Billet: la diérèse

 

Pour éclairer le sens du terme diérèse
La diction syllabique est d’un grand intérêt
On peut dire le mot comme on le fait en prose
Ou comme en poésie d’une voix sans accroc

Mais « i » devant voyelle enrichissant la phrase
D’une syllabe en plus devient un embarras
Dans un vers mesuré quand la scansion scabreuse
Omet d’en tenir compte et fausse un rythme heureux

La même boiterie peut aussi se produire
Quand la récitation voudrait qu’on sonorise
Par exemple le « ou » du verbe réjoui

Parfois la diérèse apparaît comme ruse
Pour mieux remplir le vers mais elle a belle allure
En sauvant un langage à demi disparu

 

Il y a diérèse lorsque, dans un mot, la prononciation dissocie les éléments d’une diphtongue en deux voyelles autonomes – ou fait entendre séparément, chacune dans sa syllabe, sans les fondre en une diphtongue, deux voyelles contiguës, comme dans ces alexandrins :
– « Une dévo-ti-on à nulle autre pareille » (Molière, Le Tartuffe, 1664) ;
– « A la poste d’hi-er tu télégraphieras » (Desnos, 1923, Destinée arbitraire);
– « Bivou-ac à cent mille au bord du ciel et l’eau
« Prolonge dans le ciel la plage de Malo  » (Aragon, Les Yeux d’Elsa, 1942).

Au contraire il y a synérèse lorsque, dans un mot, la prononciation fond en une diphtongue deux voyelles contiguës, la première faisant fonction de semi-voyelle ou semi-consonne, les deux étant réunies en une seule syllabe.

La diérèse peut se produire dans les groupes de voyelles dont la première est i, ou, u, c’est-à-dire susceptible de devenir semi-voyelle. Ces groupes doivent-ils être comptés pour deux syllabes ou pour une seule ? Les règles classiques à ce sujet sont empiriques et flottantes.

Dans un  livre de 1937 intitulé Le Vers français, Maurice Grammont donne plusieurs exemples de ce flottement pour le même mot chez le même poète :
Hugo :
« Le sud, le nord, l’ou-est et l’est et Saint-Mathieu », mais :
« A cause du vent d’ouest tout le long de la plage » ;
Hugo encore :
« Sur la terre où tout jette un miasme empoisonneur », mais :
« Mêlé dans leur sépulcre au mi-asme insalubre »
Musset :
« Oh ! l’affreux su-icide !Oh ! si j’avais des ailes », mais :
« Mon enfant, un suicide ! Ah ! Songez à votre âme ».

On peut ajouter aux exemples de Maurice Grammont ces vers de Théophile Gautier :
« Et l’enfant hier encor chérubin chez les anges », mais :
« Je suis le spectre d’une rose
« Que tu portais hi-er au bal ».

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: le solstice et la science antique

 

Au solstice à midi homme de science illustre
Eratosthène expert en calculs tombant juste
Savait que l’ombre alors était réduite à rien
Du côté d’Assouan que les rayons de l’astre
En feu sans clair obscur et sans aucun contraste
Y tombaient verticaux dans le ciel égyptien

Comparant Assouan dans ses rouleaux registres
Avec Alexandrie cité rationaliste
Où il était chercheur du pourquoi du combien
Par la longueur de l’ombre en ces deux lieux terrestres
En arpenteur du globe et des grandeurs célestes
Il a pu mesurer l’immense méridien

 

