Uña Ramos (1933-2014), musicien des Andes et du monde

Uña Ramos, né le 27 mai 1933 à Humahuaca en Argentine, localité située à 3000 m d’altitude près de la frontière avec la Bolivie, est mort dans un hôpital de la région parisienne le 23 mai  2014.

Indien des Andes aux cheveux longs, compositeur et instrumentiste renommé, il était un virtuose des instruments de musique de l’”altiplano”, en particulier la flûte droite, la quena, et la flûte de Pan, l’antara, mot de la langue quechua.

Voici ce que sa femme Elisabeth Rochlin (poète et auteur de nouvelles, traductrice d’Erasme) a écrit sur sa musique en 2002 dans la présentation de son disque intitulé “El Pajaro de los Andes”, le pivert des Andes (d’après une légende amérindienne, le pivert ou pic vert, qui creuse le bois avec son bec, serait l’inventeur de la flûte) :

La flûte “fut le premier cadeau à l’âge de quatre ans qu’il demanda à son père. Depuis, chaque flûte dont il joue est d’abord fabriquée de ses mains, inlassablement polie et travaillée jusqu’à paraître, faite de roseau ou de buis, plus douce au toucher que la soie, plus veloutée à l’oreille que l’imaginaire mélodie des sphères célestes, chaque trou étant percé selon cette recherche d’équilibre parfait des proportions musicales. Alors le chant, la complicité, s’élèvent entre Uña et son instrument selon un accord parfait puisque doigts et souffle jouent à travers ce qu’on pourrait nommer leur nombre d’or…

“Ce qui a fait de lui un enfant prodige, enseignant la musique au conservatoire en Amérique latine dès l’âge de onze ans, ce n’est pas seulement un don exceptionnel d’interprétation ; déjà autour de lui les professionnels sentaient bien qu’il existait en cet enfant quelque chose de différent, qu’il avait quelque chose à dire – et à apprendre aux autres – que nous pourrions nommer le pouvoir de changer le monde sous forme d’une musique à laquelle tout homme, de toute culture et de toute origine, peut s’identifier ; un morceau composé par Uña, comme toute œuvre classique, défie le temps et l’espace. De la France où il vit, Uña a emporté ses rythmes et ses notes dans le monde entier.

“ … Sur scène, à le voir ou à l’écouter, au plus intime de nous-mêmes, nous sentons que la respiration humaine, grâce à sa flûte, transgresse ses limites.”

Dans sa jeunesse, son père et lui partaient ensemble, emportant leur flûte et de quoi se nourrir. Selon Uña Ramos, son père lui disait : va jouer ta musique dans la montagne, et la montagne te répondra. A l’âge de sept ans, il a donné son premier concert. A onze ans, il a commencé à enseigner la musique andine au conservatoire de Santiago del Estero. Au début des années 1970, il a fait une tournée internationale avec Paul Simon (du duo Simon et Garfunkel) et le groupe “Los Incas” (devenu ensuite le groupe Urubamba), interprétant de grands succès tels que « El Condor Pasa », le condor passe.

Venu s’établir à Paris en 1972, il a connu une célébrité mondiale dans les années 1970, 1980 et 1990, en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Italie, au Japon…

Il a reçu en France le grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 1979 pour « Le Pont de bois ». En 1980, il a participé à la “Symphonie celtique”, présentée par Alan Stivell au Festival interceltique de Lorient, associant les cultures andine, berbère, indienne, tibétaine…

Uña Ramos, dont l’un des guitaristes a été François Fichu, a proposé en 1981 à Bruno Ulysse Pauvarel de l’accompagner à la guitare sur scène et sur disque, et d’écrire les arrangements de son album « La Vallée des coquelicots » qui est sorti début 1982 et qui a été réédité en Amérique du Sud en 1991 sous le titre “La Magia de la quena”. A la suite de cette rencontre, on peut mentionner : de 1982 à 1985 : des concerts en Europe et une tournée en Argentine ; en 1986 : l’enregistrement du CD « La Princesse de la mer »; de 1987 à 1992 : des concerts dans toute l’Europe.

Le très grand succès rencontré en Allemagne par le duo flûte et guitare dans les plus grandes salles de concert classique a abouti à l’enregistrement en 1994 d’un CD en direct au fameux Philharmonique de Berlin :  » Una flauta en la noche -Volume 1  » chez Arton Records. A la même époque, Uña Ramos s’est aussi produit dans les pays de l’Est. En 1995, « Una flauta en la noche – Volume 2  » a été enregistré à Berlin.

D’autres concerts ont suivi en France ainsi qu’une tournée au Japon, pays où il a vendu au cours de sa carrière des millions de disques. En 1996, c’est l’enregistrement d’un nouveau CD en France, « Le souffle du roseau », chez Harmonia Mundi, et des concerts en Europe. Et le Philharmonique de Berlin a accueilli de nouveau Uña Ramos par la suite. Un nouveau CD intitulé « Live in France 2004 » (enregistrements en direct en décembre 2002) est sorti fin 2004. Les derniers récitals du flûtiste ont eu lieu en Allemagne à la fin de la première décennie des années 2000, principalement à Berlin en janvier 2007.

Uña Ramos, unissant subtilement la musique traditionnelle des Andes et la musique européenne, a créé des œuvres qui touchent tous les auditeurs, quelles que soient leur culture et leur langue. On peut écouter sur internet un grand nombre d’entre elles.

Les flûtes des Andes, animées par sa musique et son souffle, captivent par leur son voilé qui contraste de manière prenante avec la pureté des mélodies et des rythmes.

