Chômage et inactivité des jeunes et des seniors en Europe. Par Dominique Thiébaut Lemaire

 

Les chiffres du chômage sont parmi les plus trompeurs, et c’est particulièrement vrai de ceux qui concernent le chômage des jeunes et des seniors, catégories à propos desquelles on omet trop souvent de prendre en compte l’importance de l’« inactivité », d’où des raisonnements faussés pourtant répétés à longueur de temps. «Inactifs» est le terme consacré, malgré sa connotation négative injustifiée : il prend son sens par opposition au terme « actifs », qui désigne à la fois les personnes ayant un emploi et les chômeurs.

 Pour suivre les développements du présent article, il convient de garder à l’esprit les définitions de quatre indicateurs, qui sont, pour une population donnée – par exemple celle d’une classe d’âge:
–         Le taux d’activité : rapport entre le nombre d’actifs (actifs occupés plus les chômeurs) et la population totale; c’est la somme du taux d’emploi et de la part de chômage ;
–         Le taux d’emploi : rapport entre le nombre d’actifs occupés et la population totale ;
–         La part de chômage (ou part des chômeurs) : rapport entre le nombre de chômeurs et la population totale, égal à la multiplication du taux d’activité par le taux de chômage;
–         Le taux de chômage : rapport entre le nombre de chômeurs et le nombre d’actifs.

Quelques observations de l’INSEE sur la définition du chômage sont reproduites en annexe.

 Les taux de chômage des jeunes: des chiffres trompeurs, à corriger en fonction des taux d’activité

 Deux chiffres permettent de donner d’emblée le sens des développements qui suivent: le taux de 21,7 % qui est censé être celui des sans-emploi chez les 15-24 ans en France au début de 2012 (et qui était de 23,5 % au début de 2011) est en réalité de l’ordre de 9 % (pourcentage correspondant à la part de chômage, définie ci-dessus).

Un taux de chômage de 21,7 % chez les jeunes de 15 à 24 ans ne signifie pas que 21,7 % d’entre eux sont au chômage, mais seulement que 21,7 % des « actifs » de cette tranche d’âge (ceux qui ont quitté le système d’enseignement) sont chômeurs. 

Dans son dictionnaire en ligne, l’INSEE attire l’attention sur le fait que la part de chômage ou part des chômeurs permet de « nuancer le très fort taux de chômage parmi les jeunes de moins de 25 ans. Comme beaucoup de jeunes sont scolarisés et que relativement peu ont un emploi, leur taux de chômage est très élevé alors que la proportion de chômeurs dans la classe d’âge est beaucoup plus faible ».
C’est une observation de méthode – et même de déontologie – que font aussi depuis longtemps certains économistes, par exemple Eric Heyer et Mathieu Plane de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques).
L’erreur en question n’en est pas moins obstinément répétée: voir les remarques des 14 et 19 avril 2012 intitulées: « Dis, Les Echos, c’est quoi un taux de chômage? », sur le site internet: blogs.univ-poitiers.fr d’Olivier Bouba-Olga, maître de conférences à la faculté de sciences économiques de Poitiers au sujet d’un article du 13 avril 2012 publié par ce journal économique.

 Taux de chômage

 On vient de voir que le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la population active (actifs occupés plus les chômeurs). Les taux de chômage des moins de 25 ans ont été les suivants en février 2012 (source : Eurostat, communiqué de presse 52/2012 du 2 avril 2012); le second pourcentage indiqué ci-dessous étant le taux de chômage pour l’ensemble de la population active :
–         Zone euro, 17 pays: 21,6 % (10,8 %) ;
–         Union européenne, 27 pays: 22,4 % (10,4 %) ;
–         France : 21,7 % (10,0 %).
En ce qui concerne les taux de chômage des 25-29-ans, les chiffres sont les suivants, d’après « Emploi et chômage des 15-29 ans en 2010 » de DARES Analyses (voir la référence 1 à la fin du présent article) :
–         Union européenne, 15 pays: 12,6 % ;
–         Union européenne, 27 pays: 12,5 % ;
–         France : 12,1 %.
Bien que la France se situe dans la moyenne de l’Union européenne, son taux de chômage des jeunes ne fait pas très bonne figure par rapport à ceux de l’Europe du nord, pour des raisons exposées dans la suite du présent article. Les taux de chômage des jeunes dans quelques pays de l’Union sont donnés en note 1.

