Le peintre François Hillenweck (1673-1748). Par Dominique Thiébaut Lemaire

Le peintre François Hillenweck, né et mort à Thann en Alsace, est issu de l’une des plus anciennes familles de cette ville où elle a été présente au moins depuis le XVe siècle, et – par l’une de ses branches – jusqu’à la fin du XXe siècle.
Il a exercé – comme plusieurs membres de sa famille – des fonctions officielles à Thann, en tant que « bangard » (garde du ban des vignes) puis « sénateur » (membre du conseil dirigeant de la cité).

Les sources du présent article sont principalement un article de Libres Feuillets daté du 10 novembre 2012, intitulé Une famille alsacienne dans les guerres des XIXe et XXe siècles ; le ministère de la culture (www.culture.gouv.fr, base Palissy, François Hillenweck) ; et trois articles de Wikipédia intitulés François Hillenweck, Famille Hillenweck et Kientzheim.

Ces œuvres sont un témoignage de la peinture en Alsace dans la première moitié du XVIIIe siècle, époque pour laquelle on a répertorié peu de peintres alsaciens. Elles sont d’inspiration religieuse, marquée par le catholicisme qui, face au protestantisme, prônait le culte de la Vierge et des saints, et fournissait ainsi aux artistes une matière abondante. Il s’agit parfois d’une peinture d’actualité, dans la mesure où certains tableaux de François Hillenweck ont été exécutés au moment où les saints qu’ils représentent ont été béatifiés ou canonisés (par exemple Pie V, Jean Népomucène, Jeanne de Valois). Souvent en médiocre état malgré les restaurations, ces tableaux sur toile se trouvent à Thann, à Guebwiller, et dans les environs de Colmar à Widensolen et à Kientzheim. En ce qui concerne les deux premiers lieux, ce sont des commandes passées par les ordres religieux (Franciscains de Thann, Dominicains de Guebwiller) à l’occasion de la rénovation de leurs églises. Il existait aussi à Kaysersberg près de Kientzheim un couvent de Franciscains, dont les anciens bâtiments ont été transformés en hôpital au XIXe siècle. A Colmar, les anciens bâtiments des Dominicains sont aujourd’hui ceux du musée Unterlinden.