Ératosthène (environ 273-192 avant J.-C.), savant universel, philosophe et poète grec du IIIe siècle avant notre ère, fondateur de la géographie mathématique, a fait ses études à Athènes et a été nommé à la tête de la bibliothèque d’Alexandrie à la demande de Ptolémée III, pharaon d’Égypte, descendant d’un général macédonien d’Alexandre le Grand. Eratosthène a succédé à ce poste au poète Callimaque (originaire comme lui de Cyrène, dans ce qui est aujourd’hui la région de Benghazi en Libye) et au poète Apollonios de Rhodes. Il a été précepteur de Ptolémée IV.
Il a calculé la circonférence de la Terre, et donné la valeur de 47°42′ à l’arc de méridien compris entre les deux tropiques ; vingt siècles après lui, l’Académie française des sciences a retrouvé à peu près la même mesure. Il reste de lui un fragment de poème didactique intitulé L’Hermès. Il se serait laissé mourir de faim parce que, devenu aveugle, il ne pouvait plus regarder les étoiles.
Jules César, dans sa Guerre des Gaules (livre sixième chapitre XXIV), mentionne expressément son nom, en précisant, à propos de la forêt hercynienne en Germanie: « je vois qu’ Eratosthène et certains auteurs grecs en avaient entendu parler » (nous savons aujourd’hui que « forêt hercynienne » signifie forêt de chênes en langue celtique).
Le géographe Strabon, qui vivait à l’époque d’Auguste au tout début de notre ère, indique dans le livre premier de sa Géographie que la circonférence terrestre mesurée par Eratosthène et admise par Hipparque était celle qui, en dépit des critiques, faisait autorité.

On attribue en général l’idée de la sphéricité terrestre à l’école pythagoricienne ou à Parménide dès le VIe siècle avant J.-C. La Terre a été considérée comme sphérique par Platon puis par Aristote (IVe siècle avant J.-C.).
La méthode utilisée par Ératosthène pour mesurer la circonférence de la Terre est décrite par Cléomède (au 1er siècle de notre ère) dans De motu circulari (Du mouvement circulaire). Ératosthène a comparé les ombres à Syène (ville située à peu près sur le tropique du Cancer, aujourd’hui Assouan) et à Alexandrie, à peu près sur le même méridien, le 21 juin (solstice d’été) au midi solaire local.
Ératosthène savait qu’au solstice il n’y avait aucune ombre dans un puits à Syène ; ainsi, en cet instant précis, le Soleil était à la verticale et sa lumière éclairait directement le fond du puits. Cependant que le même jour à la même heure, un obélisque situé à Alexandrie faisait une ombre, et que le Soleil n’y était donc pas à la verticale. En comparant la longueur de l’ombre et la hauteur de l’obélisque, il était facile d’en déduire l’angle entre les rayons solaires et la verticale, 1/50e de 360 degrés, soit 7,2 degrés.
Eratosthène a évalué par ailleurs la distance entre Syène et Alexandrie en faisant appel à un « bématiste » (arpenteur de pas) qui s’est basé sur le temps en journées de marche de chameau entre les deux villes : la distance obtenue était de 5 000 stades.
A partir de ces données, il a proposé une figure explicative simple, un cercle représentant le globe, où les rayons lumineux du Soleil sont parallèles en tout point ; où, géométriquement, les rayons verticaux sont ceux qui passent par le centre du cercle ; et où un angle au centre de 7,2 degrés (égal, d’après la géométrie des parallèles, à celui que font avec la verticale les rayons solaires du solstice à Alexandrie) intercepte un arc de 5000 stades, distance entre Syène et Alexandrie. La circonférence de la terre peut donc être évaluée à 250 000 stades si 1/50e de cette circonférence mesure 5 000 stades.
Mais quelle était exactement la longueur du stade utilisé par Eratosthène ? Si l’on admet que les Grecs comptaient 2 pieds et demi pour un pas, et 240 pas pour un stade, on a, pour un pas de 0 m 70, un stade de 168 m, soit 42 000 km pour la circonférence terrestre. En réduisant le pas à 0 m 67, on obtient 40 000 km, circonférence très proche des mesures actuelles.
(Voir sur internet Louis Gallois : « L’œuvre géographique d’Eratosthène », Annales de géographie, année 1922, volume 31, numéro 172).

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: Courbet et L’Origine du monde

Les musées sont remplis de nudités de toutes sortes, mais en général on trouve cela normal.