Mais le taux de chômage des jeunes doit être corrigé notamment en fonction du nombre des actifs dans cette population. En France, comme on va le voir plus en détail, les actifs par rapport auxquels est calculé le taux de chômage sont relativement peu nombreux: leur pourcentage par rapport au total des 15-24 ans était de 40,6 % au quatrième trimestre 2011.

Taux d’activité

 Le taux d’activité est le rapport entre le nombre d’actifs (actifs occupés plus les chômeurs) et l’ensemble de la population considérée. La population active se définit comme l’ensemble des personnes en âge de travailler qui sont disponibles sur le marché du travail, qu’elles aient un emploi ou qu’elles soient au chômage, à l’exclusion de celles qui ne cherchent pas d’emploi, comme les personnes au foyer, les rentiers…

 S’agissant de l’ensemble des jeunes de 15 à 29 ans en France en 2010 (voir les références 1 et 2), 55,7 % sont actifs, un chiffre qui a peu varié de 1995 à 2010: 46,1 % d’entre eux sont en emploi et 9,6 % sont au chômage (46,1 + 9,6 = 55,7%) ; 37,3 % poursuivent des études sans travailler, les autres (7 %) sont inactifs tout en ayant terminé leurs études initiales.
De 1995 à 2010, le taux d’activité des 15-29 ans en France a peu varié, après avoir beaucoup diminué. L’allongement rapide de la durée de la scolarité entre 1985 et 1995 s’y est accompagné d’une forte chute du taux d’activité des jeunes, d’autant que l’exercice d’un emploi pendant les études y est moins fréquent que dans d’autres pays. Plus des trois-quarts des bacheliers français (représentant eux-mêmes 65 % d’une classe d’âge) poursuivent leurs études. Plus de 40 % d’une génération obtient désormais un diplôme de l’enseignement supérieur.
Les jeunes de moins de 25 ans présents sur le marché français du travail sont souvent des personnes moins diplômées qui ont des difficultés à s’insérer professionnellement.

Les taux d’activité varient fortement selon les pays. Tels qu’ils sont mesurés par les statistiques, ils dépendent de plusieurs facteurs, en particulier la durée des études, la possibilité d’exercer concomitamment un emploi, l’importance de l’économie parallèle ou non monétaire …
En 2010 (source : DARES, référence 1), alors que le taux moyen d’activité des 15-24 ans dans l’Union européenne à 27 a été de 43,1 %, le taux français s’est élevé à 39,7 % (Voir en note 2 les taux d’activité pour d’autres pays).
En ce qui concerne les taux d’activité des 25-29 ans pour la même année (source : DARES, référence 1), le taux moyen dans l’Union européenne à 27 a été de 82,5 %, et le taux français s’est élevé à 87,6 %. Seuls deux pays ont, dans cette tranche d’âge, un taux d’activité supérieur au taux français : 88,8 % au Pays-Bas, 87,7 % en Belgique (voir en note 3 les taux d’activité pour d’autres pays).
Le contraste est donc frappant entre les 15-24 ans et les 25-29 ans en France: alors que les premiers ont un taux d’activité inférieur à la moyenne européenne, la situation est inverse pour les seconds.

