biens immobiliers à des membres du Gouvernement).
Aux termes du code électoral, la déclaration de patrimoine adressée à la Commission vise la totalité des biens propres de l’intéressé ainsi que ceux de la communauté ou les biens réputés indivis, le cas échéant. Elle ne comprend pas les biens propres du conjoint en cas de mariage sous le régime de la séparation de biens.
Elle prend en compte tous les éléments composant le patrimoine. L’ensemble des biens doit être déclaré, y compris ceux qui sont détenus à l’étranger.
La totalisation de la valeur du patrimoine déclaré ne permet pas de reconstituer le patrimoine imposable à l’ISF, compte tenu des règles particulières à cet impôt. Ainsi, les couples mariés quel que soit leur régime matrimonial, pacsés ou vivant en concubinage, sont soumis à une imposition commune à l’ISF. Autre exemple de différence: les biens exonérés d’ISF – les œuvres d’art ou les avoirs constituant l’outil de travail par exemple – figurent dans la déclaration de patrimoine.

Pour revenir in fine à Villon, citons la strophe CLXV de son Testament où il dit de lui :
« Oncques de terre n’eut sillon.
Il donna tout, chacun le sait :
Table, tréteaux, pain, corbillon.
Pour Dieu, dites-en ce verset. »
Il faut y ajouter son don le plus précieux, celui de son œuvre.

 

 

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: les menteurs

N’écoutons pas les menteurs en tous genres
A qui le faux tient lieu d’intelligence
Bluffeurs dupeurs dont la ruse indigente
Pour acquérir le pouvoir ou l’argent
Montre la bête en pensant faire l’ange

A l’apogée des feintes mensongères
Certains d’entre eux par leur pseudo-sagesse
Ministre indigne ou faux maître exégète
Gardien du temple ou gardien du budget
Croient maquiller leur goût des privilèges

Dissimulés sans pâlir ni rougir
Effrontément certains qui nous régissent
Ou le voudraient qui pour cela s’agitent
Nous font valoir leur face d’effigie
Sur la grimace un beau masque se fige

Chez le menteur peuvent sembler légères
Les illusions qu’il sème avec largesse
Et les envies les désirs qu’il projette
En poursuivant de fallacieux objets
Mais attention quand le sérieux nous piège

Délivrez-nous des trompeurs en tous genres
Cette prière en guise d’allégeance
Au dieu du vrai demande en outre urgente
Affranchissez de leur vice exigeant
Ces égarés voulant donner le change

***

« Quis custodiet custodes ? » (locution latine signifiant : « Mais qui gardera les gardiens ? »)

L’ancien ministre du budget est passé aux aveux
(source : journal Le Monde sur internet, 3 et 4 avril 2013)

Mardi 2 avril, Jérôme Cahuzac a avoué sur son blog qu’il a menti à tout le monde. Ce jour-là, les juges d’instruction Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke lui ont signifié sa mise en examen. L’ex-ministre du budget responsable de la lutte contre la fraude fiscale est poursuivi pour « blanchiment de fraude fiscale » et « blanchiment de fonds ». Devant les magistrats, après quatre mois de mensonges et de dénégations, il a admis détenir un compte à l’étranger dissimulé au fisc français. D’après ses déclarations sur procès-verbal, ce compte aurait été abondé à hauteur de 600 000 euros, par les revenus de sa clinique, et par ses activités de lobbying au profit des laboratoires pharmaceutiques. Ce compte aurait enfin été transféré en octobre 2009, de Suisse à Singapour.

