Billet : le blason de l’été

 

Le sable de la plage était presque un désert
Où de la solitude errait en liberté
Mais il suffit pour le peupler qu’un ciel d’azur
Déploie sa profondeur sa hauteur sans mesure
Le blason de l’été bleuit transfiguré

Le corps dès qu’il fait beau se soumet au désir
De prendre des couleurs jusqu’à l’anesthésie
Quand le rayonnement lui prodigue des ors
Et des ultraviolets lumière qu’il adore
Le blason de l’été s’en trouve redoré

Sans penser que la ride et la tache d’usure
Risquent de lui laisser des traces bien cousues
L’estivante somnole insoucieuse des heures
Le soleil lui tatoue faussement caresseur
Ce blason qui la marque au lieu de l’effleurer

 

Le blason, dont la science est l’héraldique, c’est-à-dire l’étude des armoiries, est l’ensemble des signes distinctifs et emblèmes d’un noble ou d’une collectivité, inscrits dans le cadre d’un écu (en forme de bouclier). L’émail est le nom utilisé dans cette discipline pour la couleur : azur, argent, or, gueules (rouge), orangé, pourpre, sable (noir), sinople (vert)… Par exemple, le blason de la ville de Paris a été décrit de la manière suivante à la fin du XVIIe siècle : « De gueules à la nef équipée et habillée d’argent voguant sur des ondes du même mouvant de la pointe, au chef d’azur semé de fleurs de lys d’or ». C’est-à-dire qu’il représente un navire argenté voguant sur des flots de même couleur, dont le dessin est surmonté d’une bande bleue semée de fleurs de lys dorées. L’expression « redorer son blason », qui se disait d’un noble pauvre épousant une riche roturière, est encore en usage de nos jours pour désigner une situation où l’on rétablit son prestige par une réussite. On appelle aussi blason un poème dont Clément Marot (1496-1544) a inventé le genre moderne avec sa louange du « beau tétin » dans ses Épigrammes (1535). A la suite de quoi ont fleuri sur ce modèle les éloges (ou satires) anatomiques. Dans un blason poétique, il s’agit de décrire une partie du corps, principalement du corps féminin, ou, plus largement, les qualités ou défauts d’un être ou d’une chose…

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet : troisième anniversaire

Avec un pistolet qui crache inoffensif
De l’eau pour arroser des feuillaisons roussies
L’enfant donnant à boire aux plantes qui ont soif
désaltère les fleurs aux pétales de soie

Buzz L’Eclair est sorti de son aéronef
Pour fêter les trois ans de Sacha garçonnet
Autre cadeau reçu la tenue de triomphe
Que revêt Spiderman volant mieux qu’un avion

Mais le plus beau présent qui s’offre à l’esprit neuf
de Sacha c’est la vie qu’il découvre sans pause
Toujours en mouvement sans vouloir de repos

Côté jardin ou plage ou côté roches creuses
Piscines pour crevette et pour crabes nombreux
Son émerveillement me suggère ces strophes

 

A trois ans, on parle de mieux en mieux. On suit la logique de la langue, en disant « je vas » comme « tu vas », ou encore « ma épée », comme le voudrait normalement le féminin, au lieu de « mon épée » comme disent les adultes. Au bord de la mer, on craint les bernard-l’hermite, modèles réduits qui courent sur le sable avec une coquille d’emprunt sur le dos, abri sous lequel on voit s’agiter les pinces ; on compare les trous d’eau dans les rochers à des piscines pour les crustacés, et on constate que les crevettes y sont beaucoup plus petites que celles que l’on vend « au magasin ». Au jardin, on remplit avec du gravier le camion-benne en plastique, et quand Mamyvonne, l’instant d’après, parle de gravillon, on prétend corriger le mot qu’elle emploie, avant de comprendre, tout étonné, que deux mots différents peuvent dire à peu près la même chose. On aime depuis longtemps les dessins animés (qu’on appelait naguère des « només »), en particulier celui où les voitures vous regardent avec de grands yeux. On aime aussi les super-héros qui combattent les méchants dans les airs. Mais dans le vrai ciel le mouvement et le vacarme d’un hélicoptère qui passe le long de la côte ne sont pas moins intéressants.

 

Dominique Thiébaut Lemaire