La part de chômage chez les jeunes : un indicateur plus pertinent que le taux de chômage

Le taux d’emploi et la part de chômage sont plus significatifs que le taux de chômage.
Le taux d’emploi d’une classe d’individus est calculé en rapportant le nombre d’individus de la classe ayant un emploi (actifs occupés c’est-à-dire non chômeurs) au nombre total d’individus de cette classe. Il mesure mieux que le taux de chômage la situation du marché du travail d’un pays. En effet, le taux de chômage, même défini selon la norme internationale du BIT, peut être modifié par différentes manipulations (chômeurs catégorisés à tort comme handicapés, incitation au renoncement pour les demandeurs d’emploi en fin de droits…) et peut dépendre des particularismes nationaux ou locaux (faible participation des femmes…). La part des chômeurs découragés, qui ne sont plus décomptés comme chômeurs, très variable selon les pays, fausse également les chiffres.
Cela dit, pour mesurer le chômage des jeunes, le meilleur indicateur est la part des chômeurs (encore appelée « part de chômage »), proportion de chômeurs dans l’ensemble de la population considérée. Cet indicateur est plus faible que le taux de chômage qui mesure la proportion de chômeurs dans la seule population active (actifs occupés plus les chômeurs).
Rappelons ici les formules: part de chômage = taux d’activité x taux de chômage; et: part de chômage = taux d’activité moins taux d’emploi.

 Les 15-24 ans

Dans son analyse de mai 2011 intitulée « Emploi et chômage des 15-29 ans en 2010 » page 10 (référence 1 à la fin du présent article), la direction de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail et de l’emploi note que, si l’on rapporte le nombre de jeunes à la recherche d’un emploi à l’ensemble de leur classe d’âge (y compris les « inactifs » en cours d’études), la part des jeunes de 15 à 24 ans au chômage en 2010 a été de 9,0 % dans l’Union européenne à 27 ; et de 8,9 % en France.
–         Font mieux que la France : l’Allemagne à 5,1% ; l’Autriche à 5,2 % ; les Pays-Bas à 6,0 % ;la Belgique à 7,3 % ; l’Italie à 7,9 %; le Portugal à 8,2 % ;
–         Font moins bien que la France : le Danemark (9,3 %); la Grèce (10,0 %); la Finlande (10,6 %); Le Royaume-Uni (11,6 %); l’Irlande (11,6 %); la Suède (11,6 %); l’Espagne (17,8%).
Dans un article intitulé : « En Europe, le chômage des jeunes explose » paru dans le journal Le Monde daté du 14 avril 2012, Claire Gatinois écrit à juste titre:
« Les chiffres sont à manier avec précaution et les comparaisons sont délicates, prévient Mathieu Plane de l’OFCE. Le taux de chômage des 15-24 ans peut être gonflé par la faible proportion de cette classe d’âge sur le marché du travail…
« C’est le cas en France où l’on a tendance à rester sur les bancs de l’université. En 2010, par exemple, le chômage des jeunes pouvait paraître plus élevé chez nous (22,4 %) qu’au Royaume-Uni (19,6 %). En calculant le nombre de jeunes chômeurs par rapport à l’ensemble des 15-24 ans, l’image est différente : le taux s’élève à 8,6 %, contre 11,6 % outre-Manche. »
Les chiffres de la DARES mentionnés plus haut montrent que la France se trouve aussi dans une position plus favorable que les pays nordiques.

Les 25-29 ans

D’après la même source (référence 1), la part des chômeurs calculée de la même manière dans la tranche d’âge des 25-29 ans en 2010 a été de 10,3 % dans l’Union européenne à 27 et de 10,6 % en France (pour un détail par pays, voir la note 4).
Cependant, si l’on considère les taux d’emploi des 25-29 ans (voir plus haut leurs taux d’activité), il apparaît que le taux d’emploi français (77 %) est supérieur de plus de 5 points à la moyenne de l’Union européenne à 27 pays (72,2%), et n’est inférieur qu’aux taux d’emploi de l’Autriche (80,5 %), de la Belgique (77,5%), des Pays-Bas (84,9 %), et du Royaume-Uni (77,4 %).

Chômage et inactivité chez les « seniors »

Beaucoup d’employeurs, notamment en France, ont réalisé des « ajustements » par la mise à l’écart des travailleurs vieillissants, orientation majeure des politiques d’emploi dans les années 90 (préretraites).

