Mythologie : Polyphème le Cyclope

Fils de Poséidon le monstre Polyphème
Etait l’un des Yeux-Ronds grands diseurs de blasphèmes
Qui n’avaient à leur front qu’un seul œil menaçant
Hostile coléreux tout injecté de sang
C’est ainsi qu’a paru le cyclope rageur
Devant le sage Ulysse et ses navigateurs
Quand ils ont débarqué sur une île inconnue
Et qu’ils ont essayé d’adoucir leur venue
En invoquant les dieux garants de la coutume
Orale mais sacrée non écrite à la plume
Assurant l’étranger de l’hospitalité
Qu’on doit aux voyageurs même sans qualité
Venus de l’horizon c’est-à-dire du ciel
Au-delà du visible et du superficiel

Le cyclope dont l’œil bizarrement reluit
Répond par un sarcasme adressé à celui
Qui se conduit en chef meneur de petits hommes
Sortis de l’océan comme d’un aquarium
« Tu veux que moi je craigne et respecte les dieux
« Sache que les Yeux-Ronds ne sont pas religieux
« Qu’ils n’ont pas de pitié sous une rude écorce
« Et qu’ils ne croient à rien si ce n’est à la force »
A ces mots il saisit en ouvrant ses deux mains
Deux compagnons d’Ulysse et sans autre examen
Les déchire et les brise il en fait sa mangeaille
Alors se souvenant des combats des batailles
Ulysse prend un pieu qu’il avait préparé
Pour le lancer dans l’œil du monstre sidéré
« N’oublie pas lui crie-t-il que mon nom est Personne »
Polyphème aveuglé dans l’antre qui résonne
par ses éclats de voix bat le rappel des siens
Mais il ne peut leur dire à quel liliputien
A quel mortel chétif imputer sa blessure
Dans son aveuglement plus rien n’est clair ni sûr

 

Le nom de « Cyclope » (Œil-Rond en grec ancien) fait allusion à l’œil unique que ces géants possédaient au front. On a pensé qu’ils personnifiaient les volcans au cratère arrondi, du côté de la Sicile (Etna, Stroboli, Vulcano) et du côté de Naples (Champs Phlégréens, Vésuve qui a causé l’ensevelissement de Pompéi). Le Cyclope le plus connu, immortalisé par Homère (L’Odyssée, IX) est Polyphème, qui vivait du lait et du fromage de ses brebis. Tombé amoureux de la Néréide Galatée (dont le nom signifie « blanche comme le lait ») qui lui préférait le berger Acis, il a écrasé son rival sous un rocher (Ovide, Les Métamorphoses, XIII, 705-897). Il a été l’hôte involontaire d’Ulysse qui, réfugié dans la caverne du monstre à un moment de son errance après la guerre de Troie, lui a crevé l’œil pour se sauver. Polyphème, à qui Ulysse avait prétendu s’appeler Personne, hurlant de douleur et de rage, a ameuté les autres Cyclopes, mais lorsque ceux-ci lui ont demandé qui était responsable de son mal, il n’a su répondre que : « Personne ». Ulysse, le sage mais surtout « aux mille ruses », a pu s’échapper avec ses compagnons encore vivants en se dissimulant sous les bêtes du troupeau qui se pressait pour sortir de l’antre où Polyphème les gardait.

Dominique Thiébaut Lemaire

L’âge d’or de la peinture anglaise. Par Annie Birga.

L’AGE D’OR DE LA PEINTURE ANGLAISE, DE REYNOLDS A TURNER.
MUSEE DU LUXEMBOURG, 11 SEPTEMBRE 2019 -16 FEVRIER 2020.

Aller visiter l’exposition dédiée à la peinture anglaise à l’âge d’or, c’est comme se retrouver au Musée de la Tate Britain : tous les tableaux exposés en proviennent. L’amateur français ne  connaît souvent de la peinture anglaise que des individualités, Turner, Constable ; l’initiative d’une exposition collective qui embrasse une longue période est heureuse, car elle permet de suivre les évolutions de la sensibilité et de saisir mieux différents aspects du génie anglais.

reynoldsJoshua Reynolds : L’honorable Miss Monckton (1771-78)
Huile sur toile

L’âge d’or nous mène donc de Reynolds (1723-1792) à Turner (1775-1851), période historique de grande transformation de la société où la révolution industrielle prend son essor, tandis que l’Angleterre accroît son empire commercial en Inde.

