Billet: immigrés ou immigrants

 

On préfère en français le terme d’immigré
Cependant que l’anglais nous parle d’immigrants
Participe présent dont le sens est actif
Au contraire immigré
semble au passé passif

 

Chassés par l’indigence ou la guerre amaigris
Ils entrent dans un monde où les gens sont trop gros
Ils ont franchi des eaux de tempête et de soif
Où les a négligés la mort sans épitaphe

 

Au lieu d’eldorados c’est la portion congrue
Qui les attend au nord dans un climat chagrin
Leur allant peut survivre au bout des catastrophes
Mais rarement le mal rend saint ou philosophe

 

Dans les contrées d’accueil entre espoir et regret
Déçus doutant du bien portés à être ingrats
Ils voudraient repartir dans un aéronef
Entre deux univers douloureuse est la greffe

 

L’immigration par la Méditerranée a battu un record en 2014. Sur un total de plus de 207.000 migrants, plus de 3400 y ont perdu la vie principalement entre la Libye et l’Italie (trois fois plus de morts qu’en 2011, année du précédent record), d’après l’agence des Nations Unies pour les réfugiés.

On parle beaucoup d’immigration, mais principalement du point de vue du pays d’accueil, et on ne réfléchit guère aux pays d’origine, ni au point de vue des immigrés ou immigrants eux-mêmes.

Sont-ils passifs, sont-ils actifs et volontaires ? Entraînés par leur propre désir, ou totalement contraints par leur environnement de départ ? Qu’est-ce qui déclenche la migration ? Rarement des décisions individuelles, contrairement à la vision naïve de l’homme de la rue en France. S’il s’agit de rechercher des avantages matériels, c’est souvent sous la pression des familles qui incitent les jeunes à partir « chercher fortune » pour envoyer ensuite de l’argent à leurs proches restés sur place. Autre cause des migrations : la fuite de la guerre, par exemple celle qui sévit actuellement au Moyen-Orient (Syrie) et en Afrique (Erythrée). Ces mouvements sont accentués par la cupidité des réseaux de passeurs, et par les mirages que répandent les médias des pays développés.

Psychologiquement, pour comprendre l’état d’esprit du migrant, il faudrait creuser les notions d’espoir, de regret, de déception, d’ingratitude. Par exemple, Descartes nous dit que « du bien passé vient le regret » (Les Passions de l’âme, article 67). Mais le regret peut même venir d’un passé dépourvu de bien.

Du point de vue des habitants du pays d’accueil, il importe d’approfondir la compréhension de la compassion, qui, pour Spinoza, est un affect triste et non une vertu (Ethique, quatrième partie, proposition L), ce que Descartes avait suggéré avant lui au sujet de la pitié ressentie par ceux qui se représentent le mal d’autrui comme pouvant leur arriver, et qui sont ainsi émus par l’amour qu’ils se portent à eux-mêmes plutôt que par celui qu’ils ont pour les autres (Les Passions de l’âme, article 186).

Dominique Thiébaut Lemaire

 

 

 

Billet: la ministre de la culture et le prix Nobel de littérature

 

Chargée de la culture et privée de loisir
Elle avoue à présent que sa vraie poésie
C’est notes textos mails pour uniques lectures
Articulets de lois sur des sujets pointus

Quand elle a exprimé récemment son plaisir
Que le jury Nobel ait à nouveau choisi
Un écrivain français qui croit en l’écriture
Elle semblait tenir des propos moins obtus

La ministre devrait montrer plus de désir
Pour l’univers du livre ou plus d’hypocrisie
Vice qui décorant du moins la devanture
Tient parfois en réserve une ombre de vertu

Le franc-parler brutal qui paraît la saisir
A détruit l’illusion de fausse courtoisie
Mais l’une des leçons de la littérature
Est le mensonge vrai des mots non rebattus

Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a félicité Patrick Modiano pour son prix Nobel de littérature dans un communiqué de presse du 9 octobre 2014 :
« C’est un jour heureux pour la littérature française, une très grande émotion et une immense fierté pour la France et pour l’ensemble de nos concitoyens.
« Le Jury du prix Nobel a décidé de distinguer cette année un auteur français dont les romans, traduits en 36 langues, ont bouleversé et passionné des générations de lecteurs à travers le monde.
« De La Place de l’Étoile à son dernier roman Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, son œuvre empreinte d’une douce mélancolie s’aventure avec une infinie poésie dans les replis de la mémoire et les méandres du souvenir. Écrivain d’un Paris occupé, des visages oubliés et des enfances retrouvées, il s’empare des destins individuels pour redonner vie à toute une époque.
« … Il ne manquait que cette ultime consécration à Patrick Modiano qui représente aujourd’hui aux yeux du monde la vitalité et le rayonnement de la littérature française.
Je lui adresse mes plus chaleureuses félicitations. »

Mais, interrogée le 26 octobre par une présentatrice de télévision (de Canal +), sur son livre préféré de Modiano, Fleur Pellerin s’est montrée incapable de citer un seul livre de l’auteur, pas même ceux que mentionne son communiqué. Elle a alors déclaré: « J’avoue, sans aucun problème, que je n’ai pas du tout le temps de lire depuis deux ans ».
Sans aucun problème, et sans se soucier de la cohérence de ses propos, torpillant du même coup sa crédibilité à la fois comme ministre de la culture et comme ministre de la communication.

Dominique Thiébaut  Lemaire