Les 50-64 ans

D’après l’INSEE (site internet : thème : emploi-population active), les données de 2010 sont les suivantes en ce qui concerne les 50-64 ans en France:
–     Nombre de chômeurs : 444 000 ; taux de chômage : 6,4 % ;
–     Population en emploi : 6 494 000 ; taux d’emploi : 53,9 %;
–     Population en activité (actifs occupés et chômeurs): 6 937 000 ; taux d’activité : 57,5% ;
–     Taux d’emploi (53,9 %) + part de chômage (3,6 %) = taux d’activité (57, 5 %).

Pour l’ensemble de l’Union européenne à 27 (voir la publication d’Eurostat en anglais, intitulée « Active ageing and solidarity between generations», 2012), le taux d’activité des 50-64 ans en 2010 a été de 60,9 %. Pour quelques pays de l’Union européenne autres que la France, les chiffres correspondants sont les suivants : Allemagne : 71,4% ; Espagne : 60,9% ; Italie : 50,4% ; Pays-Bas : 65,7% ; Royaume-Uni : 68,0% ; Suède : 79,5%.

Dans l’article du journal Le Monde cité ci-dessus, on lit que : « les moins de 25 ans trouvent un travail plus vite que les seniors. En France, cette tranche d’âge reste en moyenne 143 jours au chômage, contre 263 jours pour les 25-49 ans et 407 jours pour les plus de 50 ans» (voir aussi la note 5 sur le chômage de longue durée en Europe).

Les 55-59 ans

Un communiqué d’Eurostat n° 8/2012 du 13 janvier 2012 (voir la référence 4) présente des chiffres de 2010 sur le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 59 ans, et de 60 à 64 ans. Les chiffres de ce communiqué montrent qu’en 2010 le taux d’emploi des 55-59 ans en France a été de 60,6 %, à comparer à la moyenne de l’Union européenne à 27 (60,9 %). Le record est détenu par la Suède : 80,7 %. Pour la même année, les pourcentages calculés pour les pays les plus peuplés de l’Union européenne, autres que la France, ont été les suivants : Allemagne : 71,5 % ; Espagne : 54,4 % ; Italie : 52,7 % ; Royaume-Uni : 70,8 %.

On note toujours que la France a tendance à laisser en sous-activité cette tranche d’âge des 55-59 ans par rapport aux taux constatés pour cette même tranche d’âge dans des pays tels que la Suède, l’Allemagne, le Royaume-Uni, tout en affichant la volonté d’augmenter l’activité des 60-64 ans pour maîtriser les dépenses de retraite.

Les 60-64 ans

D’après le communiqué d’Eurostat n° 8/2012, le taux d’emploi des 60-64 ans dans l’Union européenne à 27 est passé de 23 % à 30,5 % entre 2000 et 2010. La France, quant à elle, est passée de 10,2 % à 17,9 %. Ce chiffre de 17,9 % est le plus bas de tous les Etats de l’Union européenne hormis la Hongrie (13,0 %), Malte (14,2 %), et la Slovaquie (17,2 %).Le taux le plus élevé est celui de la Suède: 61 %.
Pour les pays les plus peuplés de l’Union européenne, autres que la France, les taux d’emploi ont été les suivants en 2010: Allemagne: 41,0 % ; Espagne : 32,0 % ; Italie: 20,5 % ; Royaume-Uni : 44,0 %.

Illusions et erreurs de perspective concernant l’âge et le travail

Le découpage par catégories d’âge renforce l’illusion dangereuse d’une coupure entre jeunes et seniors dans la société, alors que leurs destins sont liés au sein des familles et des groupes sociaux, et devraient l’être aussi au sein des entreprises (sans même évoquer une évidence, souvent perdue de vue malgré sa simplicité de bon sens : les vieux ont été jeunes et les jeunes deviendront vieux).

