Billet : cinquième anniversaire

Sacha cinq ans questionne expérimente observe
C’est l’âge où il comprend après plusieurs essais
L’art de la bicyclette et roule de conserve
Avec ses deux parents nous montre ce qu’il sait

File sous les rayons d’une lumière en verve
Soleil tapant sur l’estivant qui se dévêt
Pas sous la pluie dont Sacha dit qu’elle « s’énerve »
En ruisselant d’un ciel brièvement mauvais

Il vaut mieux éviter piste ou sentier qui servent
A visiter la rive où les oiseaux se plaisent
Le cycliste apprenti ne peut y être à l’aise

Trop de piétons vélos rallient cette réserve
Circulent font du bruit les non-humains se taisent
Dans l’arrière-marais où la chaleur s’apaise

 

 

L’enfance fascine par l’aventure de ses progrès, dont l’une des étapes importantes est la maîtrise de la bicyclette, maîtrise acquise par Sacha peu avant ses cinq ans. Mais qui dit progrès dit nouveaux problèmes. Vers le quinze août à Fouesnant (Finistère) où Sacha a passé quinze jours après l’île de Ré, les sentiers de randonnée et les pistes cyclables dans le « site naturel classé » de Penfoulic sont victimes de leur succès, d’autant qu’une confusion s’est instaurée involontairement (ou peut-être volontairement de la part des responsables du tourisme et des cyclistes) entre ce qui est piétonnier et ce qui est cyclable. J’avais déjà pu constater cette confusion à Quiberon, il y a quelques années, comme si la coexistence des marcheurs plus lents et des deux-roues véloces pouvait être assurée en toute liberté. A Fouesnant, les promeneurs sont sans cesse dérangés par des cyclistes qui piaffent dans leur dos, et les petits comme Sacha qui se lancent sans l’aide de roulettes stabilisatrices ne peuvent pas vraiment profiter de leur nouveau savoir-faire sur ces itinéraires qui seraient pourtant à leur portée. Quant à l’île de Ré, d’après le journal Sud-Ouest (10 juillet 2017), « avec près de 110 km de pistes cyclables, [elle] attire bon nombre d’adeptes de la petite reine. Mais les accidents se multiplient malgré les avertissements des communes […] Sur les pistes certains se prennent à rêver du maillot jaune au milieu des familles en balade » ; des sentiers de l’île sont interdits aux vélos, mais les interdictions sont mal respectées.

Dominique Thiébaut Lemaire

Une exposition sur les impressionnistes à Londres. Par Annie Birga.

LES IMPRESSIONNISTES A  LONDRES
Artistes français en exil, 1870-1904
Musée du Petit Palais, 20 juin-14 octobre 2018

 

Cette exposition est le fruit d’une collaboration franco-britannique entre conservateurs de la Tate Britain et du Musée du Petit Palais. Elle embrasse une période comprise entre 1870 et 1904. Elle tente de mettre au jour les réseaux de solidarité, de mécénat et d’amitiés qui ont aidé les artistes français réfugiés en Angleterre en 1870-71 et, ce faisant, elle donne à voir et à mieux comprendre  une quantité d’œuvres de premier plan.

Dans ces années 70-71 qui voient la guerre franco-prussienne, la défaite de Sedan, le siège de Paris, la semaine sanglante de la Commune, avec les obus qui pleuvent, le froid de cet hiver-là et la famine, les artistes réagissent de façon individuelle selon leur tempérament. Certains se terrent dans leur habitation, d’autres partent en province,  les plus courageux s’engagent dans la Garde Nationale, un grand nombre s’exile pour un temps à Londres. Les témoignages artistiques de cette période sont frappants et dramatiques. Dès septembre 1870, comme les Prussiens se dirigent vers Paris, Corot imagine l’incendie de la capitale, tableau qu’il considérera comme prémonitoire. L’incendie bien réel s’entrevoit dans le ciel d’un « Episode du  siège de Paris », toile de Gustave Doré. Garde national comme Doré, Tissot fait de nombreux dessins sur le vif, transposés parfois en eaux-fortes. Une aquarelle peu connue représente (29 mai 1871) l’exécution des communards devant les fortifications du Bois de Boulogne. Manet, lui aussi engagé, exécute une série de lithographies intitulée « Guerre civile » d’après des choses vues. Des photographies montrent « Paris en ruine » (Charles Soulier. mai 1871), Tuileries, Hôtel de Ville, Colonne Vendôme et des pans entiers de la capitale. Des toiles  appartenant au Musée Carnavalet  évoquent bien ce climat délétère.

