Billet: le solstice d’été et la Saint-Jean

A la fin juin voici donc le solstice
Commencement de la saison d’été
Victor Hugo l’associe à justice
Parce qu’il est au summum de clarté

Après des mois c’est à lui qu’aboutissent
De longs progrès de luminosité
Quand il unit dans un bref armistice
Deux tiers de jour un tiers d’obscurité

Pour que le jour ait plus de persistance
Pour qu’il s’allonge et dure encore un peu
A la Saint-Jean sont allumés des feux

Leur flamme danse avec fougue et prestance
Telle Hérodiade elle est libre sans voiles
Mais n’atteint pas le niveau des étoiles

***

La date du solstice d’été a été le 21 juin en 2013 (le 20 juin en 2012). La saint Jean est le 24 juin.

Victor Hugo fait rimer solstice avec justice :

Pas plus que le soleil ne renonce au solstice,
Nous n’oublions l’honneur, le droit et la justice…
(Les Quatre vents de l’esprit)

Mallarmé a consacré au solstice la première strophe de son poème intitulé « Cantique de saint Jean » (Hérodiade III). La strophe, divisée en deux par les rimes, et se terminant par un vers de quatre syllabes après des vers de six, évoque de cette manière le contraste entre les deux phases – presque stationnaire puis descendante-  du soleil:

Le soleil que sa halte
Surnaturelle exalte
Aussitôt redescend
Incandescent

« Exalte » (venant du latin « altus », haut) s’explique par la position au plus haut du soleil au solstice d’été, et « halte » par le fait que, comme l’indique l’étymologie du mot solstice (du latin « sol », soleil, et « sistere », s’arrêter), l’angle mesurant la direction du soleil à son lever et à son coucher semble rester constant pendant quelques jours à cette période de l’année, avant de se rapprocher à nouveau de l’est au lever et de l’ouest au coucher.

D’autres strophes du même poème, en particulier la deuxième, évoquent Jean-le-Baptiste et sa décapitation à la demande de Salomé (fille d’Hérodias ou d’Hérodiade, souvent appelée elle-même Hérodiade) après qu’elle eut séduit le roi Hérode en dansant devant lui, obtenant ainsi la promesse qu’il lui donnerait ce qu’elle demanderait (voir les Evangiles de Marc et de Matthieu) :

Je sens comme aux vertèbres
S’éployer des ténèbres
Toutes dans un frisson
A l’unisson

Mallarmé a évoqué cette femme fatale dans d’autres poèmes sous le titre d’Hérodiade, ainsi que dans « Les Fleurs »:

L’hyacinthe, le myrte à l’adorable éclair
Et, pareille à la chair de la femme, la rose
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu’un sang farouche et radieux arrose !

Salomé a beaucoup inspiré les artistes. En ce qui concerne les écrivains français de la seconde moitié du XIXe siècle, on peut citer Hérodias, l’un des trois contes de Flaubert (1821-1880), et en poésie -outre Mallarmé (1842-1898)- Théodore de Banville (1823-1891) qui a écrit dans Les Princesses un sonnet intitulé « Hérodiade », et Albert Samain (1842-1898), auteur d’un poème intitulé « Hérode » dans Symphonie héroïque (voir le site internet poesie.webnet.fr : les grands poèmes classiques). Par la suite, Apollinaire a consacré à Salomé un poème d’ Alcools, en suggérant, sur le ton de l’humour et même de la dérision, que sa mère et elle étaient perversement amoureuses de saint Jean.

Dominique Thiébaut Lemaire

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