Le journal Le Monde rapporte qu’au musée d’Orsay, jeudi 29 mai, jour de l’Ascension, une « artiste plasticienne » vêtue d’une robe dorée censée rappeler le cadre du tableau de Gustave Courbet « a écarté les cuisses devant L’Origine du monde … », œuvre qui montre en gros plan le pubis touffu d’une femme dont on ne voit pas la tête.
La police arrive et évacue tout le monde.
La femme qui a causé ce petit scandale explique qu’elle est dans une démarche artistique où elle cherche à « prendre la position de l’objet du regard pour à (son) tour regarder ». Selon elle, ce jour-là, ce n’est pas le dévoilement de son anatomie qu’il fallait prendre pour œuvre mais la salle, les réactions du public, les gardiens, la scène dans son ensemble. « Mon œuvre – baptisée « Miroir de l’Origine » – ne reflète pas le sexe, mais l’œil du sexe, le trou noir. C’est pour rendre visible cet œil, explique-t-elle, que j’ai tenu mon sexe ouvert avec mes deux mains, pour révéler ce qui n’est pas visible sur le tableau d’origine. »  (Le Monde daté du 6 juin 2014)

La direction du musée « évoque un « geste gynécologique » plutôt « trash et violent » qui dévoilait « bien plus que ce que montre l’œuvre de Courbet ». La « plasticienne » a choisi le jeudi de l’Ascension pour son « happening », date à laquelle la fréquentation était deux fois plus élevée que d’habitude, avec 13 000 visiteurs en une journée. La direction a porté plainte, en même temps que des agents du personnel, pour « exhibitionnisme sexuel ». La plainte a été classée sans suite, après un passage au commissariat de police et un rappel à la loi (lefigaro.fr du 6 juin 2014)

 

Cette touffe de brune en relief sur un mont
De Vénus toison dense obscure on se demande
Quelle chair s’y replie attraction des amants
C’est l’œuvre de Courbet L’Origine du monde

Posant sous le tableau vivante anatomie
Tenant son sexe ouvert triangle des Bermudes
Une femme aimerait que les gens soient émus
Par son exhibition qui pourrait être humide

Se disant plasticienne elle montre sa vulve
Les jambes écartées pour mieux la mettre en vue
Gymnaste sans culotte osant cette figure

Ses lèvres d’entrecuisse et de forme bivalve
Sont celles de toute Eve elle n’est pas diva
Qui par on ne sait quoi changerait le regard

 

 

Dominique Thiébaut Lemaire

 

Le Quintette vocal Antoine Geoffroy Dechaume. Et le duo de la Libelle amoureuse sous la voûte de l’Espace Le Scribe L’Harmattan (mise à jour du 04/07/14)

Avec un répertoire du XVème siècle à nos jours, qui fait redécouvrir ou découvrir des canons, des mantras, des mélodies du monde, des chansons populaires et traditionnelles, poétiques, mythologiques, spirituelles et sacrées, Claude Palacios et Maria-Carla Cialone pratiquent joyeusement l’art de l’improvisation.

Leur précédent spectacle musical intitulé « Elle pleure des papillons », donné par l’ensemble vocal Antoine Geoffroy Dechaume, quintette a capella, le 15 juin 2013, a fait l’objet du compte rendu suivant par Maryvonne Lemaire dans Libres Feuillets (repris ici):
« C’est un quintette féminin. Maria-Carla Cialone, musicienne, mène discrètement le groupe des quatre autres chanteuses, Claude Palacios sa partenaire dans les duos de la Libelle Amoureuse, Michèle Cugnier, Françoise Delattre, Danielle Siramy.
« La tonalité d’ensemble est la gaieté, la légèreté, la recherche de l’harmonie. La facilité apparente est due au travail sur la respiration, le souffle et le silence. Dans tel chant révolutionnaire, la vivacité devient rebelle. Deux ou trois duos sont très applaudis: la voix de chacune y est mise en valeur, en particulier dans « La Reine de cœur » de Poulenc, sur un poème de Maurice Carême. Le répertoire de chants remontant jusqu’à la Renaissance nous plonge dans un univers de paroles et de chansons populaires ou savantes.
« Antoine Geoffroy Dechaume, « saint patron » du quintette, est un musicien qui a contribué au XX° siècle à la redécouverte des musiques anciennes du XV° au XVIII° siècle.
« Les plus humbles comme les plus grands chefs, selon Carla Cialone, chanteurs, instrumentistes, facteurs d’instruments, danseurs, chercheurs sont tous venus de par le monde suivre ses enseignements. Son accueil était d’une grande générosité et il témoignait autant d’attention aux plus simples novices qu’aux plus prestigieux professionnels ».
« Poésie et magie. Avec rien, avec le souffle, la voix de chacune, avec des  mots simples et anciens, de la gaieté et un grand souci d’accorder les tonalités et les registres de chacune. Le travail de création n’apparaît pas mais explique les performances obtenues.
« Un beau moment de plaisir partagé. »