Le contraste est grand avec le restant de l’exposition qui emmène le spectateur dans la capitale anglaise. Elle est alors en plein essor industriel. L’un des premiers artistes français à en découvrir la complexité a été Gustave Doré : dès 1869, il a travaillé à l’illustration d’un album écrit par un ami anglais, « London : a Pilgrimage », dessinant directement sur les blocs de bois qui donneraient la gravure. En 1870 un journaliste du Times remarque : « Exilé de Paris par la guerre, l’art français a provisoirement trouvé à s’héberger en Angleterre ». Et, de fait, Daubigny, Monet et Pissarro se retrouvent à Londres.  Ils peignent en plein air. Daubigny, qui fait partie de l’Ecole de Barbizon, garde une facture hollandaise. Mais Monet et Pissarro qui n’en ont peut-être pas vraiment conscience, sont déjà des « impressionnistes », nom donné à cette réunion de jeunes peintres qui exposeront en 1874 dans l’atelier de Nadar. Comme Daubigny qu’il admire, Monet peint des vues de la Tamise, où se profile déjà la silhouette du palais de Westminster dans la brume. Sa reconstruction vient de s’achever et des ouvriers défont les échafaudages du quai Victoria. Cette toile a été achetée par le marchand d’art Durand-Ruel établi à Londrès dès 1870 et qui y fonda la «  Society of french artists ». Pissarro  choisit d’habiter dans une banlieue semi-rurale et réalise une série de petites toiles lumineuses. Trois ans plus tard, un  autre impressionniste, d’origine anglaise, Alfred Sisley, vient à Londres et  y peint des toiles où le ciel et l’eau sont traités en  bleus et gris légers.

Le plus anglais des peintres français est sans contredit James Tissot.  Il a la part du lion dans cette exposition. Tant de merveilleux tableaux réunis rappellent qu’il est une figure originale de premier plan dans l’histoire de la peinture. Ami de Degas et de Manet, il est déjà connu et riche lorsqu’en 1871 il arrive à Londres. Il va y connaître un succès fulgurant. De formation classique – il a été l’élève de Flandrin – il en conserve des connaissances techniques de premier ordre. Mais il a découvert le japonisme avec ses coupes et ses perspectives et le préraphaélisme, sa peinture lisse de glacis et de demi-pâtes. Il est moderne. Il évoque le Londres des salons fréquentés par la gentry, mais aussi les jardins de sa luxueuse résidence, les promenades en bateau dans le port. La présence de la femme est une constante. Il fait de son amie tuberculeuse un saisissant portrait. Après sa mort Tissot quitte l’Angleterre.

Il a invité l’italien Giuseppe de Nittis à le rejoindre. Celui-ci donne de la ville une image plus réaliste, à la façon des Macchiaioli de son pays d’origine.

Quittant James Tissot, l’exposition révèle au public français un peintre resté dans l’ombre, peut-être parce que l’essentiel de sa carrière s’est déroulée à Londres. Il s’agit d’Alphonse Legros, naturalisé anglais.en 1880, qui avait rejoint l’Angleterre avant l’exil de 70 et joua un rôle important dans l’accueil de ses compatriotes. Son style, réaliste, s’apparente à celui de Courbet ; son grand tableau de l’ « Ex Voto » (1860) rappelle « L’Enterrement à Ornans ». Certes Legros se réfère aux peintres du passé, mais il n’a pas une originalité qui le ferait émerger. Cependant ses talents de graveur sont remarquables et il va enseigner dans des écoles d’art. Il initie Rodin à la technique de la pointe sèche, ce dont le sculpteur le remercie en réalisant son portrait.

On ne connaît pas assez le rôle important joué par les sculpteurs français, Dalou et Lantéri, dans le renouveau de la sculpture anglaise, engluée dans l’académisme. Ils enseignent le modelage et Lantéri compose des manuels techniques. Dalou n’a pas encore réalisé ses sculptures parisiennes (il est alors un communard condamné à l’exil), mais on discerne son remarquable talent et son intérêt pour le social dans ses terres cuites et bronzes. Les amitiés artistiques et humaines se nouent alors, comme en témoignent des portraits croisés entre Alma-Tadema et Dalou ou entre Legros et Dalou, et l’exposition en témoigne avec précision.

Il faut aussi évoquer la présence du maître de Dalou à Londres, Jean-Baptiste Carpeaux. Il y a suivi Napoléon III en exil. Il réalisera son portrait après l’avoir dessiné sur son lit de mort. Son séjour à Londres lui permet de réaliser des commandes, un délicieux « Daphnis et Chloé », une « Flore » qui reprend la figure du Louvre, des bustes de ses amis, Gérôme et Gounod.

Après une parenthèse qui permet de revoir les sublimes Nocturnes de Whistler, bleu et argent et bleu et or des années 1870, dont on ne sait s’ils ont pu influencer Monet, cette exposition se déroulant comme en volutes nous ramène à nouveau auprès de Pissarro et Monet. Ceux-ci sont retournés à Londres dans les dernières années du dix-neuvième siècle et les premières du  vingtième, Pissarro pour y peindre dans un style pointilliste les jardins de Kew, Monet, fidèle à la Tamise et à Westminster. Sauf que Monet a mûri et que cette fois il élabore avec passion une série. Ce sont les trente-sept « Vues de la Tamise », exposées en 1904 dans la galerie parisienne de Durand-Ruel. Vollard les voit et somme le jeune Derain qui a 23 ans de traiter le même sujet. Mais Derain est fauve et c’est une autre Tamise, merveilleuse aussi, qui clôt l’exposition, si riche en déroulements variés.

Annie Birga