Sur son blog, M. Cahuzac a présenté ses excuses : au chef de l’Etat, à l’Assemblée nationale, aux électeurs. Il a tenté de justifier son comportement : « J’ai mené une lutte intérieure taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j’ai manqué et le souci de remplir les missions qui m’ont été confiées et notamment la dernière que je n’ai pu mener à bien. J’ai été pris dans une spirale du mensonge et m’y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords. Penser que je pourrais éviter d’affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable. J’affronterai désormais cette réalité en toute transparence. »

Le grand rabbin de France reconnaît avoir menti
(Source : AFP, 11 avril 2013)

Lors d’un Conseil extraordinaire du Consistoire réunissant une trentaine de membres du corps rabbinique à Paris, Gilles Bernheim a finalement accepté de se retirer, alors qu’il avait jusque là refusé de démissionner. Un geste salué par le président de cette instance, Joël Mergui, comme «une décision courageuse».
Dans un communiqué, Gilles Bernheim «souhaite que les faits graves qui lui sont reprochés et qui le marquent, n’occultent pas l’ensemble des actions menées au titre de ses différentes fonctions rabbiniques». Après s’être empêtré dans des explications laborieuses, il a dû reconnaître qu’il a commis plusieurs plagiats révélés sur le net, et qu’il n’est pas agrégé de philosophie contrairement à ce qu’il a «laissé dire».

Selon plusieurs sources, ses défenseurs se raréfiaient de jour en jour, craignant pour la crédibilité de l’homme et du Consistoire, représentant officiel de la première communauté juive d’Europe. Son porte-parole avait démissionné sans vouloir faire de commentaire.

Joël Mergui a reconnu que le Consistoire faisait face à «une crise grave». «J’espère que les décisions que nous avons prises vont nous permettre de préserver l’avenir», a-t-il ajouté à la sortie de la réunion. «Les Juifs de France n’en sont ni à leurs premières ni à leurs dernières difficultés»…

Tous ont manifesté le souci de ne pas accabler le grand rabbin, qui conserve ce titre… Gilles Bernheim avait fondé sa légitimité sur son aura de sage philosophe, n’hésitant pas à intervenir sur les grands sujets de société et à dialoguer avec les autres religions.

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: le boeuf, la vache et le cheval

Il aimerait de la viande de bœuf
Muscle nourri dans un pacage herbeux
Mais l’amateur de steak ou de rosbif
Mange souvent de la bête zombie

On sacrifie pour le gourmet bobo
Pas mieux servi qu’un carnivore beauf
Sur les autels de la mauvaise bouffe
Des animaux ne tenant plus debout

On croit changer la chair au goût revêche
Par le hachis comme si l’on pouvait
Rendre moelleuse une carne de vache

Pas vu pas pris on y mêle à tout va
Le sous-produit qui gagne sa revanche
Et le cheval plus aimable vivant

***

La longue histoire des tromperies, fraudes et frelatages alimentaires continue. On a connu dans les dernières décennies le poulet aux hormones, le veau aux antibiotiques, la vache folle…

Nous découvrons à présent la triste réalité de la « viande hachée » et de ses avatars  industriels parés de noms méditerranéens: lasagnes, raviolis, tortellini, moussaka… Cette viande « pur bœuf », les analyses génétiques récentes révèlent qu’elle peut être du mouton malade, ou du cheval dopé à l’analgésique, qui a trop tourné dans les manèges de la boucherie européenne (Roumanie, Luxembourg, France, Chypre, Pays-Bas, Royaume-Uni, Hongrie, Tchéquie…).

Et personne n’a la sincérité de dire clairement que le pur bœuf est le plus souvent de la vache laitière, de la bonne vieille vache de réforme. Il est vrai que ce mensonge paraît bien bénin comparé à celui qui fait passer pour de la viande bovine un magma appelé « minerai », de gras, de maigre, et d’on ne sait quels sous-produits de différentes espèces.