 A l’accroissement de la richesse correspond la naissance d’une nouvelle classe de bourgeoisie ou de petite noblesse, la gentry, et la recrudescence de commandes de portraits pour les peintres. Et les voyages multiplient les échanges culturels.

De fait, l’Angleterre suit l’exemple de l’Italie et de la France. Trente-six peintres décident de se regrouper par l’institution de la Royal  Academy en 1768. Il s’agit de proposer un programme de formation des artistes, basé sur l’étude des maîtres anciens, du dessin d’après l’antique et du modèle vivant. Une exposition annuelle formera la  sensibilité et le goût du public. En tant que théoricien, membre fondateur et premier président, Reynolds y jouera un rôle de premier plan. Gainsborough, Lawrence, Constable, Turner en seront membres.

La première partie de l’exposition, consacrée au portrait, met en regard Gainsborough et Reynolds. Si les sujets sont les mêmes,  portraits des membres de l’aristocratie, les traitements en sont différents. Reynolds qui se veut classique, s’inspire de Van Dyck avec une matière picturale épaisse et forte ; Gainsborough peint plus légèrement, en touches quasi impressionnistes. Tous deux ont sorti  leurs modèles des intérieurs et les représentent dans des parcs avec des jeux de lumière sur les arbres et les ciels. L’objectivité accroît le rendu psychologique.

Ces peintres font école. Si on peut regretter que Lawrence ne soit représenté que par un seul tableau, le portrait d’une artiste dramatique, toute de rouge vêtue, si le grand Raeburn est absent, on  découvre des peintres qui sont loin d’être des artistes mineurs, Francis Cotes, George Romney, Johan Toffany (d’origine allemande). Ce dernier crée le genre des « conversation pieces », portraits qui mettent en scène la vie intime des familles. Les enfants y sont associés ; ils sont représentés avec charme et tendresse dans leurs ébats et leurs jeux. Un grand tableau de Reynolds « Les Archers » (1769) clôt cette partie essentielle de l’exposition. Deux jeunes amis chasseurs au tir à l’arc, au visage de monnaie grecque et aux vêtements  de style Renaissance, tendent leur arc vers une cible indistincte dans le même mouvement de conquête. Par sa force symbolique ce tableau va au-delà du simple portrait.

L’existence de la Tate Britain ne nous fait pas oublier le merveilleux musée londonien consacré au portrait, The National Portrait Gallery, qui témoigne bien de la pérennité de la réussite anglaise dans ce genre essentiel qui n’est pas forcément réservé au portrait historique.

Le paysage apparu en toile de fond dans les portraits va s’imposer comme thème essentiel.  A la mort de Gainsborough en 1788, Reynolds, son rival, le qualifie de « natural painter ».  Les paysages anglais sont très beaux et en nature et en peinture. Les dimensions plutôt exiguës des salles d’exposition ne permettent pas d’en exposer un nombre suffisant pour en rendre l’importance. Passons sur les vues de l’Inde rendues par des toiles banales. Parmi les premiers paysagistes à part entière, Richard Wilson (1714-1782), qui a bien vu et Poussin et le Lorrain en Italie, rend à merveille l’atmosphère des bords de la Tamise. Ruskin dira qu’il introduit « l’art du paysage fondé sur la méditation amoureuse de la nature ». Constable vient plus tard. Il est ici vraiment trop peu montré eu égard à son importance et à son rayonnement, ne serait ce qu’auprès des peintres français impressionnistes. En 1824, il écrivait : «  La tâche du peintre est de faire quelque chose avec rien. Ce faisant, il doit presque nécessairement devenir poète ». C’est le moment aussi où son contemporain, Turner, rapporte de ses nombreux voyages des aquarelles légères, alors que Constable  est un peintre des épaisseurs.

Il existe dans la peinture anglaise une veine fantastique. Le monde shakespearien des sorcières et des fantômes lui est familier. La lecture des grands textes fondateurs, Bible, Paradis perdu de Milton, Divine Comédie, nourrit aussi l’imagination. Une troisième section de l’exposition fait place à ce courant. Fuseli, peintre d’origine suisse, arrivé à Londres en 1779 pour ne pas quitter la ville,  introduit un univers où domine un onirisme noir et inquiétant. Il préfigure le romantisme. Grand dessinateur, il est inspiré par Michel-Ange. On voit de lui une seule belle toile « Le Rêve du berger ». Blake, l’admirait beaucoup, et s’inspirait comme lui aussi de Michel-Ange ; l’exposition présente deux de ses dessins, dont l’un, inspiré par Dante, fait partie d’un cycle d’aquarelles, qu’il qualifie de  « visions de l’éternité ».

