Les Citadelles : revue/anthologie de poésie n° 22 (2017)

Le numéro 22 des Citadelles, revue/anthologie annuelle de poésie, a paru au deuxième trimestre 2017.

Le lecteur est invité à se reporter à l’article de Wikipédia intitulé Les Citadelles, qui fait le point sur plus de vingt ans d’existence consacrés à l’amour de la poésie, un amour qui embrasse un vaste cercle d’auteurs, de langues et de pays.

L’article de Wikipédia inclut les apports du numéro 22, caractérisé notamment par  son ouverture à l’Afrique et à la francophonie. Le sommaire reproduit ci-dessous en témoigne.

 

Libres Feuillets

 

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Billet : cyclones des Caraïbes

Entre la Guadeloupe et sa sœur Martinique
Un minuscule Etat que le destin punit
Végète à l’abandon nommé La Dominique
Le nombre de ses plaies forme une litanie

Quand le vent fait souffrir cette île volcanique
L’orgue de l’ouragan n’est que disharmonie
Quand il est surpuissant niveau cinq cyclonique
La tourmente la nuit devient de l’agonie

Le charme tropical à ce moment révèle
Son côté le plus noir trombes d’eau qui dévalent
Rivage ravagé toitures qui s’envolent

Tornades tourbillons bourrasques de déluge
Les mots ne manquent pas peut-être qu’ils soulagent
L’impuissance à guérir les maux qui nous affligent

 

L’ouragan Irma a sévi du 29 août au 12 septembre 2017. Classé en catégorie 5, la plus élevée, avec des vents de plus de 300 km/h, il est le deuxième cyclone le plus puissant enregistré dans l’Atlantique nord après Allen en 1980. Catastrophique dans les îles de Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Anguilla et les Iles Vierges, il y a causé des décès et de gros dégâts. Puis l’ouragan Maria, de catégorie 5 lui aussi, a été le plus puissant à frapper Porto Rico depuis 1928. Ses vents ont atteint 280 km/h, ce qui a fait lui le dixième des cyclones les plus intenses jamais enregistrés dans l’Atlantique nord. Il est passé dans la nuit du 18 septembre au 19 septembre 2017 sur La Dominique (Voir ci-après le poème XLV que l’auteur a consacré dans Courts poèmes long-courriers à cette petite île de 754 km2 et de 75.000 h), où Maria a fait quinze morts en s’engouffrant entre La Martinique et La Guadeloupe, et où il a anéanti l’agriculture (manguiers, arbres à pain, avocatiers, cocotiers, champs de banane et de plantains…). Les animaux, bétail et volaille, ont aussi payé un lourd tribut. Les routes, les réseaux d’irrigation et les serres ont également été  détruites. 25 % de la population active de l’île travaille exclusivement dans le secteur agricole et s’est donc trouvée au chômage. Les canots de pêche n’ont plus été en état de sortir en mer. Des millions d’arbres ont été arrachés. Le manque d’ombre a entraîné une forte évaporation et une baisse des cours d’eau. Les citernes pour l’arrosage des pépinières et jardins de la capitale, Roseau, ont été prises d’assaut par les assoiffés. Des commerces ont subi les pillages des affamés. La distribution de l’aide internationale arrivant dans le port de Roseau a été ralentie par l’état des routes. L’urgence la plus pressante a été le ravitaillement des communes reculées par hélicoptère et par bateau.

Le poème XLV de Courts poèmes long-courriers (Le Scribe l’Harmattan, 2011), écrit dans la première moitié des années 1990 à l’occasion d’un voyage dans cette région du monde, parle de Roseau, capitale de La Dominique, et de Castries capitale de l’île de Sainte-Lucie au sud de La Martinique.

XLV

On ne sait trop vous situer sur la planète
Castries Roseau villes perdues des Caraïbes
Offrant pour atterrir des pistes désuètes
L’une en creux l’autre en courbe en un décor qu’imbibe

L’humidité propice à la fièvre aux amibes
Décor où vous reçoit grand-mère sous-préfète
La ministresse en chef à la bonne franquette
Bourrue parlant créole ou vieux français par bribes

On confond le planton et le traîne-savate
Devant la primature où l’ivrogne titube
Et l’ambassadeur lance un juron de pirate

Contre ces faux édens où la chaleur incube
Indolence et violence où vous guettent latents
La bouche soufrière et l’œil de l’ouragan

 

 

Dominique Thiébaut Lemaire

 

Billet : les nouvelles règles de l’insécurité routière

De plus en plus d’engins circulent sur les routes
Autos gonflées motos à double ou triple roue
Le bruyant motocycle excité comme en rut
Pollue aussi la ville en sillonnant les rues

Dératés impatients opérés de la rate
En plein embouteillage au cœur des embarras
Les motards slalomeurs dépassent la charrette
De l’automobiliste immobile à l’arrêt

Sur la piste cyclable au besoin qu’ils empruntent
Parfois à contresens ils ignorent le frein
Prennent des raccourcis de brutes tout terrain

Lorsque sur le périf en rangs serrés poireautent
Les quatre-roues coincés restant sur le carreau
Ils vont s’y faufiler tant pis pour les accrocs

 

La réglementation des voies de circulation tourne à la pagaille. Il faut partager, dit-on, l’espace disponible pour les déplacements, rues en ville et routes ailleurs, entre les piétons, les automobiles, les camions et les diverses variétés de cycles : bicyclettes ou vélos, motocycles de toutes cylindrées (cyclomoteurs, vélomoteurs, motocyclettes ou motos, scooters), qui peuvent être aussi des trois-roues. On voit même passer à toute allure sur les trottoirs des trottinettes motorisées sur lesquelles se tiennent droit, fiers comme Artaban, de grands dadais barbus. Les vélos ont désormais le droit de prendre à contresens les sens uniques. Aux carrefours, ils peuvent aussi passer au feu rouge à condition de respecter la priorité des piétons et des véhicules qui traversent au feu vert. Depuis 2016, dans onze départements (l’Ile de France, la Gironde, le Rhône et les Bouches-du-Rhône) les deux-roues motorisés sont autorisés à circuler entre deux files de voitures circulant dans le même sens sur les chaussées à voies multiples avec terre-plein central. La Sécurité routière explique que cette circulation « inter-file » est de toute manière déjà « massivement pratiquée », et que son autorisation va être « expérimentée à titre exceptionnel » en vue d’une généralisation dès 2020 : bel exemple d’une lâcheté réglementaire qui entérine sa propre impuissance pour faire plaisir à des lobbys bien intentionnés, et qui se déguise en fausse expérimentation. Pendant ce temps, entre 2015 et 2016, la mortalité routière, quasi stable globalement (3477 décès), a augmenté dans certaines catégories de la population : 559 décès de piétons, en hausse de 19 % ; 162 décès de cyclistes, en hausse de 9 %, principalement dans les agglomérations ; 612 décès de motocyclistes, chiffre global stable, en baisse chez les moins âgés, mais en hausse de 23 % chez les 50-64 ans (142 décès).

Dominique Thiébaut Lemaire