Leur plus récent spectacle a eu lieu le vendredi 27 juin 2014 dans le cinquième arrondissement à l’Espace Le Scribe l’Harmattan, auquel il a apporté une diversification supplémentaire.
Les auditeurs ont pris plaisir à écouter dans la cave voûtée de ce lieu de rencontre au bord de la Seine les deux chanteuses qui ont interprété dans une allégresse  communicative plusieurs textes et airs de leur répertoire, en particulier : deux nocturnes de Mozart ; des airs sur deux poèmes de Clément Marot ; « La Reine de cœur » de Poulenc ; un canon d’Antoine Geoffroy Dechaume réduit à deux voix sur le thème : boucles et mèches revêches, réconciliées à la fin par une mise en plis ; une chanson du Mali ; des chansons « françaises » chantées avec la salle, comme « La Java bleue », mais aussi des airs tels que « Ma mère m’a donné un mari », et « Ah vous dirais-je maman » (attribué à Mozart). S’agissant de ces derniers morceaux, que l’on croit bien connaître, les auditeurs ont pu apprendre que les comptines, sous leur apparence enfantine, étaient aussi des jeux mondains à double sens pour les « grandes personnes ».

Une seule petite réserve, concernant l’aspect vestimentaire : les longues tuniques aux couleurs fleuries et les couronnes dans les cheveux donnent au duo une allure qui peut sembler un peu trop ingénue, et que les artistes gagneraient sans doute à remplacer par une tenue plus contemporaine.

Cette remarque mise à part, on notera les nombreuses qualités exprimées sans le soutien d’aucun instrument, la vivacité, l’originalité, la savante simplicité, la justesse, l’accord des voix qui peuvent intervertir entre elles le grave et l’aigu …

Ce spectacle de musique vocale mérite un large auditoire.

Dominique Thiébaut Lemaire et Maryvonne Lemaire

 

 

Adresses :

l’Espace Le Scribe l’Harmattan dans le cinquième arrondissement, 19, rue Frédéric Sauton – 75005 Paris, Métro Maubert Mutualité.
Téléphone : Osama Khalil 06 99 42 87 65. Email : fatiharmattan@hotmail.fr

Carla Cialone : 06 42 00 12 13
maria.carla.cialone@gmail.com http://www.lalibelleamoureuse.org/bienvenue
http://musique-et-danse-en-cercle.vivonslamusique.org/
Maria-Carla Cialone et Claude Palacios animent l’association « Vivons La Musique» qui s’adresse aux amateurs comme aux professionnels de tout âge qui désirent pratiquer dans leur quotidien la musique, art de vivre ensemble. Les activités en 2013-2014 sont sous la direction musicale de M.C. Cialone. Des ateliers musicaux sont organisés tout au long de l’année à Paris mais aussi des stages d’été.La 5ème édition du stage résidentiel d’été a lieu au château médiéval de Mézerville du 23 au 29 juillet 2014.

Billet: Maryvonne au temps de la Pentecôte

 

Après sept fois sept jours voici la Pentecôte
A la suite de Pâque et lui faisant écho
Journée en grec ancien numérotée cinquante
Un dimanche où l’Esprit nous éclaire éloquents

L’enfant née le lundi n’y trouvait pas son compte
Elle voulait qu’au ciel du haut de son balcon
Marie sainte patronne intercède et l’écoute
Pour qu’un souffle de feu l’illumine après coup

L’avenir l’a montré Marie son avocate
Avec messire Yvon s’est penché sur son cas
La candide plaideuse a gagné sa requête
Ayant reçu la flamme et des dons en bouquet

 

« Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. » (Actes des apôtres, 2:1-4)

Dominique Thiébaut Lemaire

 

 

Uña Ramos (1933-2014), musicien des Andes et du monde

Uña Ramos, né le 27 mai 1933 à Humahuaca en Argentine, localité située à 3000 m d’altitude près de la frontière avec la Bolivie, est mort dans un hôpital de la région parisienne le 23 mai  2014.