En ce qui concerne l’emploi et le chômage, la politique, dans plusieurs pays, a joué et continue à jouer un rôle souvent négatif: manipulation des chiffres au niveau national, présentation faussement flatteuse des statistiques au niveau international, mise en opposition des tranches d’âge les unes contre les autres…
En France, l’idée de mettre rapidement les seniors à la retraite pour faire de la place aux jeunes, y compris dans le secteur public, a été malencontreuse, on s’en rend mieux compte aujourd’hui. De même, l’étiquetage des jeunes à gauche et des seniors à droite, sur lequel se fondent certains calculs électoraux, conduit à une instrumentalisation néfaste des âges de la vie en niant la solidarité des générations.

Si l’on entre davantage dans le détail des statistiques, on constate que les chiffres les plus significatifs sont souvent moins diffusés et plus difficiles à trouver que les autres.
Alors que les taux de chômage sont facilement disponibles, on a vu qu’ils sont beaucoup moins révélateurs qu’un indicateur dont on parle beaucoup moins et qui nécessite des recherches, celui des parts de chômage (calculés sur l’ensemble des 15-24 ans et non sur les seuls actifs).
A l’opposé de l’échelle des âges, il n’est pas aisé d’obtenir les taux d’activité des seniors, notamment pour les tranches d’âge les plus concernées par la manipulation courante qui consiste à dissimuler la situation réelle de cette population en transformant son chômage en inactivité.

Ces problèmes d’indicateurs faussent le jugement des médias et de l’opinion sur la situation de l’emploi. On a ainsi tendance, en France, à exagérer le chômage des jeunes, et à minorer les difficultés des 50-64 ans. Peut-être est-ce parce que les jeunes ont malgré tout l’avenir devant eux, et qu’on peut les plaindre sans trop d’angoisse existentielle en manifestant vis-à-vis d’eux (davantage que vis-à-vis des seniors) la passion triste mais « vendeuse » de la compassion (voir au sujet de cette passion l’article de Libres Feuillets intitulé « Descartes et Spinoza (I) »).

De même qu’ils tendent à séparer les jeunes des vieux, du moins dans l’utilisation qui en est faite, les chiffres de l’emploi occultent partiellement la réalité de l’ « inactivité ». Or, celle-ci est productrice de richesse, et elle est fondamentale du point de vue du « développement humain » et du bien-être. On a déjà remarqué plus haut que ce terme d’ « inactivité » est particulièrement mal choisi, car les inactifs sont loin d’être inactifs.
Jeunes, ils développent leurs connaissances. On peut mentionner à cet égard les analyses de Bourdieu sur ce qu’il appelle la skholè (qui n’est d’ailleurs pas seulement réservée aux jeunes), ce temps partiellement libéré des occupations et des préoccupations pratiques, qui, malgré ses aspects négatifs dus notamment à la tentation qu’il offre de s’abstraire du monde et de développer une vision élitiste, a rendu possible l’enseignement, la science, la culture, la liberté de penser (voir l’article intitulé « Bourdieu (II) dans Libres Feuillets).
Plus âgés, les prétendus « inactifs », mères au foyer, retraités, remplissent dans la société diverses tâches utiles et nécessaires que « l’emploi » ne permet pas de remplir correctement.

On notera, pour finir, d’après un communiqué d’Eurostat n° 60/2012 du 19 avril 2012 (voir la référence 5), que ce n’est pas dans les populations d’Europe du nord réputées les plus performantes économiquement et travaillant le plus longtemps que l’espérance de vie à 65 ans est la plus grande, mais en France, en Espagne, en Italie, en Grèce (voir la note 6). Est-ce à dire que ces populations devraient travailler plus longtemps? Ou qu’elles ont raison de ne pas se tuer au travail.

