Billet : la reconnaissance et l’ingratitude

 

L’ingratitude est un grand vice
Briseur de liens lorsqu’il sévit
Lorsque l’ingrat pense d’avance
Que le bienfait n’est que du vent

Dire merci c’est survivance
Finie pour lui dorénavant
L’ingratitude est un grand vice
Briseur de liens lorsqu’il sévit

Quand tout s’achète et tout se vend
Remerciement c’est redevance
Payée trop cher à son avis
Sentiment brut et dissolvant
L’ingratitude est un grand vice

 

La reconnaissance est une espèce d’amour que nous avons pour celui qui nous a fait quelque bien, ou qui du moins en a eu l’intention. Elle ressemble à la « faveur », définie comme l’amour pour ceux qui font des choses que nous estimons bonnes en général. Mais, de plus, elle est fondée sur une action qui nous touche personnellement et qui nous incite à rendre la pareille. « C’est pourquoi elle a beaucoup plus de force, principalement dans les âmes tant soit peu nobles et généreuses. » (Descartes, Les Passions de l’âme, article 193). « La reconnaissance ou gratitude (gratia seu gratitudo) est le désir ou zèle d’amour par lequel nous nous efforçons de faire du bien à qui, pareillement affecté d’amour envers nous, nous a fait du bien. » (Spinoza, Ethique, troisième partie, définitions des affects, XXXIV). L’ingratitude, au contraire, est « un vice directement opposé à la reconnaissance, en tant que celle-ci est toujours vertueuse et l’un des principaux liens de la société humaine. C’est pourquoi ce vice n’appartient qu’aux hommes brutaux et sottement arrogants, qui pensent que toutes choses leur sont dues ; ou aux stupides, qui ne font aucune réflexion sur les bienfaits qu’ils reçoivent ; ou aux faibles et abjects, qui, sentant leur infirmité et leur besoin, recherchent bassement le secours des autres, et après qu’ils l’ont reçue, ils les haïssent » : en effet, n’ayant pas la volonté de rendre la pareille, ou désespérant de le pouvoir, et s’imaginant que tout le monde est mercenaire comme eux, ils s’imaginent (ou feignent de croire) qu’on ne fait aucun bien que dans un but intéressé, avec l’espoir d’en être récompensé (Descartes, Les Passions de l’âme, article 194).

 

Dominique Thiébaut Lemaire

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