Indien des Andes aux cheveux longs, compositeur et instrumentiste renommé, il était un virtuose des instruments de musique de l’”altiplano”, en particulier la flûte droite, la quena, et la flûte de Pan, l’antara, mot de la langue quechua.

Voici ce que sa femme Elisabeth Rochlin (poète et auteur de nouvelles, traductrice d’Erasme) a écrit sur sa musique en 2002 dans la présentation de son disque intitulé “El Pajaro de los Andes”, le pivert des Andes (d’après une légende amérindienne, le pivert ou pic vert, qui creuse le bois avec son bec, serait l’inventeur de la flûte) :

La flûte “fut le premier cadeau à l’âge de quatre ans qu’il demanda à son père. Depuis, chaque flûte dont il joue est d’abord fabriquée de ses mains, inlassablement polie et travaillée jusqu’à paraître, faite de roseau ou de buis, plus douce au toucher que la soie, plus veloutée à l’oreille que l’imaginaire mélodie des sphères célestes, chaque trou étant percé selon cette recherche d’équilibre parfait des proportions musicales. Alors le chant, la complicité, s’élèvent entre Uña et son instrument selon un accord parfait puisque doigts et souffle jouent à travers ce qu’on pourrait nommer leur nombre d’or…

“Ce qui a fait de lui un enfant prodige, enseignant la musique au conservatoire en Amérique latine dès l’âge de onze ans, ce n’est pas seulement un don exceptionnel d’interprétation ; déjà autour de lui les professionnels sentaient bien qu’il existait en cet enfant quelque chose de différent, qu’il avait quelque chose à dire – et à apprendre aux autres – que nous pourrions nommer le pouvoir de changer le monde sous forme d’une musique à laquelle tout homme, de toute culture et de toute origine, peut s’identifier ; un morceau composé par Uña, comme toute œuvre classique, défie le temps et l’espace. De la France où il vit, Uña a emporté ses rythmes et ses notes dans le monde entier.

“ … Sur scène, à le voir ou à l’écouter, au plus intime de nous-mêmes, nous sentons que la respiration humaine, grâce à sa flûte, transgresse ses limites.”

Dans sa jeunesse, son père et lui partaient ensemble, emportant leur flûte et de quoi se nourrir. Selon Uña Ramos, son père lui disait : va jouer ta musique dans la montagne, et la montagne te répondra. A l’âge de sept ans, il a donné son premier concert. A onze ans, il a commencé à enseigner la musique andine au conservatoire de Santiago del Estero. Au début des années 1970, il a fait une tournée internationale avec Paul Simon (du duo Simon et Garfunkel) et le groupe “Los Incas” (devenu ensuite le groupe Urubamba), interprétant de grands succès tels que « El Condor Pasa », le condor passe.

Venu s’établir à Paris en 1972, il a connu une célébrité mondiale dans les années 1970, 1980 et 1990, en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Italie, au Japon…

Il a reçu en France le grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 1979 pour « Le Pont de bois ». En 1980, il a participé à la “Symphonie celtique”, présentée par Alan Stivell au Festival interceltique de Lorient, associant les cultures andine, berbère, indienne, tibétaine…

Uña Ramos, dont l’un des guitaristes a été François Fichu, a proposé en 1981 à Bruno Ulysse Pauvarel de l’accompagner à la guitare sur scène et sur disque, et d’écrire les arrangements de son album « La Vallée des coquelicots » qui est sorti début 1982 et qui a été réédité en Amérique du Sud en 1991 sous le titre “La Magia de la quena”. A la suite de cette rencontre, on peut mentionner : de 1982 à 1985 : des concerts en Europe et une tournée en Argentine ; en 1986 : l’enregistrement du CD « La Princesse de la mer »; de 1987 à 1992 : des concerts dans toute l’Europe.