 

 Dominique Thiébaut Lemaire

 

Annexe : définition du chômage

Les précisions qui suivent proviennent principalement du site internet de l’INSEE (dictionnaire en ligne, et dossier « chômage » mis à jour en mars 2012)

Qu’est-ce qu’un chômeur ? Pour répondre à cette question, il faut tracer deux frontières au sein de la population en âge de travailler. La première sépare les personnes ayant un emploi des personnes sans emploi ; la deuxième, parmi les personnes sans emploi, sépare les chômeurs des inactifs.
Selon les termes mêmes de l’INSEE (dossier « chômage » de mars 2012) :
« En ce qui concerne la frontière entre chômage et inactivité, l’INSEE a défini un « halo du chômage »: ce sont des personnes sans emploi qui souhaiteraient travailler, mais qui ne sont pas classées comme chômeurs.
« Le plus souvent, c’est parce qu’elles ne recherchent pas d’emploi, quelquefois parce qu’elles attendent le résultat de démarches antérieures. Les autres recherchent un emploi, mais ne sont pas disponibles, généralement parce qu’elles poursuivent des études ou suivent une formation, ou parce qu’elles gardent leurs enfants…
« En ce qui concerne la frontière entre emploi et chômage, le Bureau International du Travail (BIT) a complété en 1998 sa définition du chômage par une définition du « sous-emploi » lié à la durée du travail. Ce sont des personnes ayant un emploi mais :
– qui travaillent à temps partiel, qui souhaitent travailler plus, et qui recherchent un emploi et/ou qui sont disponibles pour travailler plus,
– qui ont involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple, qu’elles travaillent à temps plein ou à temps partiel ».

Notes

Note 1 : taux de chômage des jeunes dans quelques pays de l’Union européenne autres que la France
Les taux de chômage des moins de 25 ans ont été les suivants en février 2012 (source : Eurostat, communiqué de presse 52/2012 du 2 avril 2012); le second pourcentage indiqué ci-dessous étant le taux de chômage pour l’ensemble de la population active :
–         Allemagne : 8,2 % (5,7 %); Espagne : 50,5 % (23,6 %); Italie: 31,9 % (9,3 %); Pays-Bas : 9,4 % (4,9 %); Royaume-Uni (décembre 2011): 22,2 % (8,3 %); Suède : 23,5 % (7,5 %).
En ce qui concerne les taux de chômage des 25-29 ans, les chiffres sont les suivants, d’après « Emploi et chômage des 15-29 ans en 2010 » de DARES Analyses (voir la référence 1) :
–         Allemagne : 8,4 % ; Espagne : 25,2 % ; Italie : 14,7 % ; Pays-Bas : 4,4 % ; Royaume-Uni : 8,2 % ; Suède : 9,9 %.

Note 2 : taux d’activité des jeunes de 15 à 24 ans
En 2010 (source : DARES, référence 1), alors que le taux moyen dans l’Union européenne à 27 est de 43,1 %, et que le taux français s’élève à 39,7 % :
–         Les pays suivants ont un taux d’activité de cette tranche d’âge supérieur au taux français : 69 % au Pays-Bas, 67,4 % au Danemark, 58,8 % en Autriche, 59,2 % au Royaume-Uni, 51,7 % en Suède, 51,3 % en Allemagne, 49,4 % en Finlande, 42,7 % en Espagne, 42,1 % en Irlande,
–         Les pays suivants ont un taux d’activité des 15-24 ans inférieur au taux français : Portugal (36,7 %), Belgique (32,5 %), Grèce (30,3 %), Italie (28,4 %).

Note 3 : taux d’activité des jeunes de 25 à 29 ans
En ce qui concerne les taux d’activité des 25-29 ans en 2010 (source : DARES, référence 1), alors que le taux moyen dans l’Union européenne à 27 est de 82,5 %, et que le taux français s’élève à 87,6 % :
–         les Pays-Bas et la Belgique ont un taux d’activité des 25-29 ans supérieur au taux français : Pays-Bas (88,8 %), Belgique (87,7 %);
–         les taux d’activité inférieurs au taux français sont notamment les suivants: 87,4 % au Portugal, 84,9 % en Grèce, 83,3 % au Danemark, 85,6 % en Autriche, 84,7 % au Royaume-Uni, 84,8 % en Suède, 82,5 % en Allemagne, 82,9 % en Finlande, 86,8 % en Espagne, 83,0 % en Irlande, 68,9 % en Italie…