Les tableaux de François Hillenweck à Kientzheim

A Kientzheim (commune englobée à partir du 1er janvier 2016 dans la commune nouvelle de Kaysersberg-Vignoble) se trouvent plusieurs tableaux de ce peintre, dans l’église paroissiale Notre-Dame-des-Douleurs ou Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, qui date de 1722 (mais le chœur est du XVe siècle). Dans cette église, un grand tableau d’autel de 4,60 cm de haut et de 3,20 cm de large, restauré en 1955 par Louis Liechtenauer, représente une descente de croix imitée d’une œuvre de Charles Le Brun qui se trouve au musée des beaux-arts de Rennes. Il provient de l’ancien maître-autel offert, dans les années 1720, par le baron Alexandre Henri de Redwitz et son épouse Wilhelmine Sidonie de Leyen, et par la soeur de celle-ci, Françoise Thérèse de Leyen. François Hillenweck a signé sous les armoiries des donateurs. De plus, on lui attribue un tableau ni daté ni signé (haut de 2,10 m et large de 1,40 m) d’un autel secondaire offert en 1728 par le chirurgien Joseph Ignace Dietrich et son épouse Marie Thérèse née Fronhoffer. Le tableau représentant le martyre de saint Sébastien s’inspire d’une composition de Hans von Aachen. Il a été restauré par le peintre strasbourgeois Claude Bernhart.
Dans la nef de la même église, un ensemble de huit tableaux peints par François Hillenweck évoque des scènes de la vie du Christ, de la Vierge et des saints. Ces huit tableaux représentent la décollation de Jean-Baptiste ; saint Jacques le Majeur (qui était le saint patron des Franciscains de Thann) ; l’adoration des mages ; sainte Elisabeth de Hongrie, franciscaine ; sainte Jeanne de Valois (Jeanne de France), fondatrice de l’Ordre de l’Annonciation d’inspiration franciscaine, béatifiée en 1742 ; le Couronnement de la Vierge ; l’ascension du Christ ; saint Jean Népomucène (béatifié en 1721, canonisé en 1729). Dans cet ensemble, certains tableaux portent la signature du peintre ou ses initiales et un millésime. Celui qui représente l’Adoration des Mages (où l’on peut lire : « Hillenweck pinxit ») est daté de 1738 ; la Décollation de saint Jean Baptiste (où l’on peut lire : « F. H. inv et pinx. »), datée de 1726, porte l’écu du donateur, le secrétaire municipal Antoine Schaffner ; le Couronnement de la Vierge porte la date de 1730 et le nom d’Eva Scherer ; sur le tableau représentant saint Jean Népomucène sont peintes les armoiries du baron Alexandre Henri de Redwitz et de son épouse Wilhelmine Sidonie de Leyen. Cette dernière était dame de l’Ordre de l’Etoile de l’Impératrice Reine de Hongrie, ce qui peut contribuer à expliquer que François Hillenweck ait représenté Elisabeth de Hongrie – en plus du fait que celle-ci est une sainte franciscaine. Veuve depuis 1745, la donatrice est morte le 13 octobre 1770 en son château de Kientzheim, âgée de plus de 100 ans, laissant pour héritière sa soeur célibataire, de deux ans moins âgée qu’elle (sources : les livres numériques google suivants : Journal politique, année 1771, janvier première quinzaine ; la Gazette de France du 24 décembre 1770 p. 417 ; le Mercure de France, 1771, tome I, p.228). Le tableau du Couronnement de la Vierge a été restauré en 1991 par les ateliers Strada à Vincennes, les autres ont été restaurés entre 1996 et 1998 par Claude Bernhart qui a supprimé et remplacé les anciens repeints, refixé la matière picturale et procédé au réentoilage.
Cinq des huit tableaux dont il vient d’être question sont reproduits ci-dessous.
Il est à noter que François Joseph Hillenweck (Thann 1731-Kientzheim 1817), petit-fils de Jean Hillenweck frère du peintre, a été curé de Kientzheim de 1763 à 1791 et de 1802 à 1812. Il y a sa sépulture, dans la chapelle Saint-Félix Sainte Régule. Son tombeau est répertorié dans la base Palissy du ministère de la culture (inventaire général du patrimoine culturel : tombeau du curé François Joseph Hillenweck).

L’art de François Hillenweck

L’art de ce peintre relève d’une esthétique baroque tardive très influencée par le classicisme français. L’ensemble de huit tableaux dans l’église de Kientzheim en donne de bons exemples.
Dans l’Ascension du Christ, les mouvements des bras et des mains expriment l’amour et le regret de la séparation éprouvés par l’assistance qui se presse dans la moitié inférieure du tableau, tandis que le Christ s’élève dans le ciel. Dans l’Adoration des mages, l’Enfant-Jésus pose la main sur la tête chauve de l’un des trois rois. On peut noter par ailleurs l’expressivité des visages féminins idéalisés, rendue notamment par la forme des lèvres, ainsi que par les yeux et les paupières tantôt levés, tantôt baissés dans le recueillement ou la joie contenue, mauvaise dans le cas de Salomé.
En ce qui concerne les couleurs dans les différents tableaux, le peintre les associe de manière caractéristique à chaque personnage : tunique bleue et manteau rouge pour le Christ et pour saint Jacques ; robe rouge et manteau bleu pour sainte Elisabeth ; robe bleu clair et manteau jaune pour sainte Jeanne de Valois ; robe bleu clair et manteau d’un bleu plus soutenu pour la Vierge… La Décollation de saint Jean-Baptiste (comme la Décollation de saint Jacques à Thann) représente le bourreau en rouge et le supplicié en vêtement jaune. Sauf dans ce dernier cas (Jean-Baptiste étant souvent représenté en rouge), les couleurs de François Hillenweck correspondent à celles qui sont habituellement utilisées, telles que le bleu pour la Vierge Marie.

L’Adoration des rois mages

La Décollation de saint Jean-Baptiste

L’Ascension du Christ

Saint Jacques le Majeur

Sainte Elisabeth de Hongrie

Les photographies des tableaux sont de Ralph Hammann.

 

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