Billet : André Breton au hasard de la vie

Quand j’ai passé l’agrégation de lettres classiques en 1971, André Breton figurait au programme de ce concours. Aujourd’hui, cinquante ans après, je me souviens surtout de Nadja qui s’achève par cette phrase où le mot « convulsive » est écrit en majuscules par l’auteur : « La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas ». On m’a fait remarquer récemment que, lorsque Nadja a été enfermée comme folle à « l’asile de Vaucluse » (c’est ainsi que Breton appelle cette institution), le poète ne lui aurait jamais rendu visite. Elle serait morte dans cette institution pendant la guerre de 1939-1945, ce qui m’a rappelé le triste destin de Camille Claudel enfermée par sa famille et morte elle aussi quasiment de faim à l’asile (en 1943). Dans L’Amour fou (1937) qui conclut le cycle de trois œuvres commencé avec Nadja (1928) et continué avec Les Vases Communicants (1932), Breton exprime un souhait adressé à sa fille Aube née à la fin de 1935 de son union avec Jacqueline, la femme aimée de L’Amour fou (« Je vous souhaite d’être follement aimée. ») A la fin de sa vie, le 27 septembre 1966, souffrant d’une insuffisance respiratoire, André Breton est rapatrié de Saint-Cirq-Lapopie, le village du Lot dans lequel il avait acheté en 1951 l’ancienne auberge des mariniers ayant appartenu au peintre postimpressionniste Henri Martin. Il meurt le lendemain à l’hôpital Lariboisière à Paris. Dans les années 2010, lors d’un voyage en voiture dans la région de Toulouse, nous avons visité, Maryvonne et moi, une partie de la région du Lot sans faire attention au fait que Saint-Cirq-Lapopie y était un haut-lieu d’André Breton. Puis, avant l’élection présidentielle, et de nouveau en 2021, je me suis rendu compte que le président Macron manifestait un intérêt particulier pour ce lieu devenu plus touristique que poétique, désigné comme l’un des « villages préférés des Français ». La maison d’André Breton à Saint-Cirq-Lapopie a été transmise à sa fille Aube qui l’a revendue à un couple d’artistes. Après des tergiversations, la commune s’en est portée acquéreuse.

Lorsque j’ai préparé l’agrégation de lettres
J’ai trouvé qu’il fallait pour bien concourir être
-Pas seulement paraître – en face du jury
Sincère avec des mots médités et mûris
Mais bien qu’ayant passé sans encombre l’épreuve
Où le surréalisme était une idée neuve
– Le programme incluait L’Amour fou de Breton –
Ce livre m’a semblé ne pas être d’un ton
Qui pouvait s’accorder à la beauté du titre
Son auteur paraissait trop docte à son pupitre
Ecrivant un essai qui à la poésie
Mêlait l’exaltation dont il était saisi
Quand il se rappelait avoir vu Tenerife
Avec la femme aimée tout était « convulsif »

J’ai découvert plus tard comme un haut nid-de-pie
Les ruelles perchées de Saint-Cirq-Lapopie
Breton en avait fait son rêve le meilleur
– J’ai cessé disait-il de me chercher ailleurs –
Dans un panorama de sauvage beauté
Au pied de ce village où venaient caboter
Jadis au long du Lot suivant leurs attelages
Lentement sûrement les bateaux de halage
Des artisans nombreux travaillaient en ce lieu
En plus des bateliers maints tourneurs ingénieux
Y façonnaient le bois et par la voie des eaux
Expédiaient leurs produits jusqu’au port de Bordeaux

En mil neuf cent cinquante une très vieille auberge
De mariniers devient son bien non loin des berges
Le barde y vient souvent puis le charme se rompt
Le cirque de la vie cesse de tourner rond
Mais la magie d’antan devenue touristique
Alimente toujours la renommée rustique
Du village à présent préféré de Macron
Après avoir été le fief d’André Breton

 

Dominique Thiébaut Lemaire

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