Note 4 : part des chômeurs (ou part de chômage) dans la tranche d’âge des 25-29 ans
D’après la DARES (référence 1), la part des chômeurs dans la tranche d’âge des 25-29 ans en 2010 a été de 10,3 % dans l’Union européenne à 27 et de 10,6 % en France.
–         Font mieux que la France : l’Allemagne (6,9 %) ; l’Autriche (5,1 %) ; la Belgique(10,2%) ; le Danemark (8,5 %) ;la Finlande (7,6 %) ; l’Italie (10,1 %); les Pays-Bas (3,9 %) ; le Royaume-Uni (7,0%); la Suède (8,4 %) ;
–         Font moins bien que la France : l’Espagne (21,9 %); la Grèce (16,7 %); l’Irlande (14,0 %) ; le Portugal (12,6 %)…

Note 5 : le chômage de longue durée en Europe
En 2010, 3,9 % des actifs en France étaient au chômage depuis un an ou plus. Ce pourcentage correspond à la moyenne de l’Union européenne à 27, mais les résultats sont dispersés. Les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège), les Pays Bas, l’Autriche et le Luxembourg ont des taux de chômage de longue durée inférieurs à 1,5 %. A l’inverse, les pays baltes, l’Espagne (7,3 %),la Grèce (5,7 %),la Slovaquie( 9,2 %), ont des taux élevés (Source : INSEE,site web, thème : travail-emploi, comparaisons internationales : chômage de longue durée dans l’Union européenne).
En France, dans la tranche d’âge des 50 ans ou plus, la proportion des chômeurs au chômage depuis 1 an ou plus a été de 53, 6 % en 2010, à comparer à 40,4 % dans l’ensemble des 15 ans ou plus (Source : INSEE, site web, thème : travail-emploi, France: chômage de longue durée).

Note 6 : l’espérance de vie
D’après le communiqué d’Eurostat n° 60/2012 du 19 avril 2012 (voir la référence 5), l’espérance de vie à 65 ans a été la plus longue en 2010 : en France (23,4 ans pour les femmes, 18,9 ans pour les hommes) ; en Espagne (22,7 ans pour les femmes, 18,6 ans pour les hommes) ; en Italie (22,1 ans pour les femmes) ; en Grèce (18,5 ans pour les hommes)… Les chiffres de l’Allemagne pour la même année ont été de 20, 9 ans pour les femmes et de 17,8 ans pour les hommes.
Ce communiqué d’Eurostat présente aussi l’indicateur des années de vie qu’une personne de 65 ans peut s’attendre à vivre « sans problème de santé grave ou modéré » (sic). Mais cet indicateur ne paraît pas fiable : comme l’indique Eurostat, vivre en bonne santé est défini « d’après les perceptions de la personne interrogée… » Et Eurostat précise: « Veuillez noter que, du fait de différences dans le libellé de la question selon les pays, les données ne sont pas totalement comparables ». Cet indicateur est donc subjectif et sans utilité pour les comparaisons interétatiques.

Références

Référence 1 : « Emploi et chômage des 15-29 ans en 2010 », DARES analyses, n° 039, mai 2011 (DARES: Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du travail, de l’emploi et de la santé)
Référence 2 : « L’emploi des jeunes », DARES, document d’études n° 166, novembre 2011
Référence 3 : Eurostat, communiqué de presse 52/2012 du 2 avril 2012 sur les taux de chômage dans l’Union européenne
Référence 4 : Eurostat, communiqué de presse 8/2012 du 13 janvier 2012 sur le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans dans l’Union européenne
Référence 5 : Eurostat, communiqué de presse 60/2012 du 19 avril 2012 sur l’espérance de vie à 65 ans

Les commentaires sont fermés.