Frédéric Bazille, la jeunesse de l’impressionnisme. Par Annie Birga

Exposition au Musée d’Orsay
Du 15 novembre 2016 au 5 mars 2017

Une exposition consacrée à Bazille, qui vient de Montpellier, le Musée Fabre conservant bon nombre de ses toiles et études, et qui a toute sa place à Orsay, musée par excellence de l’Impressionnisme, avant de partir à la National Gallery of Art de Washington, l’un des musées américains qui, dans les années 1960, se sont enrichis de chefs-d’œuvre d’un peintre peu défendu par nos institutions.

Frédéric Bazille (1841-1870), une vie trop courte, une mort au front après un engagement volontaire dont les motivations sont demeurées énigmatiques. Il subsiste de son œuvre une soixantaine de tableaux, rassemblés dans cette exposition.  Pour permettre de mieux dégager l’originalité de son inspiration, les organisateurs ont mis en regard avec les siennes des toiles de ses contemporains, Delacroix, Courbet, Manet, Monet, Renoir, Fantin-Latour, Guigou, Scholderer, Cézanne.

Bazille a toujours voulu devenir peintre. Pour cela il lui faut quitter ses parents, qui font partie de la grande bourgeoisie commerçante de Montpellier, continuer mollement, à Paris, des études de médecine, mais, vite, s’inscrire dans un atelier pour étudier et progresser.  Ce sera celui de Charles Gleyre, où sont aussi élèves Auguste Renoir et Claude Monet. Il lie amitié avec eux et bientôt partage atelier, voyages et idées. Ces jeunes gens veulent traiter  des sujets proches de la vérité, faire des paysages en plein air dont on étudie la lumière, et, pourquoi pas, comme l’écrit Zola, à propos de Manet,  « mettre des figures de grandeur naturelle dans un paysage ». Les immédiats précurseurs que Bazille admire et qui vont dans cette direction anti-académique, sont Corot, Millet, les peintres de l’école de Barbizon. En 1863 le tableau de Manet « Le Déjeuner sur l’herbe » qui fait scandale, est refusé au Salon officiel, régenté par l’Académie des Beaux-Arts. Bazille admire Manet et des liens se nouent : dans « L’atelier de la Rue de la Condamine » (1869), c’est Manet qui  intervient dans le tableau où il est représenté : il prend le pinceau pour esquisser lui-même le portrait  de son ami Bazille.

Dès 1864, Bazille peint « La Robe rose » : une jeune fille dont on ne voit pas le visage, assise sur le parapet du chemin de ronde, contemple le village de Castelnau-le-Lez.  Subtilité des couleurs et de la lumière, immobilité du temps. Ce sont les qualités des tableaux inspirés par son pays languedocien que Bazille rapporte quelquefois de son séjour estival et qui alternent avec les tableaux urbains de l’hiver. Mais Bazille, contrairement à ses amis, ne peint pas les rues de Paris. La « Petite Italienne, chanteuse des rues » (1866), inscrit son visage fermé et son geste arrêté devant un rempart d’immeubles gris.  L’apprenti-peintre, de plus en plus peintre à part entière, aborde tous les genres, où il affirme sa maestria : la nature morte, avec des portraits de gibier à la Oudry, la représentation florale et c’est la profusion des fleurs de la serre familiale avec leurs couleurs et leur variété. Il peint des autoportraits, dont un « Autoportrait à la palette » (1865), retenu et sobre, des portraits d’amis, Renoir à plusieurs reprises, Monet, et son ami musicien, Edmond Maître, dilettante raffiné entre livre et fumée du cigare. Chacun de ses ateliers successifs, rue Visconti, rue Furstenberg, rue de la Condamine, est évoqué avec le matériel de travail, le fauteuil vert qui suivra partout le peintre, les tableaux appuyés au mur ou par terre, le poêle. Le plus spectaculaire, dans le bon sens du mot, est celui de la rue de La Condamine, qu’il a qualifié d’immense, où il rassemble ses amis, depuis Maître assis dans un coin au piano jusqu’à Monet, Renoir, Sisley et, on l’a mentionné, Manet lui-même. Tableau auquel fait écho l’historique « Un atelier aux Batignolles »(1870) de Fantin-Latour.

Les chefs d’œuvre arrivent surtout du midi languedocien. Que  le Salon retienne ou non les tableaux du peintre, nous considérons les refus comme révélateurs de l’étroitesse de goût des officiels. Citons les sublimes « Portraits de la famille » (1867), « Scène d’été » (1869-70), « Négresse aux pivoines »(1870), « Paysage au bord du Lez »(1870), tableaux nourris par son regard sur ses parents, dignes et guindés, sur l’Eden de l’adolescence dans la campagne ensoleillée, sur la beauté du geste  et du regard féminin au milieu des fleurs brillantes, sur le calme serein d’une campagne sans histoire sinon un sentier et un peu d’eau.
Frédéric Bazille atteint le classicisme. Le mot est dit, et où serait alors l’impressionnisme ? Il n’’est pas dans le rendu, ni dans la touche, mais dans l’intensité de l’impression et du ressenti.

Annie Birga

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