Ces rêveries  qui peuvent être mortifères ne sont pas loin de pressentiments et d’évocations de catastrophes. C’est dans l’histoire et dans la religion que les apocalypses aux couleurs de fumées et d’incendies vont trouver leur source d’inspiration, avec « Destruction de Sodome » (1805) de Turner et « Destruction de Pompei et d’Herculanum » (1822) de John Martin, peintre doué qui cultiva toujours cette  même veine.

Le visiteur aimerait que cette approche intéressante d’une peinture anglaise insuffisamment connue se précise par des expositions monographiques et – on peut rêver – qu’elle se prolonge dans ce qui suit le romantisme, l’école des Préraphaélites qui a annoncé le symbolisme européen et a donné lieu à tant de chefs-d’œuvre.

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Mythologie : Khiron (Chiron)

Khiron fils de Cronos  et d’une océanide
Semblait une chimère à l’apparence hybride
Mi-homme mi-cheval car il était le fruit
Des amours du titan lequel avait séduit
Par un corps d’étalon portant haut sa crinière
La fille d’Océan fougueuse cavalière
Qui prenait du plaisir dans la vague au galop
Et courait sur les eaux plus vite que les flots
De cette union est née Ocyrhoé la rousse
Dont les membres tremblaient de profondes secousses
Quand elle prévoyait l’avenir incertain
Et qu’elle prédisait les secrets des Destins
Si bien que ces derniers craignant cette rivale
L’ont métamorphosée en muette cavale

Khiron frère de Zeus était d’un plus haut rang
Qu’un centaure ordinaire il était différent
Se montrait supérieur en savoir et sagesse
Dispensait ses leçons avec grande largesse
Précepteur d’Asclépios d’Actéon de Jason
Sur les flancs du Pélion et sous les frondaisons
Il leur communiquait sa science multiple
Achille était du nombre un excellent disciple
Héritier d’une lance incommode à manier
Mais puissante taillée (par le bon façonnier
Qu’était son instructeur) dans un long bois de frêne
Une arme qui volait sans que rien ne la freine
Vers la cible et le but à savoir l’ennemi
Khiron blessé lui-même et tué à demi
-il était immortel sans être invulnérable-
Atteint par accident d’une flèche incurable
Au côté d’Héraclès comprenant que sans fin
Sans mort il souffrirait vivant jamais défunt
A préféré troquer l’existence éternelle
Contre un repos final dans une vie mortelle

 

Dans la mythologie grecque et latine, Khiron (Chiron en français) est un bon centaure, fils de Cronos et de l’océanide Philyra. Contrairement aux autres centaures, il est non seulement immortel mais aussi réputé pour sa sagesse et ses connaissances. On lui a confié l’éducation de nombreux héros qui sont devenus ses disciples, notamment Asclépios, les Dioscures, Jason, sans omettre Achille fils de Pélée. Parmi les cadeaux reçus par Pélée lors de son mariage avec la néréide Thétis figurait une lance de frêne coupée par Chiron sur le mont Pélion (Iliade, XVI, vers 139-144 et XIX, vers 387-391 ; voir aussi Ovide, Les Métamorphoses, XII, vers 70-97), arme longue, lourde et puissante, que seul Achille savait manier. La fin de Chiron fait partie d’un épisode connu sous le nom de Centauromachie. Chiron avait été l’hôte d’Héraclès qui l’aimait et l’estimait. Il a combattu aux côtés de ce héros dans sa lutte contre les centaures lorsqu’il a fallu chercher puis ramener le sanglier d’Érymanthe (le troisième des douze travaux d’Hercule). Dans une mêlée, Héraclès a tiré une flèche qui a atteint par mégarde Chiron au genou. Le blessé a tenté d’appliquer un onguent sur la plaie, mais celle-ci n’était pas guérissable : Héraclès avait trempé les pointes de ses flèches dans le sang empoisonné de l’Hydre de Lerne (le deuxième des travaux d’Hercule). Souffrant de douleurs intolérables, Chiron, bien qu’immortel, a demandé la mort aux dieux. Ceux-ci lui ont accordé d’échanger sa nature avec celle d’un mortel qui était Prométhée. Zeus a aussitôt fait de Chiron la constellation du Centaure, ou du Sagittaire.

Dominique Thiébaut Lemaire