A la fin de sa vie, il a été affecté par le déclin de l’engouement pour la “flûte indienne”, qui avait marqué les décennies précédentes. Mais il laisse un très beau témoignage de vitalité et de joie musicale non dépourvue de gravité.

Maryvonne et Dominique Thiébaut Lemaire

8 réflexions au sujet de « Uña Ramos (1933-2014), musicien des Andes et du monde »

  1. Par hasard (je ne suis pas très douée pour les recherches par internet), je suis tombée sur ce site. Il y a longtemps que je cherchais un moyen de contact. Hélàs, je viens de lire que Una nous a quitté en 2014. Mon mari, Jean-François CLAIR, aussi décédé mais en 2008, a eu le bonheur d’enregistrer Una plusieurs fois dans sa vie. Il était ingénieur du son chez Philips et Studio Accousti à Paris. Una et lui s’entendaient si bien! Mon mari avait reçu un petit mot avec ce texte : « Avec tous nos remerciements….en espérant travailler ensemble une autre fois. » Signé. Il avait marqué également son adresse à Piolenc en espérant que nous passerions vous voir. Ce petit mot, je l’ai gardé et choyé.
    Je vous écris ceci seulement afin de vous dire combien mon mari estimait Una et gardait de si merveilleux souvenirs de leur contact.
    Bien entendu, j’ignore si le nom de mon mari vous était ‘connu’ à l’époque ou vous en aviez entendu le son au passage. En tous les cas, je me souviens encore parfaitement de leur collaboration.
    Voilà, un peu en mémoire des deux! Avec tout mon respect.

  2. Mon Ami est mort;
    j’ai appris ce soir ….sur internet.
    Un ami du 14 éme !!!!
    Je suis triste !

  3. Oups !
    Dans mon précédent message, je me suis pris les pieds dans le tapis des négations de négations. En lieu et place de « ce grand fourre-tout pas si “non-neutre” qu’il veut bien se prétendre », il faudrait lire « ce grand fourre-tout BIEN PLUS “non-neutre” qu’il voudrait le laisser accroire ».
    Merci de rectifier sinon physiquement, du moins mentalement.
    L. A.

    • Bonjour,
      (Pour Elisabeth, je suis la fille cadette de Françoise de Quiberon)
      J’avais à l’origine créé la page sur Una sur Wikipedia en réalisant qu’elle n’existait pas en parcourant le web, mais elle était très succincte. Merci de l’avoir complétée!

      • Bonjour Nathalie !
        Merci d’y avoir pensé, je t’en suis reconnaissante.
        Plusieurs personnes avaient eu cette idée, et finalement le monsieur qui a fait le travail (de pro!) m’a contactée ici. J’avais bien sûr des quantités de documents et photos pour l’illustrer.
        Mes amitiés à ta mère, et j’espère que tes études de Lettres ont été une joie.
        Amicalement,
        Elisabeth

  4. Bonjour.

    C’est en cherchant des informations sur ce grand artiste qu’était Uña Ramos que j’ai découvert votre site.
    Sur internet comme ailleurs, il est consternant de voir le peu de cas qui est fait de cette personne magnifique.
    Il est ignoré par tous les « Universalis », « Britannica », « Larousse », « Hachette »… ainsi que par les défunts « Quid », « Encarta »…
    Alors qu’il vivait à Paris, sur le web en français c’est presque comme s’il n’avait pas existé. La seule discographie un peu aboutie que j’aie pu voir se trouve sur un site russe (http://incamusic.narod.ru).
    Sur la fameuse « encyclopédie » en ligne que tout un chacun consulte, son absence est affligeante. On n’a que quelques rudiments d’informations sur le (la ?) Wikipédia dans ses versions en espagnol et en anglais.

    Aussi, bien que n’y ayant jamais laissé d’article, je me suis inscrit sur Wikipédia français avec l’intention d’y faire enfin figurer Uña Ramos et quelques autres.
    Face au peu de documents le concernant et auxquels je puisse avoir accès (je ne suis ni universitaire ni chercheur, même pas bilingue), je vous demande s’il vous serait possible de m’autoriser à utiliser (en indiquant mes références et le lien vers votre site) votre excellent article, ou de m’indiquer vos sources afin que je puisse éventuellement m’y abreuver.

    Quoi qu’on pense de Wikipédia (et quoi que je puisse penser moi-même de ce grand fourre-tout pas si « non-neutre » qu’il veut bien se prétendre, je ne suis pas dupe), force est de constater que bon nombre de nos concitoyens vont a priori chercher à cet endroit les informations qui leur font défaut et parfois y découvrent un sujet qu’ils ignoraient. Si par raccroc certains d’entre eux se trouvaient orientés vers votre site, qu’ils ne pourraient manquer d’apprécier, ce ne serait déjà pas si mal.

    Merci d’avoir pris le temps de me lire.
    Cordialement,
    L. A.
    (Vous avez mon adresse électronique.)

    • N’ayant pas trop le cœur à le rédiger personnellement, je peux vous aider à créer l’article Uña Ramos en français. (Les articles en espagnol et anglais sont en partie basés, d’ailleurs, sur des commentaires que j’avais rédigés en français et en allemand…)
      Cordialement, Elisabeth Rochlin

  5. Ben, peu de témoignages sur Una Ramos sur la toile….Récemment, je suis allé à un concert de flutes…Roumaine (!) dites de Pan, et l’artiste a évoqué Una pendant sa prestation, très heureux de cette mention, je suis allé le remercier après, et lui-même ami de Una, a été très touche par ma démarche ainsi que par les souvenirs qu’au travers de sa Kena, Mr Una Ramos m’a laissé….Il n’est plus mais ne nous lassons pas de regarder le ciel…nous y apercevrons le condor passer.