Le très grand succès rencontré en Allemagne par le duo flûte et guitare dans les plus grandes salles de concert classique a abouti à l’enregistrement en 1994 d’un CD en direct au fameux Philharmonique de Berlin :  » Una flauta en la noche -Volume 1  » chez Arton Records. A la même époque, Uña Ramos s’est aussi produit dans les pays de l’Est. En 1995, « Una flauta en la noche – Volume 2  » a été enregistré à Berlin.

D’autres concerts ont suivi en France ainsi qu’une tournée au Japon, pays où il a vendu au cours de sa carrière des millions de disques. En 1996, c’est l’enregistrement d’un nouveau CD en France, « Le souffle du roseau », chez Harmonia Mundi, et des concerts en Europe. Et le Philharmonique de Berlin a accueilli de nouveau Uña Ramos par la suite. Un nouveau CD intitulé « Live in France 2004 » (enregistrements en direct en décembre 2002) est sorti fin 2004. Les derniers récitals du flûtiste ont eu lieu en Allemagne à la fin de la première décennie des années 2000, principalement à Berlin en janvier 2007.

Uña Ramos, unissant subtilement la musique traditionnelle des Andes et la musique européenne, a créé des œuvres qui touchent tous les auditeurs, quelles que soient leur culture et leur langue. On peut écouter sur internet un grand nombre d’entre elles.

Les flûtes des Andes, animées par sa musique et son souffle, captivent par leur son voilé qui contraste de manière prenante avec la pureté des mélodies et des rythmes.

A la fin de sa vie, il a été affecté par le déclin de l’engouement pour la “flûte indienne”, qui avait marqué les décennies précédentes. Mais il laisse un très beau témoignage de vitalité et de joie musicale non dépourvue de gravité.

Maryvonne et Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: fromages et villages

 

La France nous dit-on compte plus de fromages
Que de jours dans l’année de formes de formats
Et coloris divers que les habitants mangent
Orangés blancs ou bleus travaillés de ferments

Comment donc voulez-vous qu’un gouvernant dirige
Ce pays si varié si vieux qui se récrie
Contre le changement virant au sacrilège
Quand pour le camembert on fait bouillir le lait

S’y trouvent plus qu’ailleurs tant et tant de communes
Dont nous a gratifiés l’ère gallo-romaine
Sous leur calme apparent bien des siècles remuent

Dans ce nombre étonnant qui semble un patrimoine
La taille trop petite est ce qui prédomine
Mais on n’y touche pas de peur d’un grand émoi

Le président de la République et le gouvernement ont annoncé une réforme mettant l’accent sur la réduction du nombre des régions françaises qui passerait de 22 à 14 en métropole. Il est question de réduire le coût et la complexité de l’organisation territoriale.

Cette annonce laisse dubitatif. Mis à part quelques cas, le découpage des régions actuelles n’est pas irrationnel, du point de vue de l’histoire, de la culture et de l’économie. Et il est fort douteux que les regroupements régionaux prévus, portant sur un petit nombre d’entités, permettent par eux-mêmes d’atteindre les objectifs recherchés.

Les vrais problèmes sont ailleurs : dans la superposition des interventions – financières et autres – entre les régions, les départements, les ensembles supra-communaux (le « millefeuille » territorial), ainsi que dans l’émiettement extrême des communes, qui sont plus de 36 000, un record (dans les autres pays européens de populations approximativement comparables, elles sont  environ 12 000 en Allemagne, 8 000 en Italie, 10 000 au Royaume-Uni…)

Depuis les années 1970, les gouvernements français, dans l’idée de réduire ce nombre, ont suscité des structures intercommunales possédant de plus en plus de compétences, tout en laissant subsister les communes. Ils ont ainsi créé un niveau supplémentaire d’administration et de gestion, avec un coût total de fonctionnement plus élevé qu’auparavant.

Une autre caractéristique n’est pas sans rapport avec la question de la diversité territoriale : la production de fromages, qui a inspiré au général de Gaulle un mot célèbre : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromage ? » Ce dernier chiffre est d’ailleurs sous-évalué, car on estime que la France en produit au total entre 350 et 400 au début du XXIe siècle.

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Dominique Thiébaut Lemaire