Billet: quarante-cinq ans de mariage

Si le célibataire est parfois endurci
Peut-on en dire autant des mariés qui renforcent
Avec le temps leur lien au milieu des divorces
Auxquels ont succombé en se désamorçant
Tant d’unions égarées sur un triste versant

Pour échapper au sort des amours en sursis
Entre elle et lui l’accord tient bon serait-ce parce
Qu’elle vient de Vénus et que lui vient de Mars
Qu’ils sont un tout vice-versa recto verso
Ou plutôt que leurs bras sont de vivants arceaux

Qu’ils n’ont pas négligé l’occasion des sursauts
Et que dans leur parcours dans cette longue course
Ils n’ont pas oublié la fraîcheur de la source
Que leur autonomie n’est pas de l’autarcie
Qu’ils ont pu soulever le poids de l’inertie

Ils craignent la vieillesse où le jour s’obscurcit
Dans la fragilité qui fait qu’on tergiverse
Mais l’air de leurs vingt ans dans leur tête les berce
Ils préservent en eux plus que des éclaircies
C’est pour continuer qu’ils se disent merci

 

En ce temps de « mariage pour tous », c’est-à-dire pour les homosexuels comme pour les hétérosexuels, le mariage est en perte de vitesse, comme le montrent les chiffres de la nuptialité en France.  283 000 mariages ont été célébrés en 2005, 241 000 en 2014, dont 10 000 entre personnes de même sexe. Plusieurs autres options sont possibles. La polygamie est bien sûr interdite chez nous, du moins celle qui autoriserait plus d’une épouse – ou plus d’un époux – simultanément. Mais, par le divorce (130 000 chaque année), rien n’empêche  d’avoir plus d’une épouse ou plus d’un époux successivement. Rien n’empêche non plus d’être marié(e) mais d’entretenir une liaison hors des « liens du mariage », les œuvres littéraires ou autres en témoignent surabondamment depuis longtemps. Rien n’empêche non plus d’éviter le mariage, en se contentant d’un pacte civil de solidarité qui peut être rompu sans grande formalité (168 000 pacs ont été contractés en 2013, dont 6 000 entre personnes de même sexe). Et le tout, dans une idéologie ambiante qui célèbre l’amour. L’amour éternel, du moins tant qu’il dure. Dans ce contexte, où les divorces et les séparations sont monnaie courante, et où ceux qui ne peuvent plus s’entendre font de nécessité vertu en vantant le changement de partenaire, il y a des personnes qui, au contraire, font figure d’originaux venus d’une autre époque ou d’une autre planète fêter leurs nombreuses années de mariage. Mais qu’importe la diversité des situations, du moment qu’un bonheur est au rendez-vous.

Dominique Thiébaut Lemaire

Billet: deuxième anniversaire

Entre le papillon qui fait sa promenade
Sur l’herbe et sur les fleurs en zigzag ou en boucles
Et l’avion dans le ciel d’un bleu d’océanides
Le monde s’élargit s’ouvre comme un spectacle
Admiré par Sacha qui en voudrait les clés

Pour découvrir ce monde il a besoin d’une aide
Mais déjà sûr de lui comme certain d’un socle
Il s’avance en un jour que le soleil inonde
Bien droit sur son jouet pareil à un tricycle
A double roue avant la chute semble exclue

Cadeau pour ses deux ans c’est une trottinette
L’équilibre y remplace avec bonheur les sangles
Harnachant la poussette et qu’il trouvait gênantes
Alors que sans attache il court trottine et jongle
Avec la pesanteur dans l’espace mi-clos

Explorateur aussi de la gamme des notes
Qui forment la syllabe et le signe ou le sigle
Il écoute il apprend sans perdre une minute
Il abrège les mots dans un sourire espiègle
Et termine parfois en riant aux éclats

 

Sacha dans le jardin breton élargit peu à peu ses investigations. Depuis le ras du sol il les pousse jusqu’au ciel bleu de l’été où il repère quelques nuages, un croissant de lune très pâle et un avion qui passe. Il a reçu pour ses deux ans une trottinette ou patinette qu’il appelle ninette. Il a tendance à ne garder des mots que deux syllabes, la dernière, et l’avant-dernière où il conserve une consonne ou une voyelle en l’accommodant souvent à sa manière.

Dominique Thiébaut Lemaire