Une nouvelle étape nous est d’ores et déjà annoncée : celle du poisson d’élevage nourri avec des « farines » de boeuf, de vache, de cheval, et autres animaux…

Dominique Thiébaut Lemaire

Poèmes et méditations sur la compassion et l’humilité. Par Dominique Thiébaut Lemaire

On considère communément comme des vertus la compassion et l’humilité, par opposition aux « péchés capitaux » de l’envie et de l’orgueil. Mais les philosophes et les moralistes nous mettent en garde contre cette croyance. En analysant la surestime de soi (l’orgueil) et la sous-estime de soi (l’humilité), l’envie et la pitié (compassion), ils montrent comment ces passions sont intimement liées (voir l’article de Libres Feuillets intitulé « Descartes et Spinoza (I): sur quelques passions actuelles », daté du 21 mars 2012) :
–         La compassion permet souvent de se sentir supérieur aux malheureux ;
–         Si le mal qui arrive à autrui suscite la compassion, le bien qui arrive à autrui suscite la passion symétrique de l’envie ;
–         La surestime de soi est flattée, et la mésestime de soi apaisée, par le rabaissement d’autrui, par l’idée qu’autrui est indigne du bien dont il jouit, ce qui est la caractéristique même de l’envie.

 ***

 Mieux vaut bien sûr la pitié que l’envie
Qui peut aller très loin dans les sévices
L’envie tantôt belliqueuse ou servile
Que l’on verra se réjouir volontiers
Du mal d’autrui sans faire de quartier

Souvent cachée bien qu’elle se devine
Face au bonheur elle est l’inimitié
De la tristesse au fond de l’âme avide
On ne saurait là non plus l’amnistier
Mieux vaut bien sûr la pitié que l’envie

Les cœurs humains partagent cet avis
La compassion les flatte et les chavire
Mais le penseur au caractère entier
Reste distant quant à moi je m’avise
Qu’on aime mieux faire envie que pitié

 ***

Sur son visage un homme plein d’orgueil
Montre la joie de s’être trouvé mieux
Qu’un tabouret son trône est un fauteuil
Environné d’un murmure élogieux

Triste au contraire on la croirait en deuil
L’humilité marche en baissant les yeux
D’un air contrit d’un air qui se recueille
Mais sa vertu ne lui vient pas des cieux

L’un se voit grand l’autre se mésestime
Recto verso l’épaisseur d’une feuille
Nous fait passer de l’humble à l’orgueilleux

Ils ont tous deux le même manque intime
De l’un à l’autre il n’y a pas de seuil
La clairvoyance est bien faible au milieu

« Mieux vaut faire envie que pitié » (proverbe)

 « Lorsqu’un bien ou un mal, écrit Descartes, nous est représenté comme appartenant à d’autres hommes, nous pouvons les en estimer dignes ou indignes; et lorsque nous les en estimons dignes, cela excite en nous la joie, en tant que c’est pour nous quelque bien de voir que les choses arrivent comme elles doivent. Il y a seulement cette différence que la joie qui vient du bien est sérieuse, au lieu que celle qui vient du mal est accompagnée de rire et de moquerie. Mais si nous les en estimons indignes, le bien excite l’envie, et le mal la pitié, qui sont des espèces de tristesse… » (Les passions de l’âme, art. 61 et 62).
« Ceux qui se sentent faibles et sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion que les autres, à cause qu’ils se représentant le mal d’autrui comme leur pouvant arriver ; et ainsi ils sont émus à la pitié plutôt par l’amour qu’ils se portent à eux-mêmes que par celle qu’ils ont pour les autres » (Les Passions de l’âme, article 186). On trouve aussi cette réflexion chez La Rochefoucauld (maxime 264).

 Spinoza développe des idées proches de celles de Descartes, de façon plus pessimiste semble-t-il. « Par cela seul que nous imaginons que quelqu’un tire d’une chose de la joie…, écrit-il, nous aimerons cette chose et désirerons en tirer de la joie. Mais (par hypothèse) nous imaginons que l’obstacle à cette joie vient de ce qu’un autre en tire de la joie ; nous ferons donc effort… pour qu’il n’en ait plus la possession.
« Nous voyons ainsi qu’en vertu de la même disposition de leur nature les hommes sont généralement prêts à avoir de la commisération pour ceux qui sont malheureux et à envier ceux qui sont heureux, et que leur haine pour ces derniers est… d’autant plus grande qu’ils aiment davantage ce qu’ils imaginent dans la possession d’un autre » (Ethique, troisième partie, proposition XXXII).
« …Celui qui est facilement affecté de commisération et ému par la misère ou les larmes d’autrui, fait souvent quelque chose de quoi plus tard il se repent : d’une part, en effet, nous ne faisons rien sous le coup d’une affection que nous sachions avec certitude être bon, de l’autre nous sommes facilement trompés par de fausses larmes » (Ethique, quatrième partie, proposition L).

Il existe aussi une relation étroite entre l’orgueil et la compassion. Celle-ci flatte le sentiment de fausse supériorité, et apaise le sentiment de fausse infériorité:
« Il y a souvent plus d’orgueil que de bonté à plaindre les malheurs de nos ennemis; c’est pour leur faire sentir que nous sommes au-dessus d’eux que nous leur donnons des marques de compassion » (La Rochefoucauld, maxime 463). Ce que dit La Rochefoucauld des malheurs de nos ennemis peut s’appliquer aux malheurs de ceux que, du fait qu’ils sont malheureux, nous considérons comme des amis.

Avant et après le 17e siècle, des philosophes de la Grèce ancienne jusqu’à Hannah Arendt en passant par Nietzsche, on n’en finirait pas d’évoquer les critiques de la compassion.

Comme l’a montré Aristote il y a fort longtemps dans son analyse de la tragédie faite pour inspirer la crainte et la pitié, la compassion fait partie de la « société du spectacle ».
Aujourd’hui, nous pouvons nous offrir à peu de frais un sentiment de supériorité compatissant face aux pauvres des pays pauvres, en particulier lorsque nous les voyons à la télévision ou lorsqu’ils arrivent chez nous. Parfois, ce sentiment risque de vaciller, aussi faut-il le renforcer en insistant sur leur misère, mais aussi en noircissant la situation des pays d’où ils viennent.

Les passions telles que la compassion sont généralement présentées du point de vue de ceux qui les éprouvent. Mais il est salutaire de les envisager aussi du point de vue de ceux qui en sont l’objet.
On se plaît à témoigner de la compassion, mais celui auquel elle s’adresse n’en est pas forcément satisfait, dans la mesure où elle le place en position d’infériorité. Il y a donc lieu de douter qu’elle soit de nature à susciter de la gratitude.
A l’opposé, l’envie est présentée à juste titre comme une passion négative. Mais pour celui à qui elle s’adresse, dans la mesure où elle ne s’accompagne pas d’une trop forte intention de nuire, elle peut avoir un aspect positif, comme le dit le proverbe : « Mieux vaut faire envie que pitié ».

 « L’humilité n’est pas une vertu » (Spinoza)

Descartes distingue dans Les passions de l’âme l’humilité vertueuse  et l’humilité vicieuse:
« Art. 155. En quoi consiste l’humilité vertueuse.
… L’humilité vertueuse ne consiste qu’en ce que la réflexion que nous faisons sur l’infirmité de notre nature et sur les fautes que nous pouvons autrefois avoir commises ou sommes capables de commettre, qui ne sont pas moindres que celles qui peuvent être commises par d’autres, est cause que nous ne nous préférons à personne, et que nous pensons que les autres ayant leur libre arbitre aussi bien que nous, ils en peuvent aussi bien user.
« Art. 159. De l’humilité vicieuse.
… Elle consiste principalement en ce qu’on se sent faible ou peu résolu, et que, comme si on n’avait pas l’usage entier de son libre arbitre, on ne se peut empêcher de faire des choses dont on sait qu’on se repentira par après; puis aussi en ce qu’on croit ne pouvoir subsister par soi-même ni se passer de plusieurs choses dont l’acquisition dépend d’autrui. Ainsi elle est directement opposée à la générosité ; … au lieu que ceux qui ont l’esprit fort et généreux ne changent point d’humeur pour les prospérités ou adversités qui leur arrivent, ceux qui l’ont faible et abject ne sont conduits que par la fortune, et la prospérité ne les enfle pas moins que l’adversité les rend humbles. Même on voit souvent qu’ils s’abaissent honteusement auprès de ceux dont ils attendent quelque profit ou craignent quelque mal, et qu’au même temps ils s’élèvent insolemment au-dessus de ceux desquels ils n’espèrent ni ne craignent aucune chose.»
« Article 160.…Le vice vient ordinairement de l’ignorance, et …ce sont ceux qui se connaissent le moins qui sont les plus sujets à s’enorgueillir et à s’humilier plus qu’ils ne doivent ».

Pour Spinoza, tandis que l’orgueil est la joie de l’homme « qui fait de lui plus de cas qu’il n’est juste » (Ethique, troisième partie, proposition XXVI), l’humilité est la mésestime de soi «  qui consiste à faire de soi par tristesse moins de cas qu’il n’est juste… Ceux que l’on croit être le plus pleins de mésestime d’eux-mêmes et d’humilité, sont généralement le plus pleins d’ambition et d’envie » (Ethique, troisième partie, «définitions des affections », XXVIII-XXIX).
« L’humilité est une tristesse née de ce que l’homme considère son impuissance ou
sa faiblesse » (Ethique, troisième partie, « définitions des affections », XXVI).
« L’humilité n’est pas une vertu, c’est-à-dire qu’elle ne tire pas de la raison son origine » (Ethique, quatrième partie, proposition LIII).
« Bien que la mésestime de soi soit contraire à l’orgueil, celui qui se mésestime est cependant très proche de l’orgueilleux. Puisque, en effet, sa tristesse vient de ce qu’il juge de son impuissance par la puissance ou vertu des autres, cette tristesse sera allégée, c’est-à-dire qu’il sera joyeux, si son imagination s’occupe à considérer les vices des autres, d’où ce proverbe: c’est une consolation pour les malheureux d’avoir des compagnons de leurs maux. Au contraire, il sera d’autant plus attristé qu’il se croira davantage inférieur aux autres; d’où vient qu’il n’est pas d’hommes plus enclins à l’envie que ceux qui se mésestiment ; ils s’efforcent plus que personne d’observer ce que font les hommes, plutôt pour censurer leurs fautes que pour les corriger ; ils n’ont de louange que pour la mésestime de soi et se glorifient de leur humilité…» (Ethique, quatrième partie, proposition LVII).
Spinoza insiste comme Descartes sur la nécessité de se connaître :
« Le plus haut degré d’orgueil ou de mésestime de soi est la plus entière ignorance de soi » (Ethique, quatrième partie, proposition LV) et « indique la plus grande impuissance intérieure » (Ethique, quatrième partie, proposition LVI).
« Le premier principe de la vertu est de conserver son être…, et cela sous la conduite de la raison… Qui donc s’ignore lui-même ignore le principe de toutes les vertus…. », agit le moins par vertu, et « est le plus impuissant intérieurement…» (Ethique, quatrième partie, proposition LVI).

Pour La Rochefoucauld (maxime 254) :
« L’humilité n’est souvent qu’une feinte soumission, dont on se sert pour soumettre les autres ; c’est un artifice de l’orgueil qui s’abaisse pour s’élever ;et bien qu’il se transforme en mille manières, il n’est jamais mieux déguisé et plus capable de tromper que lorsqu’il se cache sous la figure de l’humilité ».

Avec ces penseurs, nous sommes donc loin de la conception chrétienne actuelle de l’humilité. Mais notons aussi que le christianisme n’a pas mis l’humilité au nombre de ses sept grandes vertus.

Dominique